Sharp Objects
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Pays:
Américain
Thème (s):
Personnalité Narcissique, Triangle dramatique de Karpman, Vérité, Violence
Date de sortie:
9 juillet 2018
Durée:
0 heures 50 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Jean-Marc Vallée
Acteurs:
Amy Adams, Patricia Clarkson, Chris Messina
Age minimum:
Adolescents et adultes

Sharp Objects (Sur ma peau au Québec), mini-série télévisée américaine de Jean-Marc Vallée, diffusée depuis le 8 juillet 2018 sur HBO et le 9 juillet 2018, en France, sur OCS City. Adapté du roman éponyme de Gillian Flynn (2006 : trad. Christine Barbaste, coll. « Suspense », Paris, Calmann-Lévy, 2007). Avec Amy Adams, Patricia Clarkson, Chris Messina. Multiprimée.

Thèmes

Personnalité narcissique,violence familiale, triangle de Karpman, vérité.

De prime abord, la mini-série semble épouser le genre souvent exploré du psycho-policier. Mais elle n’en demeure pas moins plus inédite et plus sharp qu’il n’y paraît, sans qu’il faille, comme certains, crier au génie.

 

Le récit se fonde sur une trame aussi connue qu’efficace : l’enquête policière qui, comme dans True Detective, devient aussi une quête personnelle ; un retour chez soi qui est l’occasion d’un retour en soi. Il en est de même du cadre. Il met en scène un Sud souvent visité depuis Tennessee Williams où la chaleur insupportable du climat symbolise la brûlante morsure des personnages enfermés dans leurs rumeurs et leurs rancœurs, autant que l’étouffante brûlure d’une petite ville figée dans son passé.

 

Mille fois éprouvé, le sujet n’en demeure pas moins toujours éprouvant. Surtout, le réalisateur Jean-Marc Vallée, s’appuyant sur le livre de celle qui a déjà commis Gone Girl et Dark Places, a su apporter des touches originales, comme le caractère systémique ou écologique du mal (les porcs souffrent eux-mêmes de cette violence-vengeance latente qui cherche non pas la vérité, mais le bouc-émissaire sur qui déverser le trop plein de rivalité mimétique dont périt cet univers mortellement uniformisé). Mais le plus neuf réside peut-être dans le traitement inhabituellement discret de l’image. Comme  dans Gone Girl, le spectateur s’attend à un éclatement barbare de violence contemporain de l’éclatement de la terrifiante vérité : le retournement de la fille meurtrie contre la mère meurtrière. Or, il assiste comme de loin à l’arrestation de celle-ci ; il se sent presque frustré du manque d’explication et surtout du caractère mitigé, à la limite de l’ambiguïté, du chef d’accusation, et de la privation d’une cinglante, voire sanglante condamnation. D’un côté, le diagnostic est d’une cruauté sans appel, car les effets sont sans mesure : la petite fille haïe par sa mère a tant introjecté le rejet que chaque centimètre carré de sa peau s’est transformé en un parchemin criant de (la) vérité ; les maux se sont gravés dans les mots qui couturent sa peau et tentent de contenir ce que l’âme ne peut plus retenir. Mais, de l’autre, le remède semble aussi dérisoire que peu résolutoire, voire illusoire.

Loin d’être accidentel, ce hiatus intentionnel fait entrer dans la psychologie traumatisée de cette famille hautement dysfonctionnelle plus sûrement qu’un bain de sang qui n’est qu’une trompeuse réponse. L’incarcération de cette prédatrice hautement pathologique n’est que le tout premier pas, encore tout extérieur d’un très long chemin qui consistera à se délivrer de l’emprise intérieure qui a enfermé chaque membre de sa famille dans une prison autrement efficace : celle de la culpabilité. Tant la personnalité manipulatrice qui jamais ne s’accuse ni ne s’excuse brouille toute frontière ente le bien et le mal, et oblige la manipulée à introjecter la violence pour se l’attribuer dans une auto-accusation infinie (pourquoi as-tu donc supporté aussi longtemps l’insupportable ?). Le don-potion-poison versé avec amour-haine par la mère digne-indigne devient alors le symbole formidablement éloquent du venin encore plus toxique que la mort au rat, qu’elle répand dans le cœur si vulnérable de ses filles : autant aimées, comment ne se sentiraient-elles pas vertigineusement responsables de s’éloigner et d’ainsi faire souffrir une mère à qui elles ne peuvent reprocher que de trop les aimer ?

L’aliénation est d’autant plus efficace qu’elle emprunte les voies constamment arpentées du triangle dramatique (entre mère bourrelle, cadette sauveteuse et enfants victimes) doublées des perversions systémiques (entre la persécution active de la mère, la lâche complicité passive du père et la fuite de l’aînée fugueuse).

 

Un objet n’est-il pas d’autant plus tranchant (sharp) qu’il dissimule son tranchant sous la douce apparence d’une tendre compassion ? La marque la plus indubitable autant que la plus indécelable du démon consiste à singer le Dieu au cœur doux et humble (cf. Mt 11,29) qu’il jalouse. Surtout, le récit ne tranche si efficacement que parce qu’il tranche profondément. Pour celui qui consent à tourner son œil aussi au dedans, cette série lente et exigeante peut devenir l’occasion d’une mise en lumière de ses zones d’ombre, voire d’une remise en question de ses scénarios les plus toxiques, car les plus répétitifs et les plus cachés, car les plus justifiés.

 

Pascal Ide

Camille Preaker (Amy Adams), journaliste spécialisée dans les affaires criminelles, est récemment libérée d’un hôpital psychiatrique après des années d’automutilation. Envoyée par, elle retourne dans sa ville natale de Wind Gap, dans le Missouri, pour enquêter sur le meurtre brutal d’une jeune fille et sur une disparition d’une autre adolescente. Elle est hébergée dans la maison de son enfance, sous le regard aimant d’Amma sa fragile demi-sœur (Eliza Scanlen), l’œil critique de sa mère, la mondaine Adora Crellin (Patricia Clarkson), et celui mortellement indifférent de son beau-père Alan (Henry Czerny). Camille va devoir affronter ses vieux démons et se confronter au détective Richard Willis (Chris Messina) qui est lui-même en tension avec Vickery (Matt Craven), le chef de la police locale. Le pire criminel est-il cet assassin qui rôde au dehors, mais tout proche, dans ce micro-univers de Wind Gap aux secrets bien gardés, se trouve-t-il dans le monde intérieur de la suicidaire Camille… ou à la jonction de ces deux mondes ?

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