Otages à Entebbe
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Thème (s):
Don
Date de sortie:
2 mai 2018
Durée:
1 heures 47 minutes
Directeur:
José Padilha
Acteurs:
Daniel Brühl, Rosamund Pike, Eddie Marsan

 

 

 

 

 

Otages à Entebbe (7 Days in Entebbe), biopic d’action britannico-américain de José Padilha, 2018. Avec Daniel Brühl, Rosamund Pike.

Thème

Don de soi.

Pourquoi un quatrième film – après Victoire à Entebbé (1976), Raid sur Entebbe (1976) et Mission Yonathan ou, en anglais, Operation Thunderbolt (1977) – sur cet événement si propice à un film d’action ? Peut-être pour démontrer la complexité de la situation, donc des décisions ; mais, plus encore, pour montrer la complexité des cœurs, et donc l’impossible évaluation subjective des protagonistes. Pour cela, le biopic du réalisateur de la série Narcos met en scène au moins quatre groupes de personnages : les deux terroristes Allemands, dans leur différence avec leurs homologues Palestiniens ; les autorités politiques d’Israël ; les otages, et surtout l’un d’eux, qui fait partie du personnel navigant ; les militaires chargés de l’opération tonnerre (Thunderbolt), et surtout l’un d’eux, Zeev Hirsch (Ben Schnetzer), qui vit en ménage avec une danseuse très amoureuse, Hannah.

 

Certes, les terroristes commettent plusieurs fautes d’une gravité éthique extrême : tuer (au moins en intention) des personnes innocentes ; doubler cette destruction physique d’une destruction psychologique, liée au traumatisme de la prise d’otages ; s’ériger en justicier hors de tout cadre légal ; pour l’immense majorité, sinon pour la totalité, se venger d’une histoire blessée et donc s’aveugler sur leur motivation prétendument idéale (l’idéal révolutionnaire) ; adhérer à une idéologie anarchiste récusant toute société politique et y subordonnant (c’est-à-dire y sacrifiant) les préceptes premiers de la moralité ; etc.

Toutefois, en prenant des acteurs d’une réelle épaisseur humaine, l’allemand d’origine espagnole Daniel Brühl, et la britannique Rosamund Pike, le réalisateur nous fait entrer dans la complexité non seulement de leurs motivations, mais aussi de leurs décisions, qui se traduit par des conflits de loyauté et même des scènes inattendues de compassion ou de remise en question. Voire, à une possible rédemption lorsqu’est suggéré le refus final de faire payer aux otages l’attaque de l’armée israélienne – qui ne saurait se réduire à un syndrome de Stockholm, prévenu par Carlos.

 

Encore plus complexe est le choix des responsables politiques d’Israël. Sans doute par souci de simplicité scénaristique, cette option se cristallise dans l’opposition entre un Premier Ministre, prudent jusqu’à la procrastination, et un Ministre de la défense, proactif jusqu’au machiavélisme.

Mais, là encore, le film se refuse au manichéisme simplificateur, puisque nous voyons Yitzhak Rabin, après ample consultation, consentir au raid, et Shimon Peres, lors d’une longue veillée insomniaque fermer les yeux et sans doute prier, incertain de la justesse de son choix.

 

La figure la plus attachante est peut-être celle du mécanicien français. Il échappe à la tentation inverse du pessimisme : la transformation en héros qui retournerait, ici par ses qualités diplomatiques, le cœur tourmenté de Böse que Brigitte accuse de faiblesse. Certes, l’héroïsme final de Jacques Le Moine se résumera en une simple mimique gestuelle et faciale (un discret « non ») adressé au tueur qui, indécis, voire confiant, semble lui demander s’il doit exécuter des innocents juifs. Mais cette incitation à refuser l’irréparable, aussi simple qu’efficace, fut préparée par de multiples actes, de courage (oser s’approcher du pirate pour échanger), de justice (affirmer clairement qu’un mécanicien est plus efficace que cinquante terroristes) et de prudence (demander le groupe d’appartenance pour mieux anticiper la menace).

 

Enfin, les militaires apparaissent en général au mieux comme le bras armé obéissant d’un ordre venu d’en haut, au pire comme des robots sans conscience. Ici, le focus sur l’un d’eux, Zeev Hirsch, montre non seulement le prix à payer qui n’est rien moins que le don de sa propre vie pour son pays, mais la hiérarchie spirituelle qu’il commande : le bien privé de sa future famille est subordonné au bien commun de sa patrie – d’où le faux dilemme que lui impose son collègue : soit demeurer célibataire, soit épouser un soldat vivant sur la base…

Ici prend sens un choix filmique vivement critiqué que nous souhaiterions sauver : le cinéaste brésilien montre en parallèle, certes d’une manière pesante et répétitive, une chorégraphie contemporaine et l’attaque victorieuse, mais coûteuse contre les terroristes d’Entebbé. Or, que nous montre cette scène sans mot ni mélodie, mais tout en gestes et en percussion, sensée dramatiser l’assaut ? Qu’il n’y a pas de don extatique sans un don kénotique ; autrement dit, qu’aimer n’est pas seulement s’élancer vers l’autre, mais risquer sa vie pour lui. En effet, sur scène, la quinzaine de danseurs disposés en demi-cercle semble d’abord animée par des convulsions. En réalité, ils sont parcourus par une onde qui se transmet et s’amplifie. Et, en se communiquant, cette vague constitue l’unité du groupe, plus encore, conduit peu à peu chacun à se dépouiller (de manière pudique) des habits qui, en leur offrant une respectabilité sociale, les uniformisent jusqu’à les indifférencier – sauf pour l’un des danseurs, en l’occurrence une danseuse qui, d’une part, tombe et sombre à chaque vague, toujours plus violemment, et d’autre part demeure habillée. Or, cette résistante se trouve être Hannah, la compagne de Zeev qui, bien qu’amoureuse, se refuse doublement à la radicalité de l’offrande de soi : contre celle de son compagnon, en faisant pression sur lui pour qu’il ne parte pas en mission ; mais aussi contre la sienne propre, en peinant à payer de sa personne pour jouer son personnage (trop peu de peur anesthésie ; trop de peur paralyse, lui fait remarquer le chorégraphe avec finesse).

 

Face à la sombre figure manipulatrice du très inquiétant Idi Amin Dada, qui va jusqu’à intrumentaliser la volonté de Dieu pour justifier sa sanglante auto-glorification en sauveur – seul personnage qui, heureusement, n’est pas sauvé –, le film incite donc à un regard qui se refuse autant au reportage froid qu’à la prise de position unilatéralement triomphaliste, en faveur d’un regard engagé qui met à nu les dilemmes déchirant les cœurs, encore plus prisonniers de leurs contradictions que les otages. Ni distancié, ni impudique, Padilha introduit dans cette réserve respectueuse qui détourne du jugement hâtif, pour hâter notre auto-jugement, qui est toujours un appel à la conversion : et moi, quelle décision aurais-je prise ?

Pascal Ide

Le 27 juin 1976, le vol Air France 139, provenant de Tel Aviv et transportant 246 passagers et 12 membres d’équipage, dont le mécanicien Jacques Le Moine (Denis Ménochet), décolle d’Athènes pour rejoindre Paris. Mais le vol est détourné par 4 terroristes : deux Palestiniens membres du Front populaire de libération de la Palestine, Fayez Abdul-Rahim Jaber et Jayel Naji al-Arjam, et deux Allemands, Wilfried Böse (Daniel Brühl), qui est le bras droit du terroriste Carlos, appartenant au Revolutionäre Zellen, et Brigitte Kuhlmann (Rosamund Pike) qui est l’amante de Carlos. Ils prennent le commandement de l’avion et le détournent vers Entebbe en Ouganda, pays dirigé par le dictateur Idi Amin Dada (Nonso Anozie). Alors que les quatre preneurs d’otages sont rejoints par trois autres pirates à l’aéroport international d’Entebbe, les terroristes révèlent alors qu’ils réclament la libération de 53 prisonniers pro-palestiniens, détenus pour la plupart dans les prisons israéliennes.

L’État israélien, quant à lui, est divisé entre son Premier Ministre, Yitzhak Rabin (Lior Ashkenazi) favorable à la prudence, voire à la négociation, et son Ministre de la défense, Shimon Peres (Eddie Marsan) qui milite ardemment contre la négocation et pour l’élimination des terroristes, quel qu’en soit le prix, afin de sauver le plus vite possible les otages restants.

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