Monsters, science-fiction dystopique, indépendant britannique écrit et réalisé par Gareth Edwards, 2010. Avec Whitney Able et Scoot McNairy.
Thèmes
Amour, aventure, exclusion.
Comme son titre, le grand intérêt de Monsters réside dans sa polysémie.
- Le long-métrage nous raconte une histoire aux héros attachants et au suspense constant. Renouant avec la grande tradition du thriller, perdue ces dernières années, il ose conjuguer aventure et amour. Autrement dit, il double et dope le suspense propre à l’action d’une tension propre à l’émotion. D’un côté, ce trip flippant multiplie suffisamment les obstacles, met en scène un monde suffisamment inquiétant et rend la fin suffisamment incertaine pour que le spectateur se demande : Andrew ne mourra-t-il pas en sauvant Sam ? De l’autre, et c’est encore plus astucieux, l’amour qui semble téléphoné dès la première image et la première rencontre, se trouve indéfiniment retardé non seulement parce que la grande scène de passion ne viendra jamais, mais parce que les multiples résistances à leur rapprochement ne seront jamais clairement levées.
Voir Monsters tisse astucieusement les deux lignes narratives. Loin d’être accidentel ou tardif, l’amour est le ressort secret du film. En effet, c’est parce que Samantha ressent, peut-être à son insu, de la jalousie et qu’Andrew se sent culpabilisé de son intempérance que, de manière immédiate, ils perdent leurs papiers et leurs billets et sont lancés dans la plus imprévisible des intrigues et que, de manière lointaine, une mystérieuse Providence transforme leur échec en une réussite plus haute.
- Ce sens littéral est doublé d’un sens moral qui lui-même se réfracte. Monsters est bien entendu d’abord une fable sociopolitique diaphane. Loin d’étaler les turpitudes morales des guérilleros improvisés profitant de la vulnérabilité de ces Americanos inadaptés à la nature hostile, le road movie qui est d’abord un river-movie manifeste avec compassion la misère de ces Mexicains qui sont passés de la vie à une survie qui n’est qu’une sous-vie. Plus encore, loin de rencontrer, certes, avec empathie, le malheur de ces exclus, Andrew et Samantha vont découvrir leur richesse intérieure, leur générosité simple et leur sens joyeux de la famille.
C’est aussi une parabole écologique. Les prétendus monstres ont été engendrés par les humains (et, parmi ceux-ci, par ceux qui s’estiment gardiens de l’ordre mondial), au point que l’ambivalence du titre éclate avec une évidence presque gênante (qui sont les monstres ?) ; ils n’agressent que parce que, d’abord, ils ont été agressés ; ils produisent de la beauté (scène poétique lors de la pause nocturne qui n’est pas sans évoquer la bioluminescence de Pandora) et de la bonté, épargnant inexplicablement le « couple », comme s’ils pressentaient leur futur amour, voire leur mission à venir (là encore, Avatar I n’est pas loin) ; enfin, ils vivent d’érôs plus que de thanatos (surprenante et bouleversante scène finale qui ne se réduit pas à être le symbole du rapprochement entre les deux protagonistes).
- Enfin, le film ouvre à une lecture eschatologique tout aussi transparente. Avec cette fin douce-amère qui se refuse à conclure, nous sommes placés face à une bifurcation. Soit l’homme continue à élever et multiplier les murs : mur physique inexpugnable entre pays (comment ne pas songer à ce mur de la honte en Amérique du Nord ?) ; mur moral entre nantis et démunis, entre humains et non-humains, entre terrestres et extra-terrestres, entre ceux qui s’aiment (que les militaires séparent au nom de la sécurité). Soit l’homme ose abandonner pride and prejudice pour naître à une fraternité humble et reconnaissante – tant les catégories de Jane Austen peuvent se généraliser à toute relation ; tant l’amour est, redisons-le, le ressort le plus profond de l’aventure…
Comme Another Earth (Mike Cahill, 2011) et tant d’autres, Monsters a beau être réalisé par le cinéaste de Godzilla (2014), Rogue One: A Star Wars Story (2016) et Jurassic World : Renaissance (2025), il est de nouveau la preuve qu’on peut faire un grand film de science-fiction avec un petit budet, une histoire riche avec une narration simple et linéaire, des héros poignants sans acteurs-vedettes.
Pascal Ide
Alors qu’un convoi militaire américain traverse le Mexique, il est attaqué par un extraterrestre semblable à un gigantesque poulpe.
Six ans auparavant, une sonde de la NASA s’est écrasée au Mexique, avec à son bord une forme de vie extraterrestre en provenance d’Io. Depuis, les extraterrestres ont proliféré et le nord du Mexique est devenu une zone interdite fréquemment bombardée par les États-Unis et l’armée mexicaine pour empêcher son agrandissement.
Le photographe Andrew Kaulder (Scoot McNairy) y est envoyé pour récupérer Samantha Wynden (Whitney Able), la fille de son patron qui se trouve dans une zone de quarantaine à San Jose en Amérique centrale.
Pour regagner les États-Unis, les deux voyageurs se rendent en train le plus près possible de la zone et continuent à pied. Après plusieurs voyages en auto-stop, Andrew et Samantha arrivent jusqu’à une ville maritime pour y prendre le ferry le lendemain. L’officier commandant local leur explique qu’ils ne doivent pas arriver en retard car les militaires fermeront l’endroit dès leur bateau parti. La nuit, Andrew et Samantha discutent et se rapprochent : il a un fils né après une brève relation que son ex-femme refuse qu’il voie et elle est fiancée à un homme qu’elle n’aime pas.
Après une nuit arrosée, Andrew se rend compte que la femme avec qui il a couché lui a volé son passeport et celui de Samantha qu’il avait gardé. Ne pouvant embarquer, l’officier leur propose de passer illégalement par la zone interdite via son réseau de passeurs. Après être remontés vers le nord, ils embarquent dans un petit bateau qui longe l’endroit à proximité de la frontière américaine. À terre, ils sont récupérés par une bande armée chargée de les escorter jusqu’à bon port. La nuit, les passeurs leur montrent des œufs d’extraterrestres accrochés aux arbres, ce qui explique leur prolifération et les nombreux bombardements chimiques dans la région. Obligé de voyager de nuit, le convoi est attaqué par un extraterrestre de plusieurs dizaines de mètres et Samantha et Andrew sont les seuls survivants.
Ils continuent à pied jusqu’à apercevoir l’immense mur frontière mais constatent que le poste-frontière est vide. La première ville qu’ils traversent est abandonnée et porte des marques de bombardements. Des panneaux routiers indiquent une route d’évacuation : des extraterrestres sont sortis de la zone. La seule présence humaine qu’ils croisent est une vieille femme qui semble folle. Ils continuent leur périple jusqu’à une station-service qui est encore reliée au réseau électrique. Ils avertissent les secours et contactent leurs proches sans trop savoir ce qu’ils feront une fois leur aventure terminée. La nuit, deux extraterrestres se rencontrent à proximité de la station sous leurs yeux avant de se séparer.
Samantha décide de ne pas rentrer chez elle. Ils s’embrassent avant que la patrouille chargée de les récupérer ne les sépare, et l’on comprend que leur road trip est une préquelle à l’attaque de l’extraterrestre du début du film.