Dernier amour
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Pays:
Français
Thème (s):
Affectivité, Amour, Dépendance, Sexualité
Date de sortie:
20 mars 2019
Durée:
1 heures 38 minutes
Évaluation:
**
Directeur:
Benoît Jacquot
Acteurs:
Vincent Lindon, Stacy Martin, Valeria Golino
Age minimum:
Adultes
Box Office:
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=253962.html

 

 

Dernier amour, drame historique français réalisé et coscénarisé par Benoît Jacquot, 2019. Avec Vincent Lindon, Stacy Martin, Valeria Golino.

Thèmes

Amour, dépendance affective et sexuelle.

Ce film triste sur un homme triste atteste aussi la possibilité de la vraie joie.

 

Dernier amour s’ouvre sur la compulsion, affective (« Chacune est pour moi la première et la dernière ») et sexuelle (son autobiographie parle de pas moins de 42 femmes avec qui il eut un commerce charnel), de cet homme qui court d’aventure en aventure, sans jamais pouvoir se fixer. Son double anglais, Lord Pembroke, n’a fait que raccourcir le délai (Casanova dit pouvoir demeurer quatre ou cinq mois avec une même femme) en affirmant ne pas pouvoir en rencontrer plus d’une nuit. On le sait, même si on feint de l’ignorer, la jouissance du dépendant est une promesse non tenue. Chez le sex and love addict, elle commence par le plaisir, le mélange très tôt à son contraire, exige une croissance du stimulus hédonique pour ressentir la même excitation (ce que l’on appelle l’accoutumance) et s’achève dans la tristesse, bientôt la déréliction et enfin la haine de soi. Pitoyable chute que symbolisent les nombreuses scènes nocturnes, la photographie aux teintes sombres de Christophe Beaucarne et les multiples évanouissements des protagonistes dans les ténèbres. Le crépuscule du Don Juan se filme au crépuscule.

 

Soudain, dans ce qui semble la plus irrémissible et la plus insondable des décadences, jaillit un trait de lumière. La paix et la joie qui semblaient avoir déserté la vie et les traits du Vénitien exilé s’invitent. La raison n’a rien de mystérieux, puisque lui-même en fait d’emblée l’aveu à peine voilé à Cécile : « J’ai toujours été ami de toutes, sauf d’une ». La jeune femme, entre compassion et jalousie, ne s’y trompe pas, qui commente : « C’est peut-être que vous avez vraiment aimé ». Autrement dit, Casanova est sorti de la collection quantitative pour entrer dans l’élection qualitative. Il est brusquement arraché à cette compulsion qui réduit l’autre à un objet, la joie à la jouissance et la contemplation à la consommation. Par l’amour, il quitte le même qui n’est que le prolongement de son ego, pour entrer dans le monde de l’autre qui déborde toute égalité.

C’est, au fond, ce que désire Marianne, ainsi que le lui révèle la fine La Cornelys : « Elle ne se donne que lorsqu’elle est sûre d’être aimée ». Certes, elle ne dit pas elle-même qu’elle veut être aimée, ce que le séducteur regrette amèrement (« Elle aurait dû le dire elle-même »). Mais cette pudeur atteste encore davantage la vérité de son sentiment. C’est aussi ce que désire, avec la même intensité, Casanova. Naît alors une admirable répartition des rôles de la femme et de l’homme dans l’amour. En effet, si la femme est gardienne de l’amour, l’homme, lui, est gardien du désir. Marianne demande, ou plutôt exige que soit retardé de deux semaines, le moment de la rencontre des corps, y compris l’échange d’un chaste baiser. En retour, Giacomo met une limite à ce délai pour que la femme ne se contente pas d’une relation tutélaire où la petite fille se satisfasse d’être tendrement protégée.

 

Mais le dialogue initial nous a prévenu : l’histoire ne s’achève pas bien. Quelle en est la raison ? Marianne et Giacomo ne sont-ils pas amoureux ? Casanova, le débauché compulsif n’a-t-il pas montré, au-delà de ce qu’elle pouvait espérer, qu’il a renoncé à toutes les autres, qu’il ne vit que de compter les jours (« Trois mois et quatre jours, c’est-à-dire quatre-vingt-seize ») ? Contre toute attente, le « non » provient de la jeune femme. Mais comment comprendre que, ayant enfin ce qu’elle a toujours et ardemment désiré, elle se dérobe au bonheur au moment où il se présente ? Voire, désormais détachée d’une mère autoritaire jusqu’à la violenter, elle pourrait désormais vivre dans cette complicité chérie. Le film suggère deux raisons qui, ultimement, convergent.

Dans une admirable scène, Marianne rougissante (quel jeu et quelle lumière !) avoue à Casanova qui a tout oublié, que la boucle ornant sa chaussure, il la lui a offerte, alors qu’elle avait onze ans : « Vous ne savez pas combien ce geste m’a aidé. J’ai cru que tout était possible. Vous m’avez donné ce que vous aviez ». Les regards qui nous sauvent sont les regards qui nous espèrent.

S’en suit un bref échange qui révèle une seconde raison, toute opposée. La Charpillon continue : « Je ne suis pas une femme présentable. – Moi non plus, je ne suis pas présentable, rétorque Casanova. – Mais pas comme moi. À moi, on ne fait pas la cour ». Si le don passé a révélé Marianne à elle-même et l’a élevée au-delà d’elle-même, la suite de sa vie n’a pas réalisé ses aspirations. L’aujourd’hui de l’hétaïre a inscrit en elle une telle détestation qu’elle ne peut plus se croire aimable. Ainsi, la destitution du présent (la seconde raison) vient à la rencontre de l’idéalisation du passé (la première raison) et interdire tout avenir. En se refusant à Casanova, Marianne peut du moins conserver intact le rêve qu’il éveilla en elle et ne pas courir le risque d’une déception qui annihilerait la seule part d’innocence qu’elle a pu conserver en son cœur.

Il n’en est pas de même pour le vieux libidineux : trente ans plus tard, à la peine ordinaire s’ajoute celle de l’amertume désespérée. Voilà pourquoi, de cet homme finissant qui projette son ressentiment sur ses domestiques, nous n’apercevons que le dos : seul l’aimé nous rend aimable ce qui toujours nous échappe, notre visage.

 

Si le film commence et finit dans une accablante tristesse, celle-ci encadre toutefois un moment de joie profonde et imprenable : celle d’avoir aimé et d’avoir été aimé. Les superbes et tendres scènes du salon de thé et de la rencontre au bord du lac baignent dans une lumière mordorée. Les témoignages d’expérience de mort imminente révèlent que, lorsque la personne voit repasser tout le film de sa vie, seules demeurent les zones d’ombre à convertir (notamment les pardons refusés et les violences jamais reconnues) et les moments lumineux où a brillé plus grande générosité. La désolation ressentie au sortir du film s’adoucit de cette consolation qui est le fruit le plus assuré du don et de la communion. « Seule la charité demeure » (1 Co 13,13).

 

Pascal Ide

1793, dans un château de Bohême, Giacomo Girolamo Casanova (Vincent Lindon), au terme de sa vie (il est mort en 1798) peine à rédiger – en français – ses mémoires (Histoire de ma vie). Arrive une jeune femme, Cécile (Julia Roy), qui va l’aider dans sa tâche, en l’interrogeant. Il lui révèle alors que, lui, le courtisan impénitent, a aimé, une fois, il y a 30 ans, à Londres.

Dans cette ville où il a dû s’exiler et dont il ignore tout, à commencer par la langue, il retrouve une ancienne amante devenue amie et désormais ruinée, La Cornelys (Valeria Golino), et son double anglais en plus cynique, Lord Pembroke (Christian Erickson). Casanova continue à partager sa vie entre le plaisir des conquêtes sans lendemain et celui des jeux, lorsqu’il croise à plusieurs reprises une jeune et séduisante courtisane, Marianne de Charpillon (Stacy Martin). Contre toute attente, l’aventurier vénitien tombe amoureux. Mais, quand il l’approche, la prostituée – qui est sous coupe réglée de sa mère (Anna Cottis) – se dérobe à lui. Il multiplie les tentatives. En vain. Jusqu’à ce qu’elle le défie de l’aimer sans céder à son désir pendant une durée de 15 jours. Casanova pourra-t-il résister à un désir qu’il n’a jamais réfréné ? Surtout, Marianne acceptera-t-elle d’être aimée ?

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