Les Gardiennes
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Thème (s):
Amour, Famille, Violence
Date de sortie:
6 décembre 2017
Durée:
2 heures 14 minutes
Directeur:
Xavier Beauvois
Acteurs:
Nathalie Baye, Laura Smet, Iris Bry
Age minimum:
adultes

 

 

Les gardiennes, drame français de Xavier Beauvois, 2017. Inspiré du roman éponyme d’Ernest Pérochon. Avec Nathalie Baye, Iris Bry, Laura Smet.

Thèmes

Espérance, famille, idole, violence, fidélité, amour.

Dans un film sobre et beau, que je vous invite vivement à voir et méditer, le réalisateur de Des hommes et des dieux met en scène avant tout des femmes, ces femmes qui ont veillé pendant que les hommes partaient à la guerre et qu’il appelle des gardiennes. Tout en rendant témoignage en général à leur constance discrète et efficace, Xavier Beauvois s’attarde en particulier sur quatre d’entre elles. Au fait, que gardent-elles ?

 

De manière générale, ces femmes gardent la terre et, à son école, leur verbe. Certes, le film célèbre la beauté de la campagne française aux différentes heures du jour et au rythme des saisons ; mais cette beauté est « fruit de la terre et du travail des hommes », c’est-à-dire ici des femmes qui prennent la relève avec une précision, une endurance, une efficacité que célèbrent de larges plans fixes très étudiés. Autant décrire ces actions précises et efficaces exige de multiplier les verbes (labourer, moissonner, battre le blé avec le fléau, etc.), autant ces femmes sont avares de leur verbe.

Ce film au féminin n’est pas pour autant un film féministe. Les figures féminines ne sont pas toutes exemplaires, loin s’en faut ; les figures masculines ne sont pas toutes défaites (l’on songe à l’employé de mairie qui assigne à Francine son poste). Surtout elles sont largement excusables. Le cinéaste nous montre avec pondération, mais sans ménagement les dégâts considérables de la guerre sur les corps, mais aussi sur les psychismes – surtout à une époque où l’on ignorait encore l’existence de cette pathologie gravissime qu’est le stress post-traumatique. Tout est résumé dans deux images d’un souvenir de Georges qui se réveille en hurlant d’un cauchemard : le corps à corps sans merci à l’arme blanche et le meurtre sauvage d’un adversaire au visage dissimulé sous un masque à gaz qui l’anonymise beaucoup plus qu’il ne le bestialise ; puis la découverte par Georges, sidéré, de ce visage qui, loin d’être ce monstre sanguinaire dont parle la propagande anti-allemande, lui ressemble tant en sa jeunesse, voire son innocence – innocence que lui, Georges, vient de perdre : en le tuant, c’est lui-même qu’il a tué…

Surtout, la femme ne s’accomode pas du départ de l’homme. Autant la campagne est riante, autant ces visages fatigués, ces corps courbés peinent à sourire. À la tristesse inquiète de l’éloignement des hommes se mêle la lassitude intense de ces journées répétitives aux résultats incertains. Lors de la moisson, un premier travelling s’attarde sur les visages de ces femmes harassées qui peinent à s’enchanter d’une récolte pourtant abondante et dit mieux que toute parole, l’accablement de l’éloignement masculin. Un deuxième travelling, pendant la messe, filme la gravité autant que la dignité de ces visages féminins, affectés sans être accablés.

 

Marguerite, qui est comme la fille adoptive de la famille, garde l’espoir du grand amour pour Georges Sandrail. Cette femme au corps d’enfant a pour elle cette continuité qui caractérise la France agricole d’alors et cette famille fermière du Paridier en particulier : la continuité temporelle d’une amitié, voire d’un amour d’enfance qui dure depuis l’âge de onze ans ; la continuité spatiale d’une orpheline qui fait partie de la famille, celle-ci apparaissant comme l’horizon ultime de l’affinité acceptable – ainsi qu’on le redira. Mais elle a contre elle d’être demeurée comme une enfant : physiquement, au point qu’elle doive rappeler à Georges qui l’aime bien (« Tu es ma petite sœur »), qu’elle est devenue une femme ; et surtout psychiquement et moralement, puisqu’elle laisse libre cours à une jalousie possessive jusqu’à être intrusive. Elle s’autorise ainsi une insupportable violence en fouillant la chambre de son amie Francine et en lisant les courriers que Georges lui adresse. Dès lors, en ne gardant pas la réserve chaste qui caractérise l’amour oblatif pour entrer dans la volonté incestuelle de savoir qui notifie l’amour captatif, Marguerite blesse sa vocation (qui rime avec mission) de gardienne. Certes, sans parents connus, elle a l’excuse de redouter la perte de sa famille d’adoption ; mais elle est inexcusable de rejeter celle dont elle s’était rapprochée au nom même de leur commune carence d’origine (« Ma mère aussi est morte en couches »).

 

Solange, elle, est gardienne de la fidélité. De tous les membres de la famille, elle est la seule qui se déplace, voire accomplisse un chemin remarquable.

D’abord, au point de départ, elle observe derrière le vitrage (l’arrivée de) Francine, sans lui ouvrir, avec réserve, voire avec suspicion : est-elle jalouse de la nouvelle venue ? Ou bien, formatée par le repli très identitaire de cette famille et d’abord de la mère, identifie-t-elle de prime abord l’étrangère à une intruse ? Quoi qu’il en soit, Solange sera la seule au terme à s’insurger contre son rejet aussi radical qu’injuste. Avec la même détermination, elle se cabrera contre l’étroitesse d’esprit des membres de la famille, beau-frère y compris, qui, deux ans après sa mort, se disputent l’héritage de Constant, son frère si aimé et si douloureusement disparu.

Ensuite et surtout, alors que, souffrant de l’absence de Clovis, elle succombe au charme d’un beau soldat américain qui profite sans noblesse de la frustration des jeunes filles en fleur. Certes, elle s’excuse trop vite : « Il ne s’est rien passé » ; cet aveu est caractéristique d’une conscience morale alors peu éclairée qui limitait la sexualité à l’acte de chair et donc le péché de luxure à l’union physique hors mariage, contre l’enseignement formel du Christ (cf. Mt 5,27-28). Mais, et l’enseignement est éthiquement riche, l’intention sous-tendant son imaginaire est résolument, et donc fidèlement, tournée vers son époux (« J’ai pensé à Clovis »), de surcroît prisonnier pour une durée indéterminée. Encore une fois, cela ne légitime point l’acte commis, mais l’excuse considérablement. La théologie morale nous éclaire à nouveau, qui distingue le péché de faiblesse (ici en jeu) du péché de malice (la justification de l’adultère, qui n’est pas en cause).

 

De prime abord, Hortense Sandrail est une femme rude et raide, mais animée par la justice. Elle paraît – ou en tout cas se présente comme – la gardienne du bien commun de la famille élargie. En effet, la première image la montre attelée à sa charrue comme elle est attelée à sa tâche journalière, avec ténacité : son exigence rime avec sa persévérance. Et cette image n’est que le prélude de multiples photographies cadrant ce visage attentif jusqu’à oublier d’être attentionné, veillant jusqu’à surveiller, visage qui ne se déride que lors du retour de ses fils. Lorsqu’elle rencontre Francine pour la première fois, ses propos sont réservés, voire strictement limités à l’objectivité de sa fonction, mais sans nulle violence. Plus tard, Hortense précisera sans chaleur, mais avec rigueur, les termes du contrat : « Quarante francs, comme convenu, et votre dimanche ». Et quand Henri se risquera à dire, avec un enthousiasme mesuré : « Elle a l’air gentille et aimable », Hortense le recadrera sans aménité : « On verra bien ». Néanmoins, si elle est avare de son affection, elle paraît honnête. Telle est d’ailleurs l’image que lui renverra Francine. Enfin, Hortense sait même la remercier de son labeur en motivant sa gratitude (« Je suis contente de toi. Tu travailles bien ») ou devancer ses besoins (par exemple, en proposant un édredon contre le froid).

Comment dès lors comprendre l’attitude de la même femme qui, en toute conscience – voire en reconnaissant son injustice –, la jette et la rejette, et ainsi fait sciemment le malheur de son fils et de son petit-fils ? Le scénario ne cède-t-il pas de manière peu cohérente à un retournement que contredit la psychorigidité de cette femme ?

Faire appel au traumatisme dû à la mort de Constant peut éclairer. Ce décès est d’ailleurs annoncé avec délicatesse et pudeur : en se centrant avant tout sur la double scène de l’annonce et de l’enterrement ; surtout, par un long plan fixe au moment du départ de Constant qui, après avoir étreint sa mère et son oncle, leur avoir comme prophétiquement lancé « Soyez forts », s’éloigne à pied, seul, jusqu’à être happé par la brume, alors que sa mère ne peut le quitter des yeux ; cette scène est d’autant plus riche de prémonition que, plus tard, le départ de Georges est filmé avec le même cadrage : alors que le deuxième fils a annoncé son possible non-retour par une émouvante gratitude à l’égard de Hortense, Marguerite et Solange, il part sur le même chemin, en calèche avec sa mère dans la clarté du petit matin… Quoi qu’il en soit, la mère craindrait qu’à la mort du premier fils s’ajoute le départ du second à cause de son épouse : Francine qui vient du dehors doit donc y retourner.

Toutefois, cette explication ne saurait suffire – pas plus que convoquer le durcissement lié au rude labeur quotidien et, plus encore, les responsabilités de la tenue de la ferme. Ce serait confondre la cause et l’effet.

Il faut donc chercher ailleurs et plus profondément – au plan éthique –, et nous interroger sur ce dont elle est gardienne. Ce que Hortense garde n’est pas le bien moral, mais celui de sa famille, quitte à sacrifier ce bien moral. Le long travelling lors de la moisson montre Hortense constamment scrutatrice et contrôlante, incapable de se réjouir du retour de son gendre pourtant prompt à payer de sa personne. Elle-même formule très clairement cet impératif absolu qu’est la sauvegarde de sa famille : « Il faut que je protège ma famille » – ou plutôt de sa réputation. Comprenons bien : assurément, le bien de la famille fait tant partie de l’éthique qu’il est l’objet d’un commandement à part entière, le quatrième (« Tu honoreras ton père et ta mère »). Mais ce qui est en jeu est la réduction de l’autre au cercle familial, et la soumission de la norme éthique (par exemple l’interdit du mensonge) au seul bien de ses proches. S’ensuit une double conséquence : la justification de l’injustifiable comme le mensonge, l’exclusion violente et immédiate de la personne qui ne partage pas son propre sang ; l’hypostasie de la famille, jusqu’à l’idolâtrie. Dès lors, ce que Francine, et peut-être le spectateur avec elle, interprètent comme justice, se réduit à la seule justice intrafamiliale. Autrement dit, elle est acceptée, non point parce qu’elle est droite, donc obéit à la norme universelle, mais parce que, avec une énergie et une insistance exemplaires, elle épouse du dedans la norme familiale.

Ce repli si excluant sur la seule cellule familiale est l’effet non seulement d’une campagne française recroquevillée sur elle-même où, naguère, les communications se faisaient encore à pied ou à calèche, voire où la jalousie entre les familles et les rumeurs (« Ici, tout se sait ») poussait chaque famille à se centrer sur ses seuls besoins, mais d’une France prétendument chrétienne où l’on se posait en s’opposant, où l’affirmation nationale se payait d’une haine de l’autre nation. De ce point de vue, la guerre exerce un effet paradoxalement bénéfique en brisant les barrières et en brassant la population. Les fils mobilisés découvrent plus que de nouvelles techniques agricoles : le sale boche est d’abord un paysan qui, souffrant comme lui, est idéologisé et diabolisé comme lui.

Dans sa théorie du « développement moral », le psychologue américain Lawrence Kohlberg (1927-1987) a montré que l’immense majorité des personnes agit par conformité-conformisme à l’égard de la norme du groupe (ce qu’il appelle les « niveaux de moralité conventionnelle »), sans chercher à la comprendre, voire à prendre du recul (ce qu’il appelle les « niveaux de moralité post-conventionnelle »).

 

Enfin, Francine est le personnage le plus attachant du film parce qu’elle garde la plus haute des vérités vitales (osons-le dire, malgré Nietzsche, des valeurs) : l’espérance. Bien sûr, sa motivation est complexe et surdéterminée par un besoin d’enracinement familial. Néanmoins, la réduire à son traumatisme originaire, c’est se vouer à ne rien comprendre à sa profondeur et à sa pureté. Dès sa première apparition, son beau visage dit à la fois sa droiture (à travers son regard si limpide) et son énergie (à travers le port du menton). Plus tard, à Georges lui demandant si elle est intimidée, elle répond négativement, signifiant ainsi que l’émotion qui la fige est la pudeur, donc l’amour naissant…

Garder l’espérance est le bien à la fois le plus précieux et le plus menacé, et l’œuvre la plus propre de la gardienne. En regard, l’homme qui revient du front est détruit jusque dans son amour de la vie : « Tout a changé : les vivants sont sous la terre, et les morts dessus ». Or, cette conviction vient de ce qu’il a perdu son espérance en l’homme. Ici transparaît la vocation de la femme : non pas seulement ni d’abord tenir la ferme en l’absence de l’homme, ni même élever les enfants en bas âge, bref veiller sur la continuité extérieure ; mais durer au dedans, vivre de la petite fille espérance, espérer contre toute espérance. Autrement dit, être gardienne de l’intimité. Voilà pourquoi saint Jean-Paul II a parlé de la femme comme de « la sentinelle de l’invisible » (Lourdes, dimanche 15 août 2004). Dans les films de l’irlandais John Ford (comme le magnifique The Searchers), les vrais héros sont des héroïnes qui, les maris étant partis combattre l’Indien et parfois chercher une incertaine gloriole, demeurent inébranlables, attendant avec une patience plus qu’humaine dans l’encadrement de la porte. Si les gardiennes ne souffrent pas la passion de la guerre, elles en vivent par compassion : « Je souffre de vous sentir si malheureux », écrit Francine à Georges. Si elles ne craignent pas de mourir, chaque minute, sous le feu ininterrompu de Verdun, elles craignent chaque seconde l’arrivée d’un homme en noir qui leur annonce la mort d’un être cher. D’ailleurs, l’épreuve de la mort ne dure qu’un moment, il est vrai préparé par le purgatoire des tranchées, alors que celle du deuil dure toute la vie.

Or, à deux reprises, nous voyons Francine poser un splendide acte d’espérance. La première, face à celle qui aurait pu être sa future belle-mère. Avec une grande justesse, la servante nomme à la fois le préjudice, son incompréhension et sa certitude qu’Hortense est plus que son acte injuste ; or, « les regards qui nous sauvent sont les regards qui nous espèrent » (Baudiquey) ; donc, par les yeux de l’espérance, Francine voit en Hortense plus qu’Hortense ne voit elle-même : son sens inentamé de la justice.

La seconde, face à elle-même. Comment l’épreuve de ce si cruel abandon, qui lui fait revivre celle de son premier abandon (elle le formule d’ailleurs implicitement : « C’est injuste » ) ne la fermerait-elle pas définitivement à l’amour et à l’homme qui l’abandonne si lâchement, après qu’elle lui a tout donné ? Or, là encore, avec une admirable justesse, nous la retrouvons dans la dernière scène du film en train, à la fois, de chanter la vulnérabilité de l’amour (« Les amours sont fragiles, les serments sont faciles ») et de laisser un homme manifestement subjugué, voire déjà amoureux, s’approcher d’elle et de lui répondre avec son merveilleux sourire.

Si, selon la volonté du réalisateur qui est aussi scénariste, l’intrigue ne se termine pas de manière simpliste par une improbable rétraction de Solange et un plus probable détachement de Georges qui, enfin, s’autoriserait à reconnaître le véritable amour étreignant son cœur (« Vous me manquez, Francine. Votre poilu »), elle s’achève, de manière moins simple, plus douloureuse, mais aussi plus féconde, par ce splendide acte d’espérance en la vie qui renaît. La photographie sur laquelle se surimpose la date « 1920 » n’est-elle pas une branche printanière gonflée de sève et de bourgeons ?

Il n’y va pas que de sa résolution à garder son enfant : « J’ai de l’argent. Je l’éléverai ». Il n’y va pas que du besoin de sa présence : « Il me défendra ». Si nous parlons d’espérance et non pas seulement d’espoir, c’est au sens le plus rigoureux et théologal du terme. En effet, la charité théologale, authentique « espère tout » (1 Co 13,7). Or, le cinéaste avec une liberté et un courage que je salue avec respect et gratitude, nous montre une jeune fille qui non seulement est profondément croyante (son premier acte, arrivée dans sa pauvre chambre, est de clouer un crucifix auquel elle accorde un grand respect), vit de sa foi (nous l’entendons intercéder pour celui qu’elle aime), en témoigne simplement (dans son courrier), mais, plus encore, garde cette foi lors de l’épreuve de la guerre – malgré le témoignage révolté de Georges (« Il ne faut plus prier. Prier ne sert à rien »).

Cette custodie exceptionnelle qui caractérise Francine est soulignée par la musique. En effet, la caméra de Xavier Beauvois qui semble obéir aux impératifs de la nouvelle vague (ni fard, ni son artificiel) laisse filtrer de manière inattendue une mélodie (et pas d’un inconnu : de Michel Legrand) à des moments d’élection. Préciséement à cinq reprises : la première fois, lumineuse, lors de l’arrivée de Francine à la ferme du Paridier ; la deuxième, tragique, lors de l’annonce à Hortense de la mort de Constant au combat ; la troisième, heureuse, lorsque Francine apprend que l’assistance publique lui verse 700 francs, elle s’achète un collier et surtout songe pour la première fois à un avenir libre et heureux qu’elle partagerait avec Georges ; la quatrième, encore plus jubilatoire, lors de son rendez-vous dominical au calvaire avec son bien-aimé ; la dernière fois, de nouveau triste, mais aussi colérique, lorsqu’elle est chassée de la ferme.

La musique atteste non seulement que joie et tristesse s’enlacent, comme les bonheurs et les épreuves de la vie, mais que, par l’espérance, de la mort (de l’exclusion) peut jaillir une renaissance. De fait, au terme, l’estime de soi a suffisamment mûri en Francine pour que le chant, qui était un simple don, devienne une profession. Comme si la musique extérieure qui, pendant le film, accompagne la jeune femme s’était intériorisée en chanson et révélait combien elle fait vibrer d’amour tout son être. Voire, nous est-il suggéré que les destinées de Francine et d’Hortense se conjuguent de sorte que la vie, peut-être même le pardon, qui ont fait leur œuvre dans le cœur de la première, un jour viendront ressusciter le cœur de la seconde ?

 

Ainsi, de toute cette galerie de femmes, Francine est la gardienne et la gardienne par excellence : dans l’épreuve, elle garde l’espérance parce que, dans l’injustice, voire le rejet, elle garde la charité et dans la nuit, elle garde la foi. Dans une formule inspirée, Bernanos disait : « Garder le silence, quel mot étrange ! C’est le silence qui nous garde » (Le journal d’un curé de campagne). Glosant cette expression, on pourrait affirmer : « Ce n’est pas Francine qui garde l’espérance, c’est l’espérance qui la garde ».

Pascal Ide

  1. Un long travelling sur les corps de soldats français morts au combat, sans trace de sang ni de lutte, le visage couvert de masques à gaz. L’image suivante montre une femme plus âgée, Hortense Sandrail (Nathalie Baye), enfoncer le soc d’une charrue, alors que sa fille Solange (Laura Smet) conduit un cheval de trait, à la ferme du Paridier. Son frère impotent qui n’a pu partir à la guerre, Henri (Gilbert Bonneau), les regarde attentivement.

Printemps 1916. Le lieutenant Constant Sandrail (Nicolas Giraud) revient en permission. Ancien instituteur, il est accueilli par l’institutrice qui invite un des enfants à réciter un poème anti-« boches ». Alors qu’il est célébré par sa famille, Constant tient un tout autre discours sur l’enfer du front auquel rien ne préparait ces jeunes soldats et qui rend fou. En l’absence du mari de Solange, Clovis (Olivier Rabourdin) et du second fils, Georges (Cyril Descours), eux aussi à la guerre, la présence de jeunes aides féminines à demeure comme Marguerite (Mathilde Viseux) ne suffit pas et les hommes manquent cruellement pour les rudes travaux de la ferme. Hortense consent finalement à recevoir une nouvelle servante, qui lui est conseillée comme « robuste, honnête et bonne ouvrière », apte au « travail de force » comme au « travail fin », Francine Riant (Iris Bry).

Mais cette famille très soudée, voire très fermée, est-elle capable de l’accueillir, d’autant plus que, venant de l’assistance sociale, elle est en attente d’une famille d’adoption ?

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