Le retour de Mary Poppins
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Pays:
Américain
Thème (s):
Espérance, Famille
Date de sortie:
19 décembre 2018
Durée:
2 heures 11 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Rob Marshall
Acteurs:
Emily Blunt, Lin-Manuel Miranda, Ben Whishaw, Emily Mortimer, Colin Firth, Meryl Streep
Age minimum:
Tout public

Le retour de Mary Poppins (Mary Poppins Returns), comédie musicale américaine mêlant animation et prises de vue réelles de Rob Marshall, 2018. Suite du film Mary Poppins (Robert Stevenson, 1964), inspiré du roman éponyme de Pamela L. Travers, 1934, le scénario de ce film puisant dans les sept suites publiées par Travers jusqu’en 1988. Avec Emily Blunt, Lin-Manuel Miranda, Ben Whishaw, Emily Mortimer, Colin Firth, Meryl Streep.

Thèmes

Espérance, famille.

Le film du cinéaste chorégraphe ne se contente pas de transposer avec créativité et nostalgie nombre d’éléments du chef d’œuvre cinq fois oscarisé de 1964, il offre une histoire neuve riche de sens en ce moment de l’année si propice à la méditation.

 

Puisqu’il s’agit d’un Retour, donc d’une (certaine) répétition, les fins connaisseurs chercheront à juste titre les multiples échos, non sans quelques heureux déplacements : du ballet des ramoneurs à celui des falotiers, du voyage enchanté dans la campagne anglaise mêlant animation et prises de vues réelles à la vertigineuse plongée, entre images de synthèse et réalité, dans la baignoire-océan ou, mieux, la folle aventure tout aussi onirico-numérique au sein d’une luxueuse tasse de porcelaine ébréchée ; sans parler ou plutôt en parlant de l’introduction de l’extravagante, plus, l’abracadabrante, Topsy, jouée par l’épatante et toujours sémillante Meryl Streep : si l’oncle Albert, collé au plafond par ses crises de fou-rire, inversait les lois de la pesanteur, la cousine de Mary, elle, renverse non plus le contenu, mais le contenant dans cette invraisemblable boutique de réparations en tous genres. Une heureuse métaphore de la subversion introduite par la nurse dans le sombre univers d’une dépression qui n’est pas qu’économique.

Mais Retour n’est pas aller, et les enfants sont devenus adultes et traumatisés dans le feu croisé de la double crise, familiale (les enfants orphelins sont d’autant plus en souffrance que leur père déboussolé est aussi un artiste rentré et frustré) et économique (la Grande Dépression londonienne dont se jouent les profiteurs rapaces d’autant plus redoutables qu’ils semblent compatissants). Surtout, si l’histoire, se déroule 25 ans après la première, la réalisation, elle, a plus que doublé le temps (54 ans). Or, après les Trente glorieuses et les Quarante Piteuses, tous les genres de films hollywoodiens, depuis l’aventure, jusqu’à la science-fiction, en passant par la comédie, ont adopté ce que l’on pourrait appeler – non sans un clin d’œil vers la théologie – un tournant anthropologique. Plus discret que le tournant technique (numérique), mais tout aussi radical, il leste même la légèreté de la comédie musicale (rappelons-nous la déconstruction introduite par LLL, je veux dire La La Land) de gravité humaine et double le châtoiement des images de la profondeur des souffrances intimes (évoquées par la chanson anglaise « A Cover Is Not the Book » devenue « Méfiez-vous des apparences »).

 

À ce drame discret mais concret, Mary Poppins vient apporter des remèdes efficaces, semant des aphorismes empreints de sagesse et convoquant la totalité de l’espace symbolique, au croisement du diachronique  et du synchronique. D’une part, elle fait mémoire d’un passé (« Loin des yeux, mais pas du cœur ») refoulé par la souffrance du deuil (« On ne perd pas ce qu’on n’a jamais perdu »), tout en stimulant l’imagination (« Tout dépend de la façon de voir les choses » ; « Vous avez oublié d’être un enfant ») et en s’aventurant dans un avenir incertain (« Vous vous demandiez d’où vous venez, mais pas où vous allez »), mais rempli de promesse (la marche dans le smog londonien devient une prophétie de la vie) qui commence au présent (« Aujourd’hui ou jamais, c’est ma devise »). D’autre part, elle invite à s’élever vers les nuages (« Souriez. Regardez plus haut ») comme à élargir le cœur vers autrui (les enfants patients – victimes – sont devenus résilients et même bienfaisants : « Je pensais veiller sur eux, mais c’est eux qui veillaient sur moi »). Or, qu’est-ce qui possède « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur », sinon « ce qui dépasse toute connaissance : l’amour du Christ » (Ép 3,18-19) qui ne va jamais sans l’amour du prochain ?

Mais une telle interprétation ne surdétermine-t-elle pas trop rapidement, voire ne récupère-t-elle pas trop ingénument ce qui n’est au fond qu’un divertissement ? Ce n’est point si sûr, si on en croit le message limpide du capitaine navibotelliste offrant non sans solennité à Michaël un bateau en bouteille sur lequel est inscrit Gospel, « bonne nouvelle ». Et que penser de ce personnage qui vient du ciel et y retourne, pneumatique autant qu’incarné, attentif (« Je fais toujours attention ») et plus encore attentionné, qui ne demande rien mais donne tout, qui passe en faisant le bien et repart sans attendre qu’on le remercie, qui ne cherche pas tant à expliquer qu’à transformer, qui apprend à croire même l’impossible (« rien n’est impossible, pas même l’impossible »), à espérer contre toute espérance (même WWW héritera d’un ballon et s’il colle à la terre, il ne pourra « qu’aller plus haut ») et à aimer sans fusionner, invente les paroles les plus récréatives (Supercalifragilisticexpialidocious laisse place à Luminomagifantastique) et les paraboles les plus créatives (« Quand les problèmes sont lancinants, il suffit d’être luminescent »), donne à contretemps, mais s’arrête toujours à temps ? De fait, je retiens avec émotion cet éloquent silence dans la scène de la banque : Mary dont on attend à chaque instant qu’elle laisse éclater sa toute-puissante et toute-bienfaisante magie pour confondre le mal et triompher le bien, laisse chacun à sa responsabilité qui est une promesse de fécondité.

Bien entendu, comparaison n’est pas raison (omnis comparatio claudicat). De la kénose du don, Mary connaîtra seulement l’abandon (volontaire) ; de la Passion, elle ne vit que la compassion. Surtout, si la nounou est sans faute, elle n’est pas sans défaut (à commencer par cette pause devant le miroir où elle prend la pose pour se mirer, c’est-à-dire cet humour intouchable qui, tel le nuage de lait dans une tasse de thé, ne va pas sans un fin stratus de narcissisme…).

Mais que demander de plus en ces jours saints où nous méditons sur le mystère joyeux de la Nativité ? Un seul regret : ce spectacle familial, aérien et même pneumatique (spirituel), aurait mérité plus que ces notes succinctes malheureusement rédigées trop longtemps après son visionnement.

Pascal Ide

En 1935 à Londres, Michaël Banks (Ben Whishaw) désormais adulte, vit toujours au 17, allée des Cerisiers, dans la maison familiale, avec ses trois enfants – Annabel (Pixie Davies), John (Nathanael Saleh) et Georgie (Joel Dawson) –, aidé par sa sœur célibataire – une travailliste aussi passionnaria que leur mère était suffragette –,Jeanne (Emily Mortimer), et la gouvernante, Ellen (Julie Walters). Mais Michaël a perdu sa femme Kate voici un an et est sur le point de perdre aussi sa maison. Et ce n’est pas le manipulateur, manœuvrier et malhonnête William Weatherall Wilkins (Colin Firth), président de la banque Fidelity Fiduciary, où Michaël travaille comme simple employé, qui va l’aider.

Décidément, la plus magique et la plus énigmatique des nounous, Mary Poppins (Emily Blunt), doit reprendre du service et descendre de son nuage, à moins que ce ne soit du ciel, avec sa tenue impeccable, son chapeau fleuri, son parapluie et son cabas en tapisserie. Grâce à l’aide de Jack (Lin-Manuel Miranda), l’allumeur de réverbères indécrottablement optimiste, et de son excentrique cousine Topsy (Meryl Streep), Mary pourra-t-elle rendre à la famille Banks non seulement un toit, mais surtout sa joie de vivre ?

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