Le Cas Richard Jewell
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Pays:
Américain
Thème (s):
Beauté, Bonté, Vérité
Date de sortie:
19 février 2020
Durée:
2 heures 9 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Clint Eastwood
Acteurs:
Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates
Age minimum:
Adolescents et adultes

Le Cas Richard Jewell (Richard Jewell), biopic américain de Clint Eastwood, 2020. Avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Olivia Wilde, Kathy Bates, Jon Hamm.

Thèmes

Vérité, bonté, beauté.

Le dernier Clint Eastwood est une invitation à méditer sur la vérité, la bonté et la beauté – les trois transcendantaux étant mystérieusement cachés sous leur contraire.

 

  1. La vérité éclate dans l’une des plus belles trouvailles du cinéaste : la marche décisive de Watson jusqu’au téléphone qui va démontrer que Richard n’a pu à la fois appeler et poser la bombe, est filmée en parallèle avec la course triomphante de Michael Johnson, l’un des plus grands athlètes d’Atlanta, voire de l’histoire olympique du sprint – et sera reprise en écho par l’autre trajet péremptoire, celui de Kathy.

Mais le vrai ne se dévoile dans cette preuve indubitable que parce qu’il surgit de la droiture intérieure de Richard. Présenté d’abord du point de vue de la victime et non point du bourreau ou de l’enquêteur, le film donne à voir la vérité de l’innocence : comment un homme bon jusqu’à la candeur, comment un homme serviable jusqu’à être sauveteur, pourrait-il, en un instant, se transformer dans son contraire, un monstre terroriste ? Un moment acculé par son avocat qui souhaiterait apprendre à son client à se défendre contre ses adversaires, Richard lui répond qu’il ne peut changer sa nature. Autant affubler un papillon de crocs et de griffes…

Pourtant l’agent du FBI s’est aveuglé radicalement et durablement : « Ne vous faites pas d’illusion, pour moi, vous restez super-coupable », martèle Shaw, qui entraîne dans sa pseudoconviction, le pouvoir médiatique. Nous découvrirons d’ailleurs que cette assurance infondée a duré jusqu’à la mort prématurée de Jewell, faisant d’ailleurs du film d’Eastwood plus qu’un ingénu film célébrant sa mémoire, une réparation à l’égard de l’injustice causée par l’administration américaine. Comment alors expliquer que Jewell ait pu apparaître le contraire de ce qu’il est ?

Pour au moins quatre raisons : la puissance du mécanisme victimaire analysé par René Girard qui cherche obstinément un bouc émissaire à immoler pour canaliser la violence de la foule avide d’un coupable clairement identifiable ; l’isolement, et bientôt l’hypertrophie, de quelques signes en eux-mêmes ambivalents (le désir compulsif autant que frustré d’être policier, le non-paiement des impôts, etc.), chirurgicalement séparés du reste du tableau « clinique » ou plutôt éthique ; la paranoïa des services anti-terroristes qui, dans sa folie interprétative, fait de la cohérence interne du propos, le seul critère de vérité, indépendamment de l’adéquation externe à la réalité ; plus cachée, la grave décision de nos démocraties qui, dans leur obsession sécuritaire avivée (mais non pas causée) par le terrorisme, en arrive à accepter l’inacceptable, c’est-à-dire la violence exercée à l’égard de toute personne ayant le malheur de correspondre, même de loin, au profil d’un suspect (ce n’est pas le moindre mérite des remarquables séries Homeland et 24 heures chrono que d’avoir dénoncé l’intrinsèque malignité de ces processus qui transforme nos États de droit en dictatures violentes).

 

  1. À l’instar de la vérité, la bonté pourtant patente demeure presque latente. Elle se love dans des gestes si anodins qu’on pourrait en oublier leur héroïsme : dès qu’il découvre le colis piégé, loin de fuir ou du moins de s’écarter, Richard se précipite, seul, dans le bâtiment le plus exposé, la tour, passant au peigne fin chaque étage, pour mieux convaincre ses habitants de l’abandonner au plus vite ; une fois dégagé le bâtiment, il n’a de cesse d’écarter les victimes potentielles et donc de s’exposer au plus près ; enfin, une fois son devoir accompli, son premier geste n’est pas de se reposer, mais de procurer le repos (quies) au cœur forcément le plus inquiet, celui de sa mère bien-aimée.

Cette générosité extatique se cache même aux yeux de celui qui l’exerce, tant il est sincèrement convaincu d’avoir accompli son devoir et seulement son devoir. À Watson Bryant lui lançant : « Richard, vous êtes désormais un héros national », Jewell répond sans pause ni pose : « Merci Monsieur, mais je ne faisais que mon boulot ». Celui que nous serions tentés d’identifier à un scrupuleux maniaque, celui dont ses collègues chambrent gentiment le zèle, s’entendra dire de l’un d’entre eux, dans un acte de reconnaissance émue : « Dorénavant, je ne me moquerai plus de toi quand tu diras que tu as vu une bombe ».

Elle se dissimule enfin derrière sa soumission inconditionnelle et son admiration illimitée à l’égard de l’autorité policière. Mais ce serait oublier que, s’il aide l’agent du FBI qui, de manière aberrante, plus que le terroriste est devenu son véritable ennemi, Richard est d’abord constamment porté à aider chacun et tous, les proches comme les lointains. Un exemple parmi une myriade de cet altruisme décentré : Richard se défend de l’accusation infondée d’être gay non pas pour sauvegarder sa réputation, mais pour protéger celle de son ami. Puisque, selon la parole de saint Paul, « la charité est serviable » (1 Co 13,4), celui qui se dit baptiste est donc porté à aimer tout homme. Et Kathy Scruggs ne s’y trompe, qui pleure en entendant le témoignage de la mère non pas seulement parce qu’elle se repent de son injustice, mais aussi parce qu’elle prend conscience de cette bonté.

 

  1. Si l’on est prêt à concéder que Richard Jewell célèbre le vrai et le bien, comment en revanche soutenir qu’il est un hymne à la beauté ? Certes, il y a une esthétique dans cette image rigoureuse qui multiplie les plans les plus ajustés, sait s’attarder le temps qu’il faut sur telle expression pudique de visage ou cadrer les côte-à-côte autant que les face-à-face. Mais nous parlons ici du contenu. En nous rappelant la modalité : sub contrariis.

En effet, dans la galerie des héros de l’ombre, Jewell est celui qui ressemble le plus à un anti-héros : au physique ingrat (son obésité , au sociologique (solo vivant chez sa mère) et au psychologique (simple jusqu’à être incapable de se représenter la malice d’autrui). Or, c’est de l’ordinaire de cette personnalité et de cette vie que va jaillir l’extraordinaire. Mais précisons aussitôt, que ce surgissement n’a rien d’une génération spontanée ; il a été longuement préparé. Le vigile n’a pu être ainsi vigilant au plus haut point que parce qu’il exerce cette attention quotidiennement avec assiduité. Et l’on pourrait en dire de même de ses autres vertus : courage, générosité, justice. Les témoignages l’attestent : l’héroïsme apparaît plus admirable qu’imitable. De fait, si Richard a été jusqu’au bout de sa mission, ses collègues, eux, avaient largement démissionné.

Or, c’est à la jointure de l’usuel et de l’exceptionnel, dans l’entrebâillement de l’insignifiant et de l’étourdissant que se faufile la beauté : non pas l’esthétisme superficiel d’une plastique sans épaisseur, mais l’apparition d’une bonté qui, provenant du cœur, se répand à la surface et s’incarne dans l’incandescence d’un geste et le rayonnement d’un sourire. De ce point de vue, la plus belle (!) scène me semble être la confrontation de Richard avec ses juges-bourreaux où, dans le plus grand respect de l’autre et de son autorité, l’innocent injustement accusé et acculé ne se contente pas de dénoncer la vacuité du mensonge (« Vous n’avez rien contre moi »), mais en prophétise les dramatiques conséquences (« Pensez-vous que, la prochaine fois, un policier dénoncera un colis suspect ? »)

 

Clint Eastwood vieillissant ne cesse de (nous) rajeunir de la seule fraîcheur éternelle, celle de l’amour-don. De Gran Torino (2008) au biopic Le 15 h 17 pour Paris (2018), en passant par un autre biopic, Sully (2016), celui que l’on présente parfois comme un conservateur, montre en réalité la révolution-révélation en acte qu’est le don de soi. La plus haute communication de soi est aussi l’acte le plus commun-icable…

Pascal Ide

Richard Jewell (Paul Walter Hauser) a toujours voulu travailler pour les forces de police, qu’il admire. En juillet 1996, il fait partie de l’équipe chargée de la sécurité pendant un concert ayant lieu pendant les Jeux olympiques d’été de 1996 d’Atlanta. En assurant soigneusement sa ronde, il découvre la présence d’une bombe dans le parc du Centenaire. Bien que l’explosion fasse deux victimes et une centaine de blessés, l’intervention de Richard a sauvé de nombreuses vies. Très vite, les médias font de lui le héros.

Mais, quelques jours plus tard, après avoir soutiré l’information à l’agent fédéral Tom Shaw (Jon Hamm), Kathy Scruggs (Olivia Wilde), une journaliste peu scrupuleuse de The Atlanta Journal-Constitution, révèle que le FBI le suspecte finalement d’être le poseur de bombe à cause de son passé chaotique. Aussitôt Richard devient alors l’homme le plus détesté du pays, au grand désespoir de sa mère Barbara « Bobi » Jewell (Kathy Bates). Richard décide de contacter l’avocat Watson Bryant (Sam Rockwell), qu’il avait rencontré dix ans auparavant, quand il était vigile.

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