Juré n° 2
Loading...
Pays:
Américain
Thème (s):
Biais cognitif, Justice, Vérité
Date de sortie:
30 octobre 2024
Durée:
1 heures 54 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Clint Eastwood
Acteurs:
Nicolas Hoult, Toni Collette, Zoey Deutch, Kiefer Sutherland, J.K. Simmons
Age minimum:
Adolescents et adultes

Juré n° 2 (Juror #2), film de procès américain de Clint Eastwood, 2024. Avec Nicolas Hoult, Toni Collette, Zoey Deutch, Kiefer Sutherland, J.K. Simmons.

Thèmes

Vérité, justice, biais cognitif.

Présenté comme un grand drame cornélien, Juré n° 2 s’avère plutôt être un cas d’école sur les biais cognitifs.

 

  1. Au premier abord, le film se présente comme le récit d’un drame intérieur, celui du dilemme moral d’un juré jeune père de famille qui se découvre être l’origine probable de l’homicide qu’il doit juger : doit-il se protéger, lui et sa famille, ou se dénoncer ?

Pourtant, nous sommes loin du véritable conflit cornélien. En effet, celui-ci oppose deux biens. C’est ainsi que Rodrigue opine entre l’obéissance à la loi paternelle incarnée par Don Diègue et l’obéissance à l’amour incarné par Chimène [1]. Or, Justin Kemp doit ici opter entre un bien et un mal. En effet, un innocent court le risque d’être accusé et, en l’occurrence, de finir ses jours en prison. Même si, au mieux, Justin agit de manière totalement désintéressée pour sauver sa famille, jamais la prudence n’autorise de choisir un mal intrinsèque ; a fortiori prohibe-t-elle le machiavélisme qui justifie la malice du moyen au nom de la bonté du but (la fin justifie les moyens). Le choix éthique ne fait donc aucun doute, et ne laisse nulle place à une « tempête dans un cerveau.

Un signe l’atteste, aussi allusif qu’efficace. La conscience morale est le témoin intérieur de la transcendance intransgressible de la loi, surtout chez la personne qui vit droitement de manière usuelle, ce qui est le cas du journaliste. Or, au terme, nous le voyons s’inquiéter au passage d’une sirène de police : la voiture ne viendrait-elle l’arrêter ? Ainsi donc, l’innocence que la bouche de Justin affirme, son cœur le dénie.

 

  1. Demeure de ce scénario partiellement manqué une étude quasi clinique des mécanismes aveuglant les partis.

Cette cécité se traduit d’abord par un véritable festival de biais cognitifs. Au point que le film pourrait servir de laboratoire particulièrement pédagogique pour les étudier. Juré, témoins et avocats sont presque tous affectés par des angles morts. Le plus patent concerne l’argument apparemment le plus décisif en faveur de la culpabilité de Sythe : sa reconnaissance par le témoin oculaire. Toutefois, l’illusion du témoin provient, d’une part de son besoin de sentir utile, d’autre part de la police qui est si convaincue de la culpabilité du suspect qu’elle ne présente aucune alternative au témoin. L’erreur est si flagrante et si importante que Keiko non seulement la dénonce, mais l’identifie par sa dénomination technique : « biais de confirmation ».

Cet aveuglement se traduit de manière encore plus emblématique par un astucieux montage qui, déconstruisant la continuité rhétorique des plaidoiries, découpe celles-ci pour mettre en parallèle les arguments qu’elles avancent, et ainsi annuler leur puissance argumentative. Nous est ainsi montré que la conviction de l’auditeur provient non point de la justesse rationnelle et objective des preuves, mais de la disposition affective et subjective des orateurs. Autrement dit, le spectateur atterré assiste au triomphe de l’erreur sur la vérité, de la passion contre la raison – le tout dans la totale bonne foi des partis en présence. Et, de plus en plus sidéré, ne peut pas ne pas s’interroger : et moi, dans une situation semblable, n’aurais-je pas sombré dans l’ignorance de la vérité et, encore, pire, l’ignorance de mon ignorance ?

En ce sens, très juste est l’échange final entre la procureure (excellente Toni Collette !) et Justin qui vient la rejoindre sur le banc. Celle qui, au début, énonçait le principe pour lequel elle a été élue : « La justice est la vérité en action », est fortement ébranlée lorsqu’elle entend le juré lui dire : « La vérité peut ne pas être juste ».

Pour autant le réalisateur de Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997) ne cède pas aux sirènes pessimistes de la conviction cicéronienne selon laquelle « summa lex, summa injuria (la loi suprême est la suprême injustice) ». La dernière image en témoigne avec la même efficace sobriété que la mise en évidence de la culpabilité de Justin  qui en est l’écho justement culpabilisateur : le regard de Killebrew chargé de courroux, cette colère dont Aristote disait qu’elle est suscitée par l’injustice…

Pascal Ide

[1] Cf. Pierre Corneille, Le Cid, Acte 1, Scène 6 : monologue de Rodrigue.

L’histoire s’ouvre sur un jeune journaliste, Justin Kemp (Nicholas Hoult), marié à Allison « Ally » Crewson (Zoey Deutch) qui, enceinte, est proche de son terme et inquiète. Justin est appelé à être juré dans la sombre affaire d’homicide suivante. Après une violente dispute avec son petit ami James Michael Sythe (Gabriel Basso) dans un bar isolé en pleine forêt, Kendall Carter (Francesca Eastwood) s’est enfuie à pied et erre seule au bord de la route par une nuit extrêmement pluvieuse. Le lendemain matin, un randonneur retrouve son corps sous un pont le long du chemin Old Quarry. Suspecté, Sythe est arrêté.

Arrive le procès qui est instruit par le juge Thelma Hollub (Amy Aquino). D’un côté, le défenseur public de Sythe, Eric Resnick (Chris Messina), est un homme très surmené. De l’autre, la procureure adjointe Faith Killebrew (Toni Collette), qui se présente à l’élection de District Attorney, espère rallier l’électorat avec une condamnation très médiatisée pour violence domestique. Son argumentation de Killebrew semble imparable : 1) Sythe a cassé une bouteille de bière ivre dans un accès de rage, incitant Carter à quitter le bar ; 2) il a suivi Carter dans la forêt ; 3) le coroner témoigne que les blessures de Carter sont compatibles avec un instrument contondant ; 4) un témoin oculaire debout de l’autre côté du pont témoigne qu’il a vu Sythe sortir de sa voiture et regarder l’endroit où le corps de Carter a été retrouvé avant de partir.

Mais, alors que les faits sont rapportés, Justin se souvient des événements la nuit de la mort de Carter. Alcoolique en convalescence, il s’est retrouvé dans le même bar que Sythe ce soir-là. Il a résisté à la tentation de boire un verre et est rentré chez lui en voiture. Mais, sur le chemin, précisément, sur Old Quarry Road, il a heurté violemment un objet. Il est sorti de la voiture et, ne voyant rien dans l’obscurité et sous les pluies diluviennes, il a supposé qu’il a heurté un cerf, dont un panneau indique qu’ils peuvent traverser la route. De retour chez lui, il a fait réparer le véhicule et a menti à sa femme sur le lieu de l’accident.

Kemp demande conseil à son parrain des Alcooliques anonymes, Larry Lasker (Kiefer Sutherland), qui est avocat. Larry informe Justin qu’en raison de ses infractions antérieures pour conduite en état d’ébriété, si Justin dit la vérité, Killebrew le mettra facilement en prison. Larry ajoute que le jury doit parvenir à un verdict : Killebrew jugera l’affaire autant de fois que nécessaire, donc tenir et forcer l’annulation du procès ne sauvera pas Sythe.

Justin décide de plaider pour un acquittement, mais Resnick continue de commettre des erreurs au procès. Il ne parvient pas à présenter un avis médical contradictoire et ne semble pas familier avec la mauvaise visibilité nocturne dans la forêt. Au début, la plupart des jurés sont favorables à une condamnation, mais Justin les encourage à utiliser leurs propres compétences pour identifier les failles du cas de Killebrew. L’étudiante en médecine Keiko souligne qu’aucune arme du crime n’a été trouvée et que les blessures de Carter impliquent une batterie de véhicules. Un autre juré reconnaît que Old Quarry Road est une zone à faible visibilité, de sorte que l’identification de Sythe par un témoin oculaire est discutable. Harold (J. K. Simmons), détective à la retraite des homicides, enfreint les règles du jury en collectant des données sur les visites des ateliers de carrosserie après la mort de Carter. Alors qu’Harold se rapproche, Justin incite le juge Hollub à expulser Harold du jury.

Killebrew, qui est en conflit en privé sur l’affaire, rend visite au témoin oculaire et se rend compte que les forces de l’ordre l’ont incité à identifier Sythe lors du procès. Malgré son devoir de franchise, elle refuse d’annuler le procès. Elle vérifie la liste de pistes d’Harold, mais bien que le véhicule de Justin soit sur la liste, il est enregistré au nom d’Allison. Allison transmet par erreur l’histoire de couverture de Justin à Killebrew, qui oublie de vérifier le nom de son mari. Quand Justin rentre à la maison, il avoue la vérité à Allison, qui est surtout consternée que Justin lui ait menti, et garde le silence pour sauver sa famille.

Un juré refuse catégoriquement d’acquitter et Justin trouve une excuse pour démissionner du jury. Sans son influence, les jurés restants ont mis de côté leurs inquiétudes et ont voté en faveur de la condamnation, ce qui a entraîné la condamnation de Sythe à la réclusion à perpétuité. Après la condamnation, Justin s’assoit avec Killebrew et suggère vaguement que si quelqu’un d’autre tuait accidentellement Carter, cette personne ne justifierait pas une punition sévère. Killebrew vérifie Google et se rend compte que Justin est le mari d’Allison.

Killebrew est élu procureur, et Resnick ne donne jamais suite aux pistes d’Harold et se concentre sur l’embrassement de Killebrew, dans l’espoir d’un traitement indulgent lors des futures négociations de plaidoyer. Allison accouche du bébé en toute sécurité et Justin se débarrasse de leur véhicule. Mais un jour, Justin entend sonner à la porte. Qui est-ce ?

[/vc_c

Les commentaires sont fermés.