Harry, un ami qui vous veut du bien
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Pays:
Français
Thème (s):
Personnalité Narcissique, Triangle dramatique de Karpman, Triangle maléfique
Date de sortie:
15 08 2000
Durée:
1 heures 57 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Dominik Moll
Acteurs:
Sergi López, Laurent Lucas, Mathilde Seigner
Age minimum:
Adolescents et adultes

Harry, un ami qui vous veut du bien, thriller français déplacé de Dominik Moll, 2000. Avec Sergi Lopez, Laurent Lucas, Mathilde Seigner et Sophie Guillemin.

Thèmes

TDK, TM, personnalité narcissique.

Un thriller français, Harry, un ami qui vous veut du bien, grand succès de l’année 2000 auprès du public (près de 2 millions d’entrées) et de la critique (il fut récompensé par 5 César), est à ce point déstabilisant qu’en sortant du cinéma, j’ai entendu quelqu’un dire : « Je n’irai plus au cinéma ». Ce film dérangeant fut souvent interprété à partir d’une grille psychanalytique ; mais celle-ci ne dit pas tout. Il faut lui ajouter une interprétation plus comportementale.

1) Une histoire déroutante

Au premier niveau, ce film raconte une histoire en décalage permanent. Le récit a au moins l’intérêt de ne pas se laisser prévoir, comme la vie. L’intrigue passe de genre littéraire en genre littéraire. Elle commence comme une comédie de mœurs et finit en serial killer. Vaguement alarmé mais délicieusement déjoué, on ne sait où l’on est. Au début, chronique conjugale-familiale qui semble s’ouvrir sur un possible mariage à trois. Harry ment-il, nous introduit-il dans une diabolique manipulation ? Est-on en train de nous jouer un The Game rural et familial à la mode française ? Jusqu’au moment où le narrateur tout-puissant nous fait passer du point de vue de Michel à celui de Harry et nous montre donc son âme. Alors, on découvre que Harry nous veut vraiment du bien, est un altruiste naïf et totalement déstructuré.

2) Un conte psychanalytique

L’histoire met en scène des personnages à la limite du caricatural.

Harry est le défoulé tout-puissant, l’enfant mégalomaniaque (« à chaque problème, il faut une solution ») et, comme son fond est plutôt généreux, il apparaît sympathique. « Il ne faut pas que ça vous dérange ». « Si je peux vous aider, il faut le dire. Sincèrement. L’argent n’est pas un problème pour moi ». En effet, il possède tous les moyens matériels qu’il veut, notamment financiers. De plus, aucune obstacle ne l’arrête. Il va jusqu’au bout de ses affects, concupiscible (son désir notamment sexuel, symbolisé par les œufs) comme irascible (la violence meurtrière). Quand il aime, il idéalise : c’est ainsi qu’il se rappelle après plus de quinze ans, la poésie de son ami Michel ; c’est pour cela qu’il le pousse tant à reprendre les Singes volants, au point de tout éliminer pour cela. Enfin, il ignore toute norme, notamment le « tu ne tueras pas » ; il est étonnant, et presque incohérent qu’il soit respectueux de Michel au plan sexuel. Ne nous faisons pas illusion : Harry n’est pas du tout tourné vers l’autre, ne recherche pas le bonheur de Michel. La preuve en est qu’il est incapable de déchiffrer qu’il gène la famille et est prêt à détruire la femme de Michel qui est la cause de son plus grand bonheur. C’est une personnalité narcissique dénuée de toute structure morale.

Face à Harry, Michel est le refoulé sinon par excellence, du moins partiel. Au plan relationnel, dans son expression, son affirmation de soi, mais aussi au plan personnel, dans la libération de sa créativité – qu’il met d’énergie à dénigrer son poème sur le « poignard en peau de nuit », écrit au lycée. Il subit la réalité, beaucoup plus qu’il ne l’agit. Typique est la scène introductive où il peine dans la chaleur, l’étroitesse confinée et l’agacement des enfants sans prendre les moyens pour égayer la réalité. Est-ce un hasard s’il a épousé une femme qui agit beaucoup plus qu’elle ne pâtit, même si Claire (Mathilde Seigner) a – un peu – dépouillé son image hommasse ? N’est-ce pas elle qui ose opposer un vrai « non » à cet envahissant ami : « Je ne veux plus que tu viennes au Collet blanc ».

Derrière Michel, se profilent ses parents, névrosés et névrosants jusqu’à la caricature. Michel ne s’est pas encore libéré de ce Surmoi. Il ne peut résister à son père dentiste qui lui demande de visiter sa dentition. Et lorsqu’il culpabilise, il a mal aux dents (« Tu veux que j’appelle SOS Dentiste ? »). Il doit encore répondre à la question : « Tu es sûr que tu ne veux pas que je lui parle. – Non, j’ai trente quatre ans ». Et lorsqu’il se remet à écrire, est-ce par écoute de son désir profond ou pour obéir à ses parents ? Il est symbolique qu’il ne trouve le calme et l’inspiration que dans cette immonde salle de bain rose payée contre son gré par ses parents.

Dès lors, il y a tous les éléments pour que le conflit éclate. Grâce à Harry, Michel va pouvoir libérer ses pulsions et sa créativité. Michel se constitue un nouveau Moi symbolisé par la nouvelle voiture. Mais jusque quand le puisard-inconscient gardera-t-il son secret qui n’est que refoulé ? Quand rendra-t-il ses cadavres ?

3) Un cas psychiatrique

Mais, pour éclairante que soit cette explication, elle ne dissipe pas le malaise. Il me semble aussi utile et nécessaire de relire cette perturbante histoire à partir d’une analyse comportementale. La première vient de l’analyse transactionnelle. Certes, Harry ressemble à un enfant libre. Mais il n’est pas d’abord cela. Il joue au triangle de Karpman, précisément au Sauveteur : il veut faire le bien de Michel, que Michel le veuille ou non. Dès lors, tous les autres protagonistes rentrent, de gré ou de force, dans son scénario de Saint-Bernard : Michel comme Victimaire en partie consentant ; tous les membres de sa famille comme des Bourreaux que Harry tout-puissant va conscienscieusement éliminer.

Même cette grille ne suffit pas. Il faut convoquer la psychiatrie des personnalités dites difficiles : Harry est un Sauveteur pathologique jusqu’au narcissisme. Autrement dit, c’est une personnalité narcissique qui se présente sous la forme insidieuse, presque indémasquable du Sauveteur.

4) Une fable morale

Cette nouvelle lecture demeure psychologique. Or, jusque dans son titre, Harry appelle un déchiffrage moral.

Une des forces du film est le glissement insoupçonné de comportement normaux, quotidiens à des attitudes profondément déshumanisés. Ce glissement pose des questions éthiques : qu’aurait-il fallu faire avec Harry ? si nous étions soumis à la situation, que faudrait-il faire ? quand apparaît-il clairement que Harry est un manipulateur-sauveteur, que l’on ne peut plus se satisfaire de la situation ?

Seul peut se débarrasser au plus vite de cet ami qui nous veut tant de mal sous les apparences du bien, il faut être à la fois au clair sur les principes éthiques et en paix avec son histoire psychologique (Harry s’immisce dans chaque faille du couple, il repère chaque compromission).

En ce sens, Harry est une bonne illustration du passage existentiellement continu de l’involontaire au volontaire (quoique formellement discontinu). Et l’inclusion sur la voiture est révélatrice de cette évolution : le semblable est la famille partant en voiture. Mais la ressemblance s’arrête là. De la tristesse agacée et stérile à la joie paisible (on chantonne Ramona) et féconde.

5) Conclusion

Telles sont les raisons de ce mal-être qui a tant indisposé le spectateur : Harry nous montre sous verre grossissant la déformation d’une des plus belles attitudes de l’homme, la générosité. Autrement dit, il met en scène combien l’attitude du Sauveteur est une pathologie de l’altruisme. Et si dans la « vraie vie », il n’y a presque jamais mort (physique) d’homme, il y a toujours souffrance, voire destruction, de la relation.

Pascal Ide

L’histoire commence alors que Michel Pape (Laurent Lucas), partant en vacances avec sa femme Claire (Mathilde Seigner) et leurs trois filles, rencontre fortuitement sur une aire d’autoroute Harry (Sergi Lopez), un de ses anciens camarades de lycée. Celui-ci, très impressionné par les talents littéraires qu’avait Michel au lycée, s’évertue alors à ce qu’il reprenne une activité créatrice. Harry s’insinue progressivement dans la vie de Michel et se met à éliminer toutes les personnes (père, mère, frère), qui selon lui, peuvent nuire à l’épanouissement de Michel.

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