Halloween, la nuit des masques
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Pays:
Américain
Thème (s):
Mal, Rédemption, Triangle dramatique de Karpman, Triangle maléfique
Date de sortie:
14 mars 1979
Durée:
1 heures 35 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
John Carpenter
Acteurs:
Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Nancy Kyes
Age minimum:
12 ans

 

 

Halloween. La Nuit des masques (Halloween), slasher américain de John Carpenter, 1978. Avec Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Will Sandin.

Thèmes

Mal, rédemption, TDK, TM.

Halloween (que l’on a ensuite appelé Halloween. La Nuit des masques pour le distinguer de ses dix suites) n’est pas seulement le premier slasher [1], mais son modèle de référence (en perspective platonicienne, l’Idée, c’est-à-dire le paradigme ; en perspective aristotélico-thomiste, l’analogatum princeps).

 

Cela tient à des raisons formelles. Notamment, le respect scrupuleux de la règle des trois unités : cette série éprouvante d’assassinats inexpliqués autant qu’inexplicables se déroule en ce jour et cette nuit d’Halloween, dans la petite ville natale de Myers, Haddonfield.

Cela tient aussi au décalage devenu mythique entre la parcimonie drastique de moyens matériels et la débauche d’ingéniosité. Une attestation typique en est que, du fait de ce minimalisme budgétaire, le cinéaste est lui-même l’auteur de la bande-son. Cela tient aussi à un autre principe d’économie, trop oublié des autres films du genre : l’horreur y est suggérée et non montrée.

Cela tient surtout à ce que Halloween condense inventions et conventions du genre. Il met en place une bonne partie des trouvailles stylistiques et photographiques, scéniques et scénariques, plus encore, il invente les codes que les autres films d’épouvante (Vendredi 13, Freddy, etc.) ne cesseront d’exploiter et d’user jusqu’à la corde.

 

Mais ces raisons demeurent encore formelles. Le contenant neuf et efficace est au service d’un contenu lui-même inédit qui seul est à même d’expliquer que Halloween soit devenu l’exemplaire des slashers : il ne met pas en scène un banal triangle dramatique de Karpman (TDK) avec un bourreau, une ou plutôt pléthore de victimes, et un sauveur, mais un schème messianique structure l’intrigue.

D’un côté, Michael Myers incarne le mal irrémédiable et irrémissible, la violence inhumaine, à la limite du non-humain. En effet, ce croquemitaine n’est pas seulement pervers, il est fou. Sa seule activité est le meurtre en série. Sans motivation et sans excuse, il est sans visage, le masque livide et la marche robotique devenant les symboles de ce non-sens absolutisé qu’est la sauvagerie cruelle. Par conséquent, tout espoir de changement devient rigoureusement impensable, plus encore, périlleux. Donc, contrairement au bourreau du TDK qui ne cesse de permuter, jamais Myers ne se présentera comme une victime (ne parlons même pas de devenir sauveur) : tel le diable, il est « homicide depuis le commencement » (cf. Jn 8,44). Comment vaincre un « méchant » aussi invulnérable ?

Face à ce mal démoniaque, les proies ne se présentent pas comme de simple victimes. Au contraire, les observateurs l’on noté jusqu’à le suspecter : la plupart des habitants de Haddonfield s’amusent – ce qui est plutôt sain un jour de fête –. Mais, beaucoup plus, ils se divertissent au sens pascalien du terme, transformant l’euphorie perpétuelle en un impératif catégorique ; or, en jouant, ils jouent leur vie. Enfermés dans leur scénario de fuite, ils deviennent aveugles à tout signe de danger. De fait, seule Laurie repèrera Myers et s’en inquiètera ; seul Loomis avertira la police de la dangerosité du serial killer, avec le succès que l’on sait. Mais il y a plus et plus dérangeant. Tous les adolescents si violemment assassinés transgressent une norme, le plus souvent en matière sexuelle. Certains y ont lu une manifestation du puritanisme de la côte Est. Quoi qu’il en soit de cette interprétation, par certains aspects, les victimes apparentes sont présentées comme des coupables réels punis par le tueur fou.

Seule Laurie Strode est innocente et menacée. Au point de départ, elle est montrée comme une jeune fille sage, scrupuleuse et passablement ennuyeuse. Ce sérieux souligne le décalage entre l’homo festivus qui carnavalise l’existence (selon le mot de Philippe Muray dans Désaccord parfait, coll. « Tel », Paris, Gallimard, 2000) et celle qui prend peu à peu conscience de son sérieux, et bientôt de sa tragédie. Surtout, cette gravité doublée d’une lucidité un rien psychorigide et bientôt d’une intrépidité engagée fait le matériau des justiciers et des sauveurs.

En fait, la figure salvatrice se dédouble : féminine, vulnérable et compatissante, elle est incarnée par Laurie ; masculine, capable et rassurante, elle est incarnée par le professeur Samuel Loomis. La première sait, mais ne peut pas grand chose ; la seconde voit peu, mais agit beaucoup. Autant le mal est solitaire et isolant, autant le salut est symbolique et symbolisant. Et tel est le secret de la victoire. Joignant le double pôle du savoir et du pouvoir, Laurie et Samuel seront capables de s’affronter à celui qui, presque omnipotent et omniscient, les unit dans son être maléfique, et de remporter la victoire. Mais jusqu’à quand ? Car, et c’est l’une des nombreuses innovations inquiétantes de Carpenter, même abattu (dans tous les sens du terme), cette hypostase du Mal qu’est Myers n’est jamais battue…

Pascal Ide

[1] Cf.Adam Rockoff, Going to Pieces. The Rise and Fall of the Slasher Film (1978–1986), New York, McFarland & Company, 2002, p. 42. Cf. chap. 3.

Le 31 octobre 1963, à Haddonfield, petite ville de l’Illinois, pendant la nuit d’Halloween, le jeune Michael Myers (Will Sandin), alors âgé de six ans assassine sa sœur de seize ans, Judith (Sandy Johnson), à coups de couteau de cuisine. Reconnu dément, il est interné durant quinze années en hôpital psychiatrique jusqu’à sa majorité, il devra alors être jugé pour son crime.

Le 30 octobre 1978, alors qu’on le transfère en vue de son procès, Myers (Nick Castle) parvient à s’évader et retourne dans les lieux de son enfance. En route, il tue un dépanneur et lui vole sa combinaison de travail, ainsi que ses chaussures. Son psychiatre, le docteur Samuel Loomis (Donald Pleasence), tente désespérément de faire entendre à ses chefs à quel point Myers est dangereux, mais en vain. Seul, il se lance à la poursuite du criminel évadé jusqu’à Haddonfield.

Toute la journée, Myers suit un groupe de trois lycéennes, Lynda Van Der Klok (P. J. Soles), la pom-pom girl exubérante, Annie Brackett (Nancy Loomis), la sarcastique, et Laurie Strode (Jamie Lee Curtis), la bonne élève. Il portera une grande attention à cette dernière. Laurie est la seule à le remarquer, même de loin, mais ses amies pensent qu’elle n’a plus les idées claires.

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