Alita : battle angel
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Pays:
Américain
Thème (s):
Paternité, Transhumanisme
Date de sortie:
13 Février 2019
Durée:
2 heures 2 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Robert Rodriguez
Acteurs:
Rosa Salazar, Christoph Waltz, Jennifer Connelly
Age minimum:
Adolescents et adultes

 

 

Alita. Battle Angel (Alita. L’Ange conquérant au Québec), science-fiction américain de Robert Rodriguez, 2019. Adapté en prises de vue réelles du manga Gunnm de Yukito Kishiro. Avec Rosa Salazar, Christoph Waltz, Jennifer Connelly, Mahershala Ali, Ed Skrein, Jackie Earle Haley, Keean Johnson et Edward Norton.

Thèmes

Paternité, transhumanisme.

Plus qu’un énième récit post-apocalyptique qui ne manque pas d’atouts, Alita est, de par sa radicalité, une méditation inédite – et sans doute non préméditée – sur l’essence de ce genre dominant dans les films d’anticipation.

 

Osons-le dire, le film réussit là où l’autre manga-culte récemment transposé cinématographiquement, Ghost in the Shell (Rupert Sanders, 2017), a échoué : montrer une héroïne attachante, sensible, sans cesser d’avoir des pouvoirs et une mission proches des super-héros. La plus belle scène du film est, pour moi, celle où, arrivant sans crier gare dans le studio de Hugo baigné de lumière, Alita, avec la même radicalité qu’elle exterminera les « méchants » offre à son bien-aimé son cœur, jusqu’à extraire de sa poitrine synthétique l’organe pulsatile qui en tient lieu.

Le tout dans un monde futur ensoleillé (Rodriguez n’a pas oublié ses racines hispaniques) et au rythme d’une action qui, pour ne pas briller par son originalité et ne pas assez ciseler l’Ennemi (il n’apparaît vraiment qu’au terme), sait ménager de véritables tensions narratives et offrir des rebondissements inattendus (comme la transformation de Chiren). Il faut dire que, scénariste et producteur, le perfectionniste hyper-exigeant Jim Cameron (qui souhaitait le tourner, mais est dévoré par sa trilogie, voire tétralogie tant attendue : Avatar) a fortement apposé son empreinte. Comment le regretter ?…

 

En poussant à l’extrême le genre dystopique, aujourd’hui le plus présent et le plus prisé dans la famille plus englobante de la science-fiction, le film, porté par une structure limpide, invite aussi à réfléchir à un certain nombre de ses composantes et de son sens – qui pourrait bien être une subtile inversion.

Se faisant face comme le haut et le bas, Zalem et Iron City en renversent la symbolique usuelle. Le ciel, qui représente lieu du divin et de la donation (la bénédiction de la lumière et de l’eau vient d’en haut ; « le propre de l’amour est de s’abaisser », disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus au seuil de son premier manuscrit autobiographique), devient ici celui de la prédation, de la menace et du mépris. Exact vis-à-vis de la cité le surplombant, la Terre, bénéficiaire du rayonnement donateur, se trouve être une décharge, pire un cloaque méphitique abandonné à sa violence arbitraire. Le ciel devient fiel et le monde immonde.

Cette bipolarité topologique autant que symbolique, qui structure l’univers du manga se retrouve à échelle réduite dans la structure étagée de la terre qui empile les sous-mondes et leurs habitants. De fait, même si l’élaboration sociopolitique est aussi bâclée que le graphisme est sophistiqué, c’est dans le souterrain le plus inférieur qu’Alita sera démembrée lors d’un titanesque combat entre cyborgs – rien à voir avec la rixe homérique autant que parodique dans le bar où se retrouvent les guerriers-chasseurs.

La plus originale trouvaille est la traduction là encore fractale au niveau le plus élémentaire : une bonne partie des habitants d’Iron City s’avère être, le plus souvent, ces ironman que sont les cyborgs. La problématique homme-robot est à ce point banalisée, l’humanité à ce point devenue bionique que plus personne ne prête attention à un androïde. Toutefois, il est hautement significatif que le progrès dans cette métamorphose du corps humain ne relève pas seulement de l’être (la transformation de l’apparence) et de l’action (l’acquisition de nouvelles compétences), mais de la passion (l’entrée dans la sensibilité : celle de la sensation la plus fondamentale, le toucher, et celle de l’affectivité la plus fondamentale, l’amour).

 

Or, ces différentes structures et fractures ne sont que la projection spatiale d’un temps, qui s’articule non plus en fonction de l’avènement du Christ, mais de l’Effondrement. Autrement dit, l’humanité date son histoire à partir non plus du Sauveur, mais d’une chute.

Là encore, de manière autosimilaire, ce qui vaut pour l’histoire de l’humanité entière se vérifie pour celle d’Alita : la jeune fille sans nom ni mission ne conserve de son passé que des lambeaux de scènes traumatiques et la présence d’un fragment d’antimatière surpuissante. Son âge (au moins trois siècles) est aussi vieux que sa mémoire est vide. Comment s’étonner qu’une temporalité qui hypertrophie l’avenir au détriment du passé conduise à inverser l’ordre du don signifié par celui des générations.

En effet, Alita ne se contente pas de vitrifier, pour notre plus grand plaisir, les cyborgs maléfiques mandatés par ce « ciel » si néfaste, mais elle sauve, sur sa terre : d’une part, un père culpabilisé par la mort de sa fille qu’il ne cesse de réparer en réparant les cyborgs et pour laquelle il ne cesse de faire justice en chassant les pires criminels ; d’autre part une mère glaçante parce qu’elle a congelé tout sentiment pour ne pas avoir à souffrir de cette perte irréversible ; voire leur couple qui, à chaque rencontre, rejoue dans ses disputes, la scène traumatique qui a conduit à leur séparation.

Comment ne pas se réjouir de cette super-héroïne du cœur qui, par son altruisme, réussit un exploit encore bien plus admirable que sa victoire musclée au Motorball : arracher Chiren à son égocentrisme et Dyson à son autovictimisation ? Mais comment ne pas s’alarmer d’un monde où les géniteurs, nécessairement indignes, doivent être sauvés par une progéniture innocente ? Comment, dans une telle inversion des lieux, des temps, de l’ordre même entre réception et donation, se représenter la surabondance bienfaisante de l’origine ? À partir de quelle symbolique exprimer et à partir de quelle narration raconter la plénitude fontale et aimante qui caractérise la paternité divine ?

 

Surtout, comment cette histoire ne nous ferait-elle pas songer à la société transhumaniste sur laquelle fantasment certains, surtout outre-Atlantique ? Elle met en scène les trois finalités que l’ectropianisme assigne aux technologies : soigner, augmenter et, enfin, transformer – pour montrer que, plus l’on monte dans l’échelle de ces (prétendus) bienfaits, plus se raréfient les bénéficiaires.

Quelle critique efficace de l’utopie posthumaniste ! Quelle pédagogique illustration de ce ressentiment contre l’origine qui caractérise « le paradigme technocratique » (pape François) en général et le transhumanisme en particulier !

 

Pascal Ide

  1. Voila environ 300 ans que la Terre a connu une catastrophe appelée « effondrement » (Fall). Dans la ville d’Iron City, infestée par le crime, le Dr Dyson Ido (Christoph Waltz), un médecin spécialiste des cyborgs, cherche des pièces détachées dans une décharge à ciel ouvert. Ces pièces en tout genre tombent depuis Zalem, la seule cité céleste qui persiste depuis la guerre d’extermination, mais qui, interdite, est le lieu où chacun rêve un jour de se rendre. Ido y découvre le corps d’une cyborg (Rosa Salazar) dont il ne demeure que la partie supérieure du buste. Il la rapporte dans sa clinique spécialisée et réussit à la réparer en lui donnant un corps adapté.

La jeune fille cyborg se réveille, mais, décevant l’attente du docteur Ido autant que la sienne, se révèle amnésique. Il décide alors de la rebaptiser Alita, prénom dont on ne tardera pas à découvrir, lors de la rencontre de son ex-femme, Chiren (Jennifer Connelly), qu’il est celui de leur fille dramatiquement décédée. En lui faisant découvrir la ville – d’autant que, très curieuse, Alita veut non seulement savoir qui elle est réellement, mais toujours aller de l’avant –, l’androïde fait connaissance de Hugo (Keean Johnson), avec qui elle se lie d’amitié et qui l’initie au sport ultra-populaire et ultra-compétitif de la ville, le Motorball, où des cyborgs combattent jusqu’à la mort. D’autant que, jeune revendeur de pièces détachées, Hugo travaille pour le très inquiétant Vector (Mahershala Ali) qui organise les matchs de Motorball et se trouve mystérieusement lié à Chiren et plus encore mystérieusement à une entité qui commande ses actions et voit par ses yeux.

Une nuit, Alita suit Ido qui sort avec une grosse valise. Il en sort une arme étrange, quand il est attaqué par trois cyborgs assassins conduits par le surpuissant Grewishka (Jackie Earle Haley), dont on découvrira qu’il est l’assassin personnel de Nova (Edward Norton), celui qui dirige Zalem. Mais, lorsqu’Ido – qui exerce la profession de guerrier-chasseur – est blessé, Alita contre-attaque instinctivement, tue deux cyborgs et endommage sévèrement Grewishka qui doit fuir en ouvrant un trou dans le sol.

Mais qui est donc Alita ? Où a-t-elle appris l’art martial, appelé Panzer Kunst, qu’elle pratique avec une si redoutable efficacité ? Et quel sombre dessein poursuivent Grewishka, Vector, Chiren et surtout Nova – qui voit tout du haut de Zalem à travers le regard de Vector ?

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