A star is born
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Pays:
Américain
Année:
2018
Thème (s):
Amour, Beauté
Durée:
2 heures 16 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Bradley Cooper
Acteurs:
Lady Gaga, Bradley Cooper, Sam Elliott
Age minimum:
Adultes

A Star is Born, romance américaine de Bradley Cooper, 2018. Il s’agit du troisième remake du film Une étoile est née de William A. Wellman, sorti en 1937. Avec Bradley Cooper et Lady Gaga.

Thèmes

Amour, beauté.

La quatrième version de ce mythe de Pygmalion actualisé et appliqué au monde du spectacle raconte joliment la belle histoire d’un bel amour. Je me concentrerai sur l’histoire romantique, laissant à d’autres les lectures sociologiques (la déconstruction en règle du show business), voire historique (la conquête de la scène et de la célébrité comme métaphore de la conquête des États-Unis).

 

De prime abord, tout destinait ces êtres disgracieux, mais non point disgraciés, soit à passer sans se voir, soit à se passionner sans s’avoir. En effet, autant Jack qu’Ally porte un lourd tribut familial : des deux côtés, la disparition d’au moins un des proches, d’un côté, un père violent, de l’autre, un père fusionnel et mythomane (il ne cesse de répéter qu’il chante mieux que Frank Sinatra). L’environnement présent ne vaut guère mieux : d’un côté, un grand-frère sauveteur et aigri, de l’autre, un ami drag queen. Étrangement, dans un cinéma actuel massivement féministe, l’univers ici présenté pèche par excès d’hommes…

Ce lourd héritage se métabolise non seulement par la solitude du quotidien (avec son problème de dépendance, Jackson n’a plus de compagne depuis des années ; après sa rupture orageuse, Ally promet de ne plus épouser un seul homme), mais par la fuite auto-destructrice (dans l’alcool et la drogue pour lui, dans le déni de ses talents et la réduction à n’être qu’une voix sans corps, pour elle).

 

Ces multiples blessures, scellées par des comportements ravageurs, n’ont pourtant pas aboli tout talent. Aussi leur amour va-t-il naître sous la plus belle… étoile : non pas seulement la collaboration, ni seulement l’amitié de ces surdoués de la musique partageant la même passion pour la composition autant que pour l’interprétation, mais l’émerveillement. Cette superbe idée offre les plus beaux moments du film, longuement (trop longuement ? En tout cas, moins que dans la version de George Cukor, en 1954 !) : enchantement ébloui de Jack, lorsqu’il écoute Ally chanter, improviser, interpréter, composer ; ravissement enthousiaste de la jeune femme quand elle voit son mentor sur scène à partir de l’arrière-scène et quand elle fait, pour la première fois, l’expérience enivrante de la foule – transcendance d’une foule en transe et en danse ; enchantement admiratif, enfin, en écho et en miroir, pour leur chanson en duo. Et c’est seulement parce que l’unique micro les a obligés à se rapprocher au point que leurs lèvres rentrent presque en contact qu’après, et après seulement, une autre fièvre les saisira. Comme rarement, la caméra nous donne à voir l’amour : l’amour comme unité d’une diversité, communion chorale, amitié (philia) qui embrasse et passion (éros) qui embrasse, anima et animus qui se réconcilient, harmonie qui respecte l’altérité.

Or, que cet amour s’exprime en scène, loin de nuire à son intensité ou le transformer en pur spectacle, en révèle la logique ultime et la fécondité intime de l’amour : toute la foule devient l’écho, mais aussi le bénéficiaire de ce couple inaugural. Par la beauté qui chante et fait danser, sur cette scène paradoxalement privée et publique, l’amour devient vibration qui se propage et, par ondes successives, devient océan de bras et de visages.

 

Né de l’émerveillement qui est altérisant, et non de la passion-pulsion qui est fusion, l’amour se poursuit dans cette promotion admirative du bien de l’aimé, qui est l’autre nom de l’amour – « L’amour est une volonté de promotion » (Maurice Nédoncelle, Vers une philosophie de l’amour, coll. « Philosophie de l’esprit », Paris, Aubier, 1946, 21957, p. 15). Et voici l’autre bonne nouvelle du film. Certes, Jack sera un moment jaloux du producteur et Ally elle-même consentira à un concert qui ne se contente pas de l’éloigner physiquement de celui qu’elle ne cesse d’aimer. Mais, outre les blessures non traitées (Jack ne se résoudra que tardivement à intégrer un groupe d’alcooliques anonymes ; Ally instrumentalise ses tournées et son entourage pour combler un manque abyssal et récurrent d’estime de soi), une autre cause est nommée, et elle est toute extérieure : Fez. Sans entrer dans un trop facile triangle mimétique, sans même accuser le producteur de rivalité amoureuse ou professionnelle (ce serait une interprétation), ici se dit une cécité omniprésente dans le milieu du spectacle, d’autant plus blessante qu’elle est indétectable : la secrète subordination de l’amour, même conjugal, à la carrière artistique. Et, commandant cette subversion de la hiérarchie esthétique-éthique, l’on trouve une autre hiérarchie : les intérêts de l’ego priment ceux de l’autre et, plus encore, du couple et de la famille. Or, autant le beau (transcendantal) de l’émerveillement doit précéder et faire accéder au bien de l’engagement, autant le beau (esthétique) de la musique est régulé par la norme morale personnelle ou interpersonnelle ; dit concrètement, la génialité ou la fructification des talents ne justifient pas le désordre moral, de l’addiction à l’adultère.

Ainsi, ni Ally ni Jack n’ont cédé aux sirènes de la fausse gloire et du narcissisme. Voilà pourquoi, malgré les turbulences, leur amour demeure intact. De fait, il ne cesse de se nourrir de cet enthousiasme et de son fruit : le souci de servir le talent de l’autre. Plus encore, et c’est le sommet du film, cette donation à l’être aimé se traduit dans une offrande qui va jusqu’au sacrifice : Ally renonce définitivement à ses concerts pour ne pas être séparée de Jack ; Jack renonce définitivement, et en sens contraire, à faire obstacle à la carrière si prometteuse de sa bien-aimée.

 

Un seul regret, de taille : pourquoi ce sacrifice conduit-il au suicide et au pire des suicides : la mort infaillible par pendaison, seul, sans un mot d’explication, donc terriblement culpabilisante ? Certes, pour dramatiser. Certes, pour rappeler que le système idolâtrique brûle aujourd’hui celui qu’il a hier adoré. Certes, pour immortaliser l’amour, selon la logique de l’amour romantique selon lequel seule la mort d’un des amants permet de conjurer la mort annoncée de l’amour. Mais, heureusement, la poignante chanson finale – I’ll Never Love Again – que, plus encore, Ally – se présentant elle-même comme Ally Maine – décide de chanter à l’enterrement, rappelle que l’amour est éternel et vit de la gratitude se transformant sans cesse en générosité.

Pascal Ide

Jackson Maine (Bradley Cooper) se produit dans des concerts à succès tout en cachant son problème d’alcool au public. Son principal soutien est son manager et frère aîné Bobby (Sam Elliott) qui s’occupe de lui.

De son côté, Ally coupe court au téléphone une relation avec un homme et promet de ne plus tomber amoureuse. Auteure-compositrice à ses heures, elle travaille dans la journée comme serveuse avec son ami Ramon (Anthony Ramos) et chante en soirée dans un bar de drag queens. Un soir, Jackson arrive au bar pour boire et entend Ally chanter le succès d’Édith Piaf, La vie en rose. Impressionné par son talent, il l’invite à partager un verre. Ally lui révèle alors que, complexée par son nez dont on lui a souvent dit qu’il était trop grand, elle n’a jamais poursuivi de carrière professionnelle. Jackson avoue, tout au contraire, qu’il le trouve séduisant et promet à Ally qu’ils chanteront ensemble.

Il la ramène chez elle, où elle vit avec son père, Lorenzo (Andrew Dice Clay), qui est veuf et dirige un service de chauffeurs avec ses amis. Jackson demande à Ally de venir à son concert le soir même, mais elle refuse. Prenant conscience qu’il lui offre une place sur son jet personnel, elle change finalement d’avis. Une fois arrivée, alors que la salle est remplie de fans, Ally voit Jackson quitter la scène et lui demander de chanter en duo. Terrifiée, elle se rétracte, mais finit par consentir. À son grand étonnement, elle est adulée sur les réseaux sociaux pour son interprétation de Shallow.

Une collaboration artistique commence à naître entre eux et, avec la commune célébration de la beauté, l’amour. Mais Jackson qui est miné par l’alcoolisme et Ally qui a promis de ne plus s’attacher à un homme peuvent-ils construire une relation durable ? En outre, lorsque la jeune femme deviendra de plus en plus célèbre, et se fera professionnellement « draguer » par Rez (Rafi Gavron), un producteur qui lui offre un contrat, la jalousie d’un côté et le carriérisme de l’autre ne seront-ils pas de puissants concurrents à un amour authentique ?

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