En deux mots, voici l’histoire : la Terre est envahie par des extraterrestres surnommés « les Autres ». Leur plan d’invasion procède en plusieurs vagues. Cassie Sullivan (Chloë Grace Moretz), une adolescente américaine de 16 ans, cherche à retrouver son petit frère, Sammy, et à cette occasion rencontre un jeune homme mystérieux, Evan Walker (Alex Roe).

Ce film de science-fiction pour adolescents (et plus encore, pour adolescentes), sans grande originalité (bien des pièces du puzzle se retrouvent dans d’autres films, ici arrangées de manière un peu différente et non sans quelques heureux retournements), ne mérite notre attention que pour exprimer une mauvaise humeur à l’égard d’une dérive de plus en plus envahissante et franchement idéologique : un hyperféminisme doublé d’un man-bashing, qui castre l’homme de sa virilité.

Côté hyperféminisme, le croisement de pom-pom girl et de Katniss Everdeen qu’est Cassie cumule tous les traits du masculin. Reprenons ceux exposés par John Eldredge dans son ouvrage traduit en français Indomptables. S’ils ne sont pas indemnes de dérive essentialiste, ils ont le mérite de la clarté : 1. Cassie vit seule l’aventure (chercher son petit frère), faisant bien comprendre à Evan qu’elle n’a pas besoin de son aide ; 2. elle affronte seule le danger, sans requérir de protection, voire en regrettant de devoir en bénéficier (le soin attentionné d’Evan pour sa blessure par balle ne lui attirera aucun signe de gratitude) ; 3. elle prend elle-même l’initiative d’embrasser le jeune homme, donc de le conquérir. Ajoutons un élément qui n’est pas anodin : non seulement Cassie ne se laisse pas regarder, mais c’est elle, la jeune fille qui est voyeuriste – « perversion » sexuelle qui est plus souvent rattaché à l’homme.

Face à cette virago ado, quel idéal masculin ? Nous ne sommes pas au Japon : l’Occident ne supporterait pas le décalque inversé que serait un héros efféminé, Dieu merci ! Si le physique d’Evan est bien celui d’un homme, en revanche, le psychisme est androgyne. En l’occurrence, il accomplit l’impossible exploit de cumuler quelques traits symboliquement attribués à l’homme (la force physique, la puissance protectrice, etc.) et, comme pour l’en excuser, les caractéristiques symboliquement attribuées à la femme (la douceur pleine de prévenance, l’empathie intuitive, etc.). Bref, Evan combine la délicatesse de geste de l’infirmière avec la vigueur du vampire made Twilight.

Ajoutez un dernier ingrédient : Evan sera aussi soumis à Cassie que celle-ci lui sera indocile, histoire de lui faire payer d’avance toute tentation de domination machiste ! Tel est donc le fantasme secrété par un féminisme réactif (et de plus en plus réactionnaire) qui pourtant ne peut se passer des hommes. Face à ce dilemme insoluble : satisfaire le public (qui n’est pas encore prêt à voir un film sans hommes, comme dans Women) et demeurer cohérent avec l’idéologie de l’hyperféminisme, la seule issue est une image toute-puissante d’un XY psychiquement bisexué…

Pour finir, élargissons. Un test : nommez-moi un film grand public sorti ces dernières années montrant un héros masculin digne de ce nom qui n’ait pas à s’excuser d’être un homme (vir) par sa vulnérabilité, qui ne présente pas, à un moment ou à un autre, des traits psychologiques nettement féminins ? Il ne s’agit pas de fantasmer sur le Sean Connery phallocrate de James Bond contre Docteur No (1962), mais de sortir de cette tératologie accouchée par l’idéologie du gender pour inventer une nouvelle manière d’être-homme et d’être-femme qui fasse rimer destin et dessein.

Pascal Ide

Quatre vagues d’attaques, chacune plus mortelle que la précédente, ont décimé la presque totalité de la Terre. Terrifiée, se méfiant de tout, Cassie est en fuite et tente désespérément de sauver son jeune frère. Alors qu’elle se prépare à affronter la cinquième vague, aussi inévitable que fatale, elle va faire équipe avec un jeune homme qui pourrait bien représenter son dernier espoir – si toutefois elle peut lui faire confiance…