Une seule chair
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Pays:
Français
Thème (s):
Amour, Mariage, Sexualité
Date de sortie:
28 septembre 2023
Durée:
2 heures 20 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Sabrina et Steven Gunnell
Age minimum:
Adolescents et adultes

Une seule chair, documentaire français de Sabrina et Steven Gunnell, 2023. Disponible sur la plateforme Saje. Avec les Pères François Potez et Vincent de Mello, Rachelle et Éric Dufour, Maud et Alex Lauriot Prévost, Clothilde Merza, Tanguy Lafforgue, Yves Semen.

Thèmes

Mariage, sexualité, amour.

Même si, explication oblige, les observations seront plus longues, l’intérêt suscité par le documentaire déborde ces réserves.

 

Les mérites du documentaire valent d’être soulignés : un découpage vivant ; des histoires haletantes (comme celle du jeune nietzschéen) ; des témoignages puissants où affleure une vulnérabilité touchante qui ne dissimule point les différentes blessures du couple (adultère, contraception, avortement, attirance homosexuelle, pornodépendance, etc.) ; des paroles jaillissant avec une spontanéité bouleversante (comme ces mots relevés au vol : « Tu ne me l’avais jamais dit ») ; une heureuse diversité de provenance qui nous vaut la rencontre avec ce rafraîchissant couple québecois ; des itinéraires dynamisants (qui nous certifient que le couple peut durer fidèlement toujours, c’est-à-dire tous les jours) ; le doux commentaire teinté d’humour du père François Potez ; etc.

 

Pourtant, au-delà des inévitables maladresses (comme des convictions martelées sans nuance et peu de tendresse vis-à-vis d’un monde qui avance à tâtons), ce documentaire trop long (2 h. 20) m’a laissé sur ma faim. Deux décalages me sont apparus de manière particulière.

Le premier, qui concerne la méthode, est le dédoublement entre les témoignages et les paroles doctrinales. Comme s’il y avait besoin d’une interprétation des premiers par les secondes. Une des leçons que j’ai apprise du Renouveau, c’est que le témoignage vaut par lui-même car il porte en lui sa propre lumière. Il rayonne la vérité dont le témoin a fait l’expérience. De plus, tout commentaire risque d’en réduire l’impact : le témoignage suscite l’imitation, alors que l’herméneutique transforme l’expérience au mieux dans un appel à la vertu, au pire dans l’imposition d’une norme. Enfin, il peut en émousser la pointe. En effet, de même que le témoignage part d’une expérience qui, par définition, englobe toute la personne, de même retentit-il dans la totalité de son bénéficiaire : affectivité et connaissance, sensibilité et esprit. Or, l’interprétation s’adresse d’abord à l’intelligence.

Le second embarras, peut-être plus profond, qui tient au thème lui-même, est contenu dans le titre et exprime le cœur même du mariage : comment est-il possible d’attester le « une seule chair » ? Autant le sacrement de l’ordre possède une dimension essentiellement, c’est-à-dire par essence, publique, puisqu’il est ordonné à la multitude des fidèles par les multiples actes qui le signifient et l’effectuent, autant le sacrement de mariage qui unit les deux époux en unissant leur chair et leur esprit dans l’unité de leur personne, relève essentiellement de l’intime, donc du caché le plus pudiquement réservé aux époux – ce que, justement, nie l’ob-scénité (littéralement : la mise en scène) de la pornographie. Il ne s’agit pas de nier que le mariage présente une dimension sociale ; mais celle-ci ne constitue pas son essence, elle n’en est que la manifestation obligée. Même sans publicité, le premier couple était réellement un couple. Or, c’est ce secret que montrent les évocations discrètes des gestes de l’amour entrecoupant les moments de témoignage.

Dès lors se pose l’interrogation de fond : comment éviter que cet accès qui est essentiellement (toujours dans le même sens !) indirect à l’intime qu’est le « une seule chair » sinon sombre dans le moralisme (les prêtres évitent admirablement le « tu dois »), du moins opine vers des affirmations abstraites, donc un rien « dogmatique », et surtout vers le cérébralisme par l’universalité du propos ?

La parole sur la sexualité est menacée par deux types de discours entre lesquels malheureusement il opine : celui, froid, de la science et celui, cru, de la vulgarité – les deux témoignant souvent d’une gêne, qui est la trace d’une pudeur face à ce mystère trop grand. Encore une fois, quel type de discours autre que le témoignage est apte à transmettre la bonne nouvelle de l’amour conjugal ? Ma question n’est pas rhétorique. Elle veut au contraire ouvrir un débat herméneutique en amont du film-documentaire. Il est aussi important qu’urgent que des œuvres attestent la vérité libératrice de l’Évangile et de l’Église sur l’amour humain et la sexualité. Je ne vois qu’une seule réponse : la poésie qui est essentielle à l’amour. Est-ce un hasard si l’unique écrit intégralement consacré à l’amour dans toute la Bible, le Cantique des Cantiques, soit un chant jusque dans son nom ? Karol Wojtyla s’est inscrit dans ce sillage en offrant deux pièces de théâtre (La boutique de l’Orfèvre ; Le rayonnement de la paternité). Il en a ouvert une autre avec la théologie du corps, et ses commentaires théologico-spirituels des passages de la Sainte Écriture dont on ne souligne pas assez que, à l’école du poète et dramaturge polonais Cyprian Norwid, la langue constamment créative tresse poésie et concept.

Toutefois, le défi le plus grand réside dans la mise en images. Entre pudibonderie et obscénité, comment célébrer le mystère de l’amour et de la sexualité sans le profaner ?

 

Comment ne pas comparer Une seule chair avec Sacerdoce (Damien Boyer, 2023) ? Non point parce qu’il s’agit de documentaires catholiques diffusés presque synchroniquement par Saje et construits sur l’entrecroisement de différents témoignages. Mais d’abord, parce que ces films traitent des deux grandes vocations institutionnelles par lesquelles l’homme vit le don sincère de lui-même. Non sans toutefois un décalage qui m’est apparu par le contraste entre l’enthousiasme (en partie tempéré) que Sacerdoce a soulevé en moi au sortir du cinéma et la joie quelque peu mélangée après le visionnement d’Une seule chair.

Pascal Ide

Quel est le dessein de Dieu pour la sexualité du couple ? Inspiré de la vision chrétienne de la sexualité développée par Saint Jean-Paul II, enrichie depuis par les papes Benoit XVI puis François, et illustré par de nombreuses expériences pastorales concrètes et des témoignages conjugaux, ce film souhaite faire découvrir l’ampleur de « cet immense trésor confié par Dieu à l’humanité » (Benoît XVI), en vue de réjouir les époux et de guérir et restaurer notre sexualité blessée par le péché.

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