The OA
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Pays:
Américain
Année:
2016-2019
Thème (s):
Expérience de mort imminente, Mort
Durée:
1 heures 0 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Zal Batmanglij, Brit Marling
Acteurs:
Brit Marling, Emory Cohen, Kingsley Ben-Adir
Age minimum:
Adolescents et adultes

The OA, série télévisée fantastique américaine de Brit Marling et Zal Batmanglij, diffusée du 16 décembre 2016 au 22 mars 2019 sur la plateforme Netflix. 2 saisons de 8 épisodes chacune. Avec Brit Marling, Emory Cohen, Scott Wilson, Phyllis Smith, Alice Krige.

Thèmes

Expérience de mort imminente.

Cette attachante série mérite d’être explorée à partir de la grille qu’offre les trois ordres pascaliens (corps, esprit, charité).

 

  1. Évoquons brièvement ce premier ordre (celui de l’esthétique) qui relève des traits désormais communs à toutes les séries à succès : ici, une héroïne à la fois forte et fragile, donc suffisamment proche pour permettre l’identification ou du moins la compassion et suffisamment lointaine pour susciter l’idéalisation, voire l’imitation ; un méchant lui-même complexe ; un casting irréprochable, qui mélange les caractères autant qu’il mélange chacun d’eux ; un concept inédit de science-fiction (une relecture des Near Deah Experience à partir du multiverse) ; un scénario qui, pour être lent, multiplie les rebondissements imprévus ; etc.

 

  1. C’est en prenant en compte le deuxième ordre (celui de l’éthique) que la série manifeste toute sa richesse. Chacun des protagonistes principaux s’inscrit dans une histoire qui, loin de lui être extérieure, l’implique intérieurement et donc le transforme ; plus encore, c’est seulement quand il quitte son individualisme et consent à entrer en connexion avec les autres membres du groupe qu’il arrive à entrer dans le processus de transmutation – le tout dans le cadre si symbolique d’une maison abandonnée, à la fois protectrice et ouverte.

Centrons-nous d’abord sur deux des personnages. Steve est un adolescent violent qui éjecte hors de lui la rage qu’il éprouve en lui. D’abord attiré par Prairie, progressivement, il se laisse toucher par le non-jugement du groupe ; mais il bascule seulement lorsqu’il bénéficie du don aussi imposant qu’important de Mrs. Betty Broderick-Allen qui, de la manière la plus inattendue et la plus désintéressée, le libère de la dette insolvable contractée auprès du chanteur homosexuel qu’il a sauvagement agressé à la gorge. Ayant reçu gratuitement, il va maintenant pouvoir commencer à donner gratuitement.

Pour autant, BBA n’en devient pas la sauveteuse du groupe, puisque cette femme très altruiste (le choix de son métier est en harmonie avec son tempérament) devra elle aussi apprendre à lâcher son projet pour consentir à être conduite là où elle ne savait pas : servir dans le groupe.

Ainsi, les trajectoires des membres présents ne content pas d’abord des guérisons psychologiques, mais des conversions éthiques, c’est-à-dire des sorties de soi vers l’autre. Or, ouvert au « tu », le « je » est désormais prêt au « nous ». Aussi, l’histoire est-elle également le passage d’une juxtaposition à une communion. Voire, la communauté ainsi constituée est elle-même portée à se dépasser dans cet excessus qui est la loi même de l’amour-don, à savoir une fécondité. Voilà pourquoi, dans le splendide final de la première saison, les cinq héros devenus amis vont pouvoir, dans la puissante et vivifiante chorégraphie qui les soude, surmonter leur terreur et sauver leur lycée d’une sanglante et traumatisante tuerie.

Toujours de ce point de vue éthique, les personnages les plus passionnants sont bien entendu les deux pôles qui maintiennent tout le récit en tension : le Dr Hunter Aloysius Percy et Prairie Johnson.

Hap est suffisamment tortueux et torturé pour requérir un discernement. Qui, à l’instar de Prairie, ne se serait laissé enfumer par sa compassion avant d’être enfermé dans la prison ? De fait, sa violence est tellement feutrée et justifiée qu’elle n’apparaît que progressivement. Symbolique est de ce point de vue l’incarcération. De même que les détenus ne peuvent se toucher, ce qui engendre la plus innommée et la plus profonde déshumanisation, de même le geôlier ne se laisse toucher par rien, ni par l’autre, ni par sa souffrance. D’ailleurs, ce panoptique qui joint en séparant et interdit l’intimité tout en l’avivant, constitue la plus subtile des tortures.

Le personnage d’AO n’est pas moins sibyllin. Certes, cette victime appelle l’empathie, et triplement : pour la perte physique qu’est la cécité, pour la perte psychologique qu’est l’éloignement paternel, pour la perte éthique qu’est l’emprisonnement – la première et la deuxième depuis sept ans, la troisième pendant sept ans. Mais n’idéalisons pas ce visage angélique et cette blonde silhouette diaphane que nous avons admirés dans un film inspiré, Another Earth (Mike Cahill, 2011). Nous sommes en droit de nous poser la question : si elle sait aussi séduire, est-ce pour réduire à soi ou conduire à autre que soi ? Certes, c’est de leur plein gré que les cinq membres du groupe viennent écouter sa peu banale histoire. Pour autant, n’incurve-t-elle pas leurs attentes blessées autour d’elle-même, non seulement pour en recevoir attention et compassion, mais, pour en fomenter l’utilisation ? Lucide, Steve ne s’y trompe pas : au final, Prairie ne leur révèle le secret de la danse trans-monde que pour libérer et retrouver celui qu’elle aime, Homer : n’y a-t-il pas contradiction à utiliser les autres en vue d’aimer un autre ? L’Ange Originel sensé symboliser (c’est-à-dire rassembler) posséderait-il une face diabolisante qui le conduit à diviser ? Prairie ne serait-elle pas tant l’adversaire lumineux d’un ténébreux Ennemi que son double féminin ?

 

  1. Venons-en à la charité ou plutôt au religieux. Si la série séduit tant les internautes, c’est d’abord pour son concept original qui cousine avec la fantaisie, peut-être plus encore qu’avec la science-fiction – sans pour autant céder à une débauche d’effets spéciaux. Or, je l’ai souvent évoqué dans ces colonnes, l’imaginaire n’est ni neutre ni chaotique. Il répond à des standards philosophico-théologiques non-dits qui sont en nombre limités. Autrement dit, la combinatoire des thèmes qui, eux, sont infinis et décident de l’originalité et de la réussite d’un livre, d’un film ou d’une série, s’inscrit dans le cadre très rigoureux d’une vision du monde qui, lui, n’a le choix, au fond, qu’entre trois possibilités : cosmologique (et panthéiste), anthropologique (et athée, au moins méthodologiquement), théologique (et monothéiste).

Or, une fois le cadre posé, l’appartenance ne fait guère de doute : The OA incline vers le premier modèle. En plein : le dualisme conscience-corps, la conscience étant essentielle et permanente et le corps, accidentel et interchangeable ; le thème gnostique des syzygies ; la multiplication des univers parallèles aussi indémontrables qu’invraisemblables ; les multiples effets miroirs qui sont autant d’allusion à la synchronisation jungienne ; etc.

En creux : l’absence de toute référence religieuse, notamment l’offuscation explicite de la problématique d’une vie après la mort ; donc, l’interdit apposé à toute interprétation surnaturelle proprement dite.

Demeure que cet orientalisme de bazar passe par l’Occident et ne peut donc si aisément se passer de sa matrice chrétienne. Incapable de se contenter d’une vision harmonique et, a fortiori, hiérarchique de l’univers, le scénario en est conduit à intégrer la thématique si biblique du don, de l’abandon et du pardon…

 

Comment ne pas souhaiter une suite (peut-être les cinq saisons qu’une des hypothèses émet, afin que Prairie puisse acquérir les compétences lui permettant d’affronter Hap, seule ou en groupe) et ne pas demeurer perplexe face à la logique hédonique autant que mercatique de Netflix qui privilégie complaisamment un objet culturel aussi vite compris et assimilé que rejeté et oublié ? Toutefois, avouons-le, la deuxième saison déçoit. Pour une raison décisive. Assurément, de prime abord, elle progresse en éclairant. Mais justement, ce qu’elle gagne en lumière, elle le perd en mystère. À trop privilégier la présence, elle convoque la puissance de la science. Les autres saisons devront donc retrouver un féerique qui ne rime pas tant avec magique qu’avec symbolique…

Pascal Ide

Prairie Johnson (Brit Marling), une jeune fille aveugle adoptée, réapparaît dans la ville où elle a grandi, sept ans après avoir été enlevée. Or, il y a plus étonnant que ce retour aussi inexplicable que sa disparition : désormais, elle voit. Alors qu’elle ne dit rien à ses parents adoptifs, Abel (Scott Wilson) et Nancy (Alice Krige), elle va se confier à cinq personnes aux histoires cabossées : Steve Winchell (Patrick Gibson), Alfonso « French » Sosa (Brandon Perea), Buck Vu (Ian Alexander), Jesse (Brendan Meyer) et Mrs. Elizabeth « Betty » Broderick-Allen alias BBA (Phyllis Smith). Elle va d’abord leur raconter son histoire : elle se prénomme en fait Nadia et est née en Russie, orpheline de mère et bientôt éloignée de son père qui, menacé de mort par la mafia locale, l’envoie aux États-Unis pour la protéger.

Devenue adulte, elle vit une EMI (Expérience de mort imminente) ou NDE (Near Deah Experience) où elle découvre le monde céleste de Khatun (Hiam Abbass), mais décide de revenir dans le monde des vivants. C’est en jouant au violon dans le métro new-yorkais pour retrouver ce père tant aimé qu’elle rencontre le Dr Hunter Aloysius « Hap » Percy (Jason Isaacs), un ancien anesthésiologiste qui est certain d’avoir entendu une fois l’âme d’un patient partir de son corps et y revenir. Depuis, il a tout laissé pour étudier les EMI dans un laboratoire secret. Séduite, elle le suit. Mais une fois sur place, il l’enferme dans une prison pentagonale en verre, où elle se retrouve aux côtés de quatre autres jeunes, Homer Roberts (Emory Cohen), de Scott (Will Brill), de Rachel (Sharon Van Etten) et aussi de Renata (Paz Vega). Régulièrement gazés ou noyés, tous servent désormais de rats de laboratoire pour les expériences du Dr Hap sur l’au-delà.

Mais il apparaît progressivement au groupe présent que le troisième nom de Prairie, « l’AO » (l’Ange Originel), vient de ce qu’elle est porteuse d’une autre mission, concernant autant les cinq membres présents, dont la symétrie avec les cinq passés ne semblent décidément pas relever de la coïncidence…

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