Sueurs froides
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Pays:
Américain
Thème (s):
Culpabilité, Maladie d'amour
Date de sortie:
30 janvier 1959
Durée:
2 heures 9 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Alfred Hitchcock
Acteurs:
James Stewart, Kim Novak, Barbara Bel Geddes
Age minimum:
Adolescents et adultes

Sueurs froides (Vertigo), policier américain d’Alfred Hitchcock, 1958. Avec James Stewart et Kim Novak. Inspiré du roman D’entre les morts de Boileau-Narcejac, lui même inspiré de Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach.

Thèmes

Maladie d’amour, culpabilité.

Le chef d’œuvre d’Hitchcok, aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma [1], est souvent relu à partir de sa photographie, sa musique, sa mise en scène de la thématique du double ou sa perspective onirique que la polysémie du titre semble induire. Osons affronter le contenu même.

 

Il ne saurait s’agir d’un policier puisque justice n’est pas rendue à la fin : le criminel qu’est le faux ami court toujours. Il ne saurait non plus s’agir à proprement parler, même pour un Hitchcok, d’un film à suspense, puisque l’affect dominant est beaucoup plus que l’angoisse, la tristesse (celle de la femme aimée) et que la vérité est beaucoup trop vite déflorée, même si le sens du cri ne sera révélé qu’au terme. En cela, l’intrigue trahit le roman de Boileau-Narcejac qui, comme la plupart de ses autres thrillers, se présente comme des histoires très ingénieuses dont la solution ne se dévoile qu’à la toute fin.

Il demeure donc que nous nous trouvons face à une romance et une romance tragique. Mais, là encore, comment parler d’un film d’amour puisque le héros qui est au centre de chaque scène est d’abord au centre de lui-même ? Les deux femmes qui l’aiment, et l’aiment durablement, voire à la folie, sont instrumentalisées par lui. La première, en l’utilisant comme confidente consolante, la seconde, encore plus radicalement, en exigeant d’elle sa transformation en vue de sa propre guérison. Penser l’autre pour être pansé par lui est un sommet dans l’art de l’objectivation narcissique !

 

Notre jugement n’est-il pas trop intrinsigeant ? Peut-être est-il seulement trop froidement moral. Car, amoureux fou, John est doublement fou : par l’intensité de sa passion et par son effet aveuglant. En ce sens, l’amour manque véritablement à la lumière, ainsi que l’atteste sa longue dépression-prostration. En ce sens, ce film si pessimiste est l’un des très rares à oser montrer les conséquences désastreuses, calamiteuses, ravageuses de la maladie d’amour. Cette adoration et bientôt compulsion d’autrui, que le romantisme a exaltée, les Grecs et les Romains, beaucoup plus sagement, l’ont dénoncée.

Surtout, une telle évaluation serait trop unilatérale car, se construisant autour de la seule personne de John « Scottie » Ferguson, elle oublierait d’abord que, si l’amie qui, « vainement blonde », l’attend, est certes un peu jalouse, elle est capable de se réjouir de son bonheur ; et ensuite son escamotage, pur et simple, du cœur comme de la pellicule quand l’anti-héros se mariera avec Judy qui, bien qu’utilisée, continue à y consentir pour recueillir un peu d’amour, et se suicidera, certes par culpabilité, mais aussi par désespoir de ne pas être aimée pour elle-même. De quel narcissime cet angle mort témoigne-t-il ?

Pascal Ide

[1] Il se trouve en tête du classement des 100 meilleurs films de l’histoire selon Télérama et à la neuvième place dans la liste AFI’s 100 Years… 100 Movies en 2007.

À San Francisco se déroule une tragique course-poursuite sur les toits. Un policier porte secours à l’un de ses collègues en difficulté et meurt en tentant de lui sauver la vie. Le survivant, John « Scottie » Ferguson (James Stewart), est rongé par la culpabilité et en devient acrophobe, ce qui le rend inapte au point de devoir quitter la police. Durant les années qui suivent, il vit de ses rentes, reclus et renfermé, entretenant une relation – devenue amicale – avec Marjorie Wood, dite « Midge » (« Betty » dans la version française) (Barbara Bel Geddes), qui est toujours éprise de lui.

Un jour, l’un de ses anciens camarades d’études, Gavin Elster (Tom Helmore), le contacte pour lui demander de suivre sa jeune épouse de 26 ans prénommée Madeleine (Kim Novak). Selon son mari, Madeleine serait possédée par l’esprit de son arrière-grand-mère maternelle, Carlotta Valdes : celle-ci fut abandonnée un siècle plus tôt par son amant et mourut, désespérée, au même âge que celui qu’a Madeleine. Scottie, franchement sceptique, accepte cependant cette proposition pour s’occuper l’esprit.

Au cours de patientes filatures par ailleurs loin d’être discrètes, il constate que Madeleine va se recueillir souvent sur la tombe de son aïeule. Intrigué puis séduit malgré lui, il l’observe longuement. Elle passe de longues heures au musée, silencieuse, assise devant un portrait peint de Carlotta. Elle s’identifie par la suite à la défunte en adoptant sa coiffure élaborée, puis en portant ses bijoux passés de mode — dont un pendentif orné de trois pierres rouges — et en achetant enfin un bouquet de fleurs analogue à celui du modèle. Elle a même loué une chambre dans l’ancienne demeure de la défunte qui est devenue un hôtel.

Un jour, Madeleine se jette dans la baie de San Francisco depuis un parking au pied du pont. Scottie venait de se garer et la suivait non loin. Il se jette à l’eau à son tour pour lui épargner la mort et la ramène chez lui. Il entame le dialogue et cherche à la comprendre. Très vite, ils tombent amoureux. Mais quelque temps après, la jeune femme se rend dans une ancienne mission catholique espagnole qu’elle a fréquentée durant son enfance, une hacienda tenue par des religieuses. Elle grimpe au sommet du clocher, poursuivie par Scottie qui craint un coup de folie, mais qui doit cependant s’arrêter à mi-hauteur des marches, paralysé par son acrophobie. Madeleine se jette dans le vide en hurlant et s’écrase sur le toit d’un bâtiment en contrebas.

Un procès a lieu ensuite à l’issue duquel ni Scottie ni Gavin ne sont reconnus coupables ; le premier de par son acrophobie connue de tous, qui l’a empêché de rejoindre Madeleine à temps, et le second car il cherchait à préserver sa compagne d’une forme de folie familiale dont plusieurs témoignages accréditent la véracité.

Après une très longue hospitalisation pour dépression nerveuse dans un hospice, Scottie retourne sur les lieux qu’il a fréquentés avec Madeleine. Il hallucine et croit la voir partout.

Il croise une passante, Judy Barton (Lucie dans la version française), dont le visage ressemble beaucoup à celui de Madeleine. Fasciné, Scottie l’aborde avec une insistance mêlée de répulsion. Malgré les réticences nettes de Judy, ils entament une relation biaisée et toxique. Scottie cherche à tout prix à la transformer en Madeleine sans prendre en compte l’avis de la jeune femme : il tient à la modeler en son rêve perdu. Il lui achète le même tailleur sophistiqué et lui fait teindre ses cheveux roux en blond. Judy, affligée, le laisse faire.

Dans sa chambre d’hôtel, Judy s’apprête à écrire une lettre à Scottie, lui révélant ses sentiments pour lui ainsi que la vérité : elle est bien la Madeleine qu’il a connue, embauchée par Gavin pour être le sosie de sa femme, afin de faire passer cette dernière comme étrange et dépressive, avec Scottie en bon témoin ; à la hacienda, quand Judy a atteint le sommet du clocher, elle y a rejoint Gavin, qui se trouvait là avec le corps sans vie de la véritable Madeleine (Jean Corbett), qu’il a précipité dans le vide pour simuler un suicide dont Scottie serait à la fois témoin et moralement responsable, Judy poussant un cri de terreur. Elle confie également ses remords de devoir rester silencieuse. Mais, se ravisant, elle déchire la lettre.

Un soir où le couple s’apprête à sortir en ville, Judy noue autour de son cou un collier, que Scottie reconnaît aussitôt être le bijou que Carlotta arbore sur le portrait du musée, et qui était porté par « Madeleine » peu avant sa mort. Il en déduit qu’il s’agit du même bijou, que Gavin aura remis à Judy.

De force, Scottie emmène Judy dans l’église où Madeleine s’est prétendument suicidée. Surmontant son vertige, malgré les suppliques de la jeune femme effrayée, il l’entraîne en haut du clocher, et la force a avouer la supercherie. Alors que Judy s’y résout, confirmant les intuitions de l’ancien policier, une ombre apparaît : effrayée, Judy trébuche et tombe du clocher en hurlant. L’ombre était une religieuse (Sarah Taft) ; elle se met aussitôt à sonner le glas de la mort de Judy, tandis que Scottie, ébahi devant le résultat sinistre dont il est responsable en partie, scrute le vide.

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