Seven Sisters
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Seven Sisters (What Happened to Monday), science-fiction américano-belgo-français de Tommy Wirkola, 2017.Avec Noomi Rapace, Willem Dafoe et Glenn Glose.

Thèmes

Solidarité.

 

Malgré de multiples faiblesses et même des erreurs (de scénario, de montage), et une scène sensuelle inutilement raccoleuse,Seven Sisters est un film original, dont la profondeur est passée inaperçue – peut-être du réalisateur norvégien lui-même qui s’est fait connaître par une filmographie gore ne jouant pas dans la finesse (Dead Snow ou Hansel & Gretel. Witch Hunters) !

En effet, Seven Sisters s’avère être une méditation sur la relation entre la personne et le groupe, plus précisément, sur la personne comme unique et social, plus encore, sur la personne comme puissance de singularisation et puissance de cohésion.

Au début, nous consentons avec enthousiasme à être pris en otage par cette famille transgressive qui incarne une résistance efficace aux lois eugéniques et met si durablement en échec un système si sûr de son bon droit. Notre complicité est d’autant plus acquise que nous nous identifions sans peine à une situation qui n’est pas sans ressemblance avec celle que nous connaissons ou connaîtrons bientôt : je ne parle pas du fantasme de la bombe démographique associée à une paupérisation de la planète, mais de lois iniques associées à un contrôle tout-puissant, via des microprocesseurs incorporés. Dès lors nous acceptons, voire sommes séduits par la rigueur de l’apprentissage et l’intransigeance des lois internes mis en place par Terrence (ce qui affecte l’une affecte toutes les autres). Et nous consentons aussi à ses conséquences cinématographiques : toute la famille vivant en permanence dans un même appartement, plus d’un plan sur deux montrent plusieurs représentations de Noomi Rapace – non-fan de l’actrice suédoise à la voix rocailleuse et au look très physique s’abstenir !

Il semble que le grain de sable qui grippe cet admirable système de résistance soit l’événement extérieur imprévisible qu’est la disparition de Lundi. En réalité – et telle est la première originalité du scénario –, c’est du dedans et non pas du dehors qu’il est depuis longtemps déjà rongé. Ce que le film donne ici à voir, après la puissance agrégatrice de ce que l’on appelle à juste titre l’esprit de famille, c’est la puissance contrastante de singularisation présente en chacun de ses membres. Tandis que nous avons été séduits par les ressources unifiantes du projet de survie autant que de résistance, nous sommes progressivement confrontés à la force opposée, tout aussi énergique, de l’individuation. Alors que cette sororité hors la loi ne survit que par la transparence absolue, il s’avère que chaque sœur possède ses secrets, voire une vie intime qui met toutes les autres en danger : l’on découvre sans surprise que, dans le concret, les deux lieux de plus grande différenciation sont le sexe (la liaison avec Adrian Knowles [Marwan Kenzari]) et la mort (l’accident de Vendredi coûte une phalange à toute la fratrie). Alors que la société impose dans la terreur des lois drastiques conduisant à la révolte, la loi d’airain que Terrence a imposée et que les sœurs ont intériorisée finit par se renverser dans son contraire. Alors que les jumelles ne trompent leur entourage que grâce à la plasticité mimétique d’un visage de plus en plus aidé par les artefacts du maquillage, leur histoire commune s’inscrit dans chacun de leur corps (l’addiction à l’alcool, la pratique intensive d’un sport, et tout simplement la longueur des cheveux ou les cernes sous les yeux) et les fait donc inéluctablement diverger.

Or,– et telle est la seconde originalité du scénario – cette double impulsion, centripète et centrifuge, fait de la famille Settman un modèle réduit du système dictatorial qu’elle est sensée combattre : loin d’être le noyau de la résistance contre l’ennemi, le germe d’une révolte qui gagnera, un jour, les minorités exclues et conduira au renversement de la minorité, les septuplées reproduisent (sic !) en fait de manière fractale la pulsation amour de soi – amour de l’autre qui, quand elle devient arythmique, grimace en individualisme anarchiste et en massification totalitaire. En effet, les normes paternelles mènent non seulement à l’amputation commune ou au célibat commun, mais aussi à la révolte jalouse et à la vendetta de l’aînée, Lundi, donc au retour volcanique de l’individualité trop longtemps refoulée. Or, au même moment, dans l’épreuve, le clan Settman fait l’expérience de sa solidarité viscérale (chaque mort est pleurée douloureusement), donc de ce que le tout est supérieur à la sommation des parties, de ce que le bien commun est plus que le rassemblement des intérêts particuliers. Plus encore, c’est de la plus individualiste et de la plus revancharde des sœurs, Lundi, que vient l’acte le plus identitaire et le plus conservateur qui soit (puisqu’il clône le modèle familial) : une grossesse, de surcroît gémellaire.

De fait, on entend un écho affaibli de cette double impulsion, égo- et altéro-centré, au plan politique. En se refusant de tuer la sénatrice (seul Joe est diabolisé, donc éliminé), voire en faisant entendre une dernière fois son discours utopique (nous vous préparions un avenir), le cinéaste a refusé de céder à la facile apologie de la libération anarchique ou au schème marxiste, à peine moins naïf, de la révolution où la classe opprimée prend le pouvoir usurpé par la classe des oppresseurs (et reproduisant tôt ou tard les mêmes erreurs par pure réaction). Le film sauve donc, à côté de la promotion des libertés individuelles (ici, celle de procréer), la nécessité d’un minimum d’organisation sociale et politique. À l’instar de son affiche créative, il enjambe la difficulté tout en affrontant le drame.

L’on peut donc relire Seven Sisters comme une fable illustrant le battement qui fait vivre chaque cœur humain et qui, amputé, le conduit inéluctablement à la mort. Un philosophe et théologien anglais, d’Arcy, le symbolisait par la double métaphore du lion (puissant et centré sur lui) et de la licorne (vulnérable et donnée aux autres).Voici une nouvelle preuve que l’on peut faire de la science-fiction avec un petit budget et que, dans le sous-genre apocalyptique et sous-sous-genre survival, on peut encore engendrer de l’inédit.

Pascal Ide

En 2073, la Terre est surpeuplée et la nourriture raréfiée. Le gouvernement décide d’instaurer une politique d’enfant unique, par le biais du Bureau d’Allocation des Naissances, sous l’égide de Nicolette Cayman (Glenn Close) et de son exécutant sans scrupule, Joe (Christian Rubeck) ; tout enfant supplémentaire est systématiquement cryogénisé dans l’attente de lendemains plus cléments. Une femme donne naissance à des septuplées et meurt en couches. Entrant en résistance (comme un certain nombre de familles défavorisées et exclues), leur grand-père, Terrence Settman (Willem Dafoe), décide de garder secrète l’existence de ses sept petites-filles qu’il prénomme selon les jours de la semaine. Nous les retrouvons trente ans plus tard, alors que des flashbacks montrent comment Terrence les a éduquées : confinées dans leur appartement, elles sortent chacune leur tour, selon le jour dont elles portent le prénom, elles partagent l’identité d’une unique personne : Karen Settman (Noomi Rapace) ; elles doivent chaque soir faire part de tous les détails de leur journée; etc. Tout se déroule à l’insu des autorités et du gardien pourtant vigilant de l’immeuble, jusqu’au jour où Lundi ne rentre pas au soir pour le débriefing quotidien. Pourquoi la très exigeante Lundi, première accouchée, a-t-elle disparu ? Faut-il partir à sa recherche au risque de révéler que Karen a des sœurs ? Leur transgression serait-elle éventée ?

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