Rocky Balboa (scène de film)
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Pays:
Américain
Thème (s):
Changement, Relation père-fils, Victimisation
Date de sortie:
24 janvier 2007
Durée:
1 heures 45 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Sylvester Stallone
Acteurs:
Lahmard J. Tate, Kevin King Templeton, Sylvester Stallone
Age minimum:
Adolescents et adultes

Rocky Balboa, drame américain écrit et réalisé par Sylvester Stallone, 2006. Avec Lahmard J. Tate, Kevin King Templeton, Sylvester Stallone, Burt Young, Antonio Tarver.

Thèmes

Changements, relation père-fils, posture victimaire.

Nous nous limiterons à une scène, la plus belle, en tout cas, la plus inattendue de ce sixième opus de la saga Rocky (qui en comporte huit, en comptant les deux spin-off). L’idée m’est venue d’une toute récente rubrique d’Allo Ciné qui a eu la bonne idée, en cette quatrième semaine de confinement de sélectionner et regrouper « des discours de cinéma qui donnent envie de continuer à se battre » [1]. L’un d’entre eux est celui, inspiré, de Rocky à son fils Robert. Celui-ci rejoint son père dans un restaurant, demande à le voir, seul à seul, et, pour cela, sort dans la nuit. Alors, Robert reproche à Rocky de reprendre la boxe alors qu’il est trop vieux et, plus encore, de n’avoir pas d’autre identité que d’être le fils de Rocky. Ce dernier l’écoute patiemment, puis lui répond. Citons sa réponse avant de la commenter [2].

 

« Tu ne me croiras peut-être pas : mais tu as tenu dans cette main-là. Et, en te tenant comme cela, je disais à ta mère : ‘Ce gamin-là, ce sera le meilleur du monde. Je disais, ce gamin-là sera mieux que n’importe qui d’autre’. Et tu es devenu le plus beau. C’était une merveille. Chaque jour, je te voyais grandir, en me disant chaque jour, c’est un privilège. Et quand l’heure est venue de te prendre en main, d’affronter le monde, tu l’as fait. Et quelque part, en cours de route, t’as changé. Et j’tai plus reconnu. Tu as permis à des gens de venir te gueuler, de te dire à la figure que t’étais nul. Les conseils étaient trop durs. Tu t’es trouvé un responsable, une ombre qui t’empêchait d’éclore. Et je vais te dire un truc que tu sais déjà : le soleil, les arcs-en-ciel, c’est pas le monde. Y a de vraies tempêtes, de lourdes épreuves. Aussi grand et fort que tu sois, la vie te mettra à genoux, et te laissera comme ça en permanence si tu la laisses faire. Toi, moi, n’importe qui, personne ne frappe aussi fort que la vie ! C’est pas d’être un bon cogneur qui compte ! L’important, c’est de se faire cogner et d’aller quand même de l’avant ! C’est de pouvoir encaisser sans jamais, jamais flancher ! (criant) C’est comme ça qu’on gagne ! Si tu es sûr de ce que tu vaux, tu peux tout essayer pour l’obtenir, mais accepter aussi qu’il y ait de la casse, au lieu de montrer le voisin du doigt en disant j’ai tout raté à cause de lui, d’elle, ou de je ne sais pas qui. Ça c’est des trucs de trouillard ! Et t’en n’es pas un, toi ! Tu vaux mieux que ça ! ». Il fait une pause, puis reprend d’une voix douce, sur une tendre musique : « Je t’aimerai toujours, quoi que tu fasses comme choix. Je t’aimerai quoi qu’il se passe. T’es mon fils, ce que j’ai de plus précieux, la meilleure chose qui me soit arrivée ! Mais tant que tu ne croiras pas en toi, tes rêves, ta vie, ce ne sera pas une vie ». Le fils, touché, respire haletant. Rocky s’approche de lui. On pense un moment qu’il va l’embrasser, mais il le frôle en lui donnant un ultime conseil : « N’oublie pas d’aller voir ta mère ! ». Son fils, silencieux, presque suffoquant d’émotion, regarde son père s’éloigner de dos, ouvrir la porte du restaurant, se retourner vers lui, affectueusement, mais le laissant à sa solitude.

Commentaire

Dans cette copieuse tirade, assurément la plus longue des huit films de la saga Rocky et peut-être la plus longue qu’il ait jamais prononcée au cinéma, Sylvester Stallone fait preuve d’une rare finesse humaine. Notons quatre moyens, plus psychologiques, et quatre contenus, plus éthiques.

 

Ces moyens sont autant d’outils. 1. La méthode du sandwich : il commence par le positif (« tu es devenu le plus beau. C’était une merveille ») et finit par le positif (« T’es mon fils, ce que j’ai de plus précieux, la meilleure chose qui me soit arrivée ! ») ; et au milieu, il glisse la vérité plus difficile à entendre.

  1. Le triangle dramatique : la vérité que le père veut faire entendre à son fils, c’est sa posture victimaire qui transforme les autres en bourreau et le déresponsabilise (« Tu t’es trouvé un responsable, une ombre qui t’empêchait d’éclore » ; « au lieu de montrer le voisin du doigt en disant j’ai tout raté à cause de lui, d’elle, ou de je ne sais pas qui ! »).
  2. L’amour inconditionnel : « Je t’aimerai toujours, quoi que tu fasses comme choix. Je t’aimerai quoi qu’il se passe… » ; et, plus encore, la confiance inconditionnelle : « Ça c’est des trucs de trouillard ! Et t’en n’es pas un, toi ! Tu vaux mieux que ça ! ».
  3. Faire mémoire du passé (« quand l’heure est venue de te prendre en main, d’affronter le monde, tu l’as fait») pour ouvrir un avenir (« tant que tu ne croiras pas en toi, tes rêves, ta vie, ce ne sera pas une vie »).

 

Ces contenus sont autant de vérités : 1. Une vision dramatique, c’est-à-dire réaliste, du monde (« Y a de vraies tempêtes, de lourdes épreuves. Aussi grand et fort que tu sois, la vie te mettra à genoux »), à égale distance de l’optimisme béat (« le soleil, les arcs-en-ciel, c’est pas le monde ») et du pessimisme cynique (« Ça c’est des trucs de trouillard ! »)

  1. La confiance en soi que la confiance de l’autre ne remplace jamais : « Tant que tu ne croiras pas en toi… » ; « Si tu es sûr de ce que tu vaux, tu peux tout essayer pour l’obtenir ».
  2. Le poids de la liberté qui consiste autant à consentir au réel : « accepter qu’il y ait de la casse », qu’à choisir : et là, il faudrait citer toute la harrangue.
  3. La vertu, en l’occurrence le courage qui n’est pas seulement ni d’abord affronter (« C’est pas d’être un bon cogneur qui compte ! »), mais persévérer, c’est-à-dire durer malgré l’adversité (« L’important, c’est de se faire cogner et d’aller quand même de l’avant ! C’est de pouvoir encaisser sans jamais, jamais flancher ! »).

 

Rocky aurait-il dû, ultimement, serrer son fils dans ses bras ? Non, cela aurait été contradictoire avec ses propos, voire contre-productif. Il vient de le renvoyer à sa conscience et à sa liberté. Or, l’indépendance est la condition de l’interdépendance, sinon celle-ci régresse vers la dépendance, c’est-à-dire la fusion. Ce n’est donc pas le moment d’entrer en communion. Celle-ci viendra plus tard quand le fils aura reconquis l’estime de lui-même par sa victoire, d’abord contre lui-même, ses peurs et ses fuites, puis contre ses adversaires.

De fait, dès le lendemain, Robert rejoint son père au cimetière, face à la tombe d’Adrian. Là, il lui révèle qu’il vient de quitter son travail. Et ils tombent dans les bras l’un de l’autre. Sans doute, le dénouement paraît un peu trop rapide et trop radical ! Du moins, les paroles véridiques de Rocky ont porté leur fruit.

Pascal Ide

[1] http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18689118.html

[2] La scène, dans l’épisode 19, se déroule de 1 h. 00 mn. 10 sec. à 1 h. 02 mn. 18 sec.

Rocky Balboa (Sylvester Stallone), qui a depuis longtemps quitté le ring, mène une vie paisible à Philadelphie. Il y tient un restaurant italien baptisé Adrian’s, en hommage à sa femme Adrian, qui est décédée à la suite d’un cancer. S’il rend visite quotidiennement au cimetière pour lui conter sa vie, en revanche, il ne voit plus guère son fils Robert « Rocky » Balboa Jr. (Milo Ventimiglia) qui entretient des relations distantes et amères avec lui. Pour redonner un but à sa vie, Rocky décide de se remettre à boxer et accepte d’affronter le champion du monde de boxe en titre, Mason « The Line » Dixon (Antonio Tarver). Pour cela, il sera coaché par Tony « Duke » Evers (Tony Burton), entraîné par Paulie Pennino (Burt Young) et accompagné par Steps, le fils de Marie (Geraldine Hughes) qu’il a convaincue de ne plus fréquenter les voyous de son quartier. Mais, pour l’instant, l’heure est au rapprochement avec Robert.

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