Rainman
Loading...
Pays:
Américain
Thème (s):
Amour, autisme, Blessure, Guérison, Jean Vanier, Réconciliation
Date de sortie:
15 mars 1989
Durée:
2 heures 13 minutes
Évaluation:
****
Directeur:
Barry Levinson
Acteurs:
Dustin Hoffman, Tom Cruise, Valeria Golino
Age minimum:
Adolescents et adultes

 

 

Rainman, drame américain de Barry Levinson, 1988. Avec Dustin Hoffman et Tom Cruise. Récompensé par quatre Oscars.

Thèmes

Blessure, autisme, guérison, réconciliation, amour, Jean Vanier.

Le film-culte de Barry Levinson est le premier à avoir osé filmer une personne atteinte d’autisme – en cette forme particulière sans déficience intellectuelle qu’est le syndrome d’Asperger (cf. Monsieur je-sais-tout, Archinard et François Prévôt-Leygonie, 2018). S’il en offre une vision aujourd’hui considérée comme caricaturale et en partie inexacte [1], en revanche, il illustre de manière très pertinente l’anthropologie de Jean Vanier. En effet, pour le fondateur de l’Arche récemment disparu, tout le monde est blessé. Mais il y a ceux qui le savent et en souffrent ; il y a ceux qui l’ignorent et font souffrir les autres. Raymond fait partie des premiers et Charlie, son frère, des seconds. Il s’est construit un monde bien cloisonné. Toutefois, il n’y est pas définitivement enfermé.

 

Multiples sont les murailles élevées par Charlie.

Dans ses pseudo-valeurs et ses croyances, le monde se divise en deux : les gagnants et les perdants, plus, les arnaqueurs et les pigeons. Arriviste, Charlie ne cherche qu’à réussir, quitte à rouler le client. Il manipule autrui sans scrupule. Par exemple, pour obtenir l’adresse d’une institution, il flatte une femme : « Vous avez un beau tailleur ».

Ce qu’il vit dans le monde professionnel, Charlie l’étend à sa vie privée et affective. « Est-ce que j’ai un peu de place dans ta pensée ? », lui demande Susanna, après avoir roulé une heure et demie en silence. Quant elle comprendra que Charlie l’a toujours utilisée, sa compagne sera assez libre pour le quitter en le lui révélant : « Tu te sers de tout le monde ».

Certes, Charlie a des excuses : orphelin de mère depuis l’âge de deux ans, il n’a pas bénéficié de la présence d’un père écoutant et aimant. Il demeure que c’est lui qui a pris la décision de couper définitivement les ponts ; plus encore, il a persévéré, malgré les appels réitérés de son père. Une nouvelle fois, le monde de Charlie est un monde cloisonné.

Mais, de ces multiples barrières étanches, la plus profonde est intérieure : Charlie n’est pas tant un homme qui fuit follement en avant qu’un homme qui se coupe désespérément de son passé. Il n’est pas tant un homme dur qu’un homme endurci. Pour vivre, il s’est coupé de son affectivité, et donc de la source de la vulnérabilité. C’est ainsi que, lorsqu’il apprend la mort de son père, il ne réagit pas ; il manifeste seulement de la colère lorsqu’on l’informe de l’existence de son frère.

 

C’est par touches délicates que le réalisateur nous fait entrer dans le monde si déroutant de l’autisme. Le docteur Brunner transmet assez d’informations pour que, à l’instar de Charlie, le spectateur ne soit pas trop désorienté face à l’angoisse de Raymond et les rituels obsessionnels qui cherchent à la conjurer. Ce faisant, il nous permet de ne pas l’enfermer dans sa pathologie et lui laisse la possibilité de créer du nouveau.

Assurément, le côté surdoué et hypermnésique de l’Asperger le rend exotique, voire sympathique. Mais nous en découvrons vite l’ambivalence : Charlie ne tardera pas à comprendre quelle utilisation il peut en faire. Comment un killer résisterait-il à la tentation gagner 85 000 dollars en quelques heures ? Toutefois, le talent de Raymond suscitera aussi une admiration qui aidera Charlie à entrer dans une relation d’affection et à rompre avec cet utilitarisme coutumier.

 

Au terme du film, trois signes attestent d’une véritable évolution de Charlie – plus encore, d’une révolution.

D’abord, le gagnant renonce à faire de la réussite professionnelle le tout de sa vie, et des autres les moyens de cette réussite.

Ensuite, Charlie cherche à renouer avec Susanna. Humblement, il prend l’initiative de lui téléphoner. Humblement, il consent à dire qu’il dépend d’elle. Humblement, il renoue sans reconquérir, il dit son désir sans possessivité.

Enfin et surtout, Charlie se réconcilie avec son père. En se substituant à lui, il comprend pourquoi il a été déshérité. Dès lors, il peut passer de la révolte haineuse à une pacifiante réconciliation : « C’est étonnant, je ne lui en veux plus ». Il est d’ailleurs révélateur que ce soit autour de la Buick, symbole du monde intangible du père, que s’effectue la première rencontre entre Raymond et Charlie : elle représente comme un premier don post mortem du père. Or, sans ce don, Charlie n’aurait jamais pu amorcer son retour.

 

Tout séparait le monde de Charlie du monde de Raymond. Pourtant, la plus improbable des passerelles va les mettre en communication.

Abattre les murs, c’est se rendre vulnérable. Et c’est la vulnérabilité de Raymond qui invite Charlie à peu à peu rejoindre la sienne. En effet, se rendre vulnérable, c’est faire entrer l’autre chez soi. Or, l’angoisse de Raymond est tellement incontrôlable qu’il devra l’accepter. De plus, au lieu de faire marcher tous les autres à sa vitesse et d’éjecter celui qui n’accepte pas son rythme, Charlie devra accepter de marcher – ou plutôt de rouler – au pas de son frère : en sortant de l’autoroute, en s’arrêtant lorsque Raymond en a besoin, au lieu de rouler jusqu’à s’écrouler de fatigue, en se mettant à l’écoute de ses besoins (de son émission de télévision, à ses goûts alimentaires, en passant par ses manies vestimentaires). Ainsi, pour la première fois de sa vie, le réel résiste à Charlie : dans la personne de son frère. Or, en épousant la réalité, Charlie se réconcilie avec la part maternelle de son être : il met de la crème sur le nez de Raymond, il installe son lit comme il l’aime dans la chambre de Las Vegas. Voire, il découvre qu’il éprouve de l’affection au point de vouloir l’embrasser.

Mais Charlie est sorti de son cloisonnement pour une autre raison encore plus décisive. Par celui qui donne son titre au film : Rainman. Celui qui venait le consoler de ses peurs lorsqu’il était petit est son grand frère Raymond. Coup de théâtre qui décide du basculement de Charlie. Celui-là même que spontanément il méprisait, réduisait à être un grand enfant effrayé et manipulait sans vergogne, fut pour lui le père qui le protégeait et la mère qui le consolait. La fuite dans le futur et le mépris de l’autre sont les conséquences d’une angoisse immaîtrisable. Désormais Charlie peut renouer avec ce passé exécré ; plus encore, il a une raison de l’aimer. Ce « Raiman qui a disparu lorsque j’ai grandi » ne l’a en fait jamais quitté : faisant toujours partie de ses racines, il peut désormais, telle une sève, nourrir son présent et fleurir en avenir.

Enfin, le bénéfice est croisé. Raymond qui s’enferme dans des automatismes répétitifs pour désamorcer son angoisse, commence, lui, à se déconnecter de son passé : « Qui a touché en première base ? » Or, c’est Charlie qui l’en fera sortir en montrant que la question est sans réponse car c’est une plaisanterie (Qui est un nom de personne). Dès lors, il ouvre la boucle et décloisonne l’esprit de son frère. Raymond apprend à distinguer la réalité de la plaisanterie et, pour la première fois, se met à sourire, lorsque Charlie lui fait une blague sur le sirop d’érable.

 

La leçon de Levinson est claire et rejoint l’enseignement constant de Jean Vanier : le plus blessé n’est pas celui que Monsieur Toutlemonde croit. Il y a des formes d’autisme beaucoup plus redoutables que la pathologie : l’égocentrisme satisfait.

Les deux frères ont grandi en liberté. Ils se sont arrachés partiellement, Raymond aux automatismes compulsifs qui l’enferment dans le passé, Charlie à sa fuite-rupture de celui-ci. Certes, l’aîné n’a pas guéri de tout handicap. Mais le cadet n’a pas non plus abandonné toute mégalomanie : il s’imagine pouvoir garder son frère avec lui, alors que le médecin, plus raisonnable, lui permet de le voir tous les quinze jours. Mais désormais, chacun avance sur le chemin de la liberté qui est ouverture à autrui.

Pascal Ide

[1] Cf. Josef Schovanec, cosigné avec Caroline Glorion, Je suis à l’Est !, Paris, Plon, 2012 ; Christel Petitcollin, Je pense mieux. Vivre heureux avec un cerveau bouillonnant, c’est possible !, Paris, Guy Trédaniel, 2015.

Charlie Babbitt (Tom Cruise), jeune revendeur de voitures de Los Angeles et en difficulté financière, apprend le décès de son père. En froid avec ce dernier depuis ses 16 ans, Charlie compte beaucoup sur l’héritage laissé par son défunt père pour se remettre sur pieds. Lors de la lecture du testament, il ne reçoit en héritage que la vieille automobile de son père, ainsi que des rosiers primés, et apprend que la fortune de son père estimée à 3 millions de dollars sera donnée à une pension psychiatrique de Cincinnati. Après une courte investigation, Charlie découvre qu’un des pensionnaires de cette institution n’est autre que Raymond Babbitt (Dustin Hoffman), son frère aîné, autiste, dont il ignorait totalement l’existence. Furieux de son sort financier, Charlie enlève Raymond dans le but de récupérer la part d’héritage qu’il considère lui revenir. Accompagné de Susanna (Valeria Golino), il début alors un voyage à travers les États-Unis en direction de la Californie, au cours duquel les deux frères apprendront à se connaître…

[/vc_c

Les commentaires sont fermés.