Mary
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Pays:
Américain
Date de sortie:
13 septembre 2017
Durée:
1 heures 41 minutes
Directeur:
Marc Webb
Acteurs:
Chris Evans, Mckenna Grace, Jenny Slate

Mary (Gifted), film dramatique américain de Marc Webb, 2017. Avec Chris Evans, Mckenna Grace, Jenny Slate. Prix du public au Festival de Deauville.

Thèmes

Surdoué, apprentissage, éducation.

Le titre anglais Gifted qui se traduit littéralement par « doué », mais signifie dans la pratique « surdoué », a été remplacé, en français, par Mary. Ce déplacement hautement significatif cristallise autant ce que j’aime que ce qui m’agace en ce film.

 

J’ai aimé les scènes émouvantes, portées par l’interprétation partout relevée de Mckenna Grace (qui a tout de même 11 ans !), notamment – avec tout ce qu’une joie comporte de subjectif – celles où l’on voit la fleur des talents mathématiques hors du commun se défroisser, s’épanouir, voire commencer à rayonner.

J’ai encore plus aimé la kyrielle des personnes qui, satellisées autour de Mary, se sont mises à son service – y compris sa grand-mère. Certes, les motivations de cette dernière – autant que celles de son oncle – sont trop surdéterminées par la culpabilité assoiffée de réparation du second et l’autoritarisme intransigeant de la première (mais quelle projection et aussi quelle culpabilité celle-ci camoufle-t-elle ?). Demeure le trio, à qui va tout mon émerveillement et ma gratitude, de ces personnages aussi bien campés que bien joués, de la voisine Roberta, de la maîtresse Bonnie et de l’avocat Bradley Pollard (Keir O’Donnell).

J’ai bien aimé, enfin, la recherche féconde d’une troisième voie. De manière presque caricaturale, les deux logiques éducatives sont non seulement présentées, mais incarnées dans leur unilatéralisme : avec Frank, traiter Mary comme une enfant ordinaire – au grand risque de nier le don extraordinaire qui lui est fait et qu’elle-même reconnaît – ; avec Evelyn, traiter Mary comme une enfant surdouée – au grand risque de nier son besoin d’être une enfant non pas comme les autres, mais parmi d’autres, et de reproduire le schéma mortifère de sa mère –. Or, heureuse surprise du scénario, l’avocat, à la fois très impliqué et très respectueux, trouve avec créativité une troisième option d’autant plus convenante que, rétrospectivement, Frank en reconnaît la validité, et convaincante qu’elle prend enfin en compte le besoin qu’a Mary, entourée d’adultes ou de parents seuls, d’avoir un père et une mère…

 

Et ici commencent nos déceptions qui sont aussi des agacements. Passons la peinture surdopée de ce très haut potentiel – voire ce génie en herbe –. Même en consentant à ce qu’elle soit une future lauréate de la médaille Fields (le Nobel des maths, pour faire court), pourquoi cette Mistress Will Hunting a-t-elle des capacités qui n’ont jamais été observées, y compris chez des enfants de 10 ans ? L’invraisemblable décrédibilise plus qu’il n’aide à la projection. Ce que l’on gagne en spectaculaire, on le perd en puissance identificatoire, qui est l’un des moteurs psychologiques de l’image-mouvement qu’est le cinéma. Passons aussi le peu de réalisme de cette lignée de femmes potentiellement médaille Fields : outre une linéarité qui pourrait faire croire à une héritabilité des dons intellectuels, donc à un déterminisme innéiste très problématique, rappelons que, sur 56 médailles Fields, si mon compte est exact, une seule femme l’a reçue, Maryam Mirzakhani, le 12 août 2014. Passons enfin le non-dit, à savoir, sans présumer des excuses psychologiques trop vite évoquées, l’égoïsme d’une mère qui, en se suicidant, laisse son enfant infiniment seul et désemparé.

Arrivons-en aux vrais objets de litige.

Pourquoi régresser de cette troisième voie inventive vers la première qui donne gain de cause à l’oncle et ses « coéquipières » ? Certes, Frank a changé (c’est d’ailleurs le seul personnage de l’histoire à évoluer véritablement) et ce changement s’objective dans le changement d’école. Mais, de manière très, trop actuelle, presque tout est concédé à l’amour contre la vérité, en l’occurrence, répétons-le, le besoin d’une famille ne se limitant pas à un chat aveugle dont la présentation par Mary est une parabole transparente et un double victimaire d’elle-même (« Il est unique. Il est très intelligent. Personne ne le comprend »).

Mon dissensus le plus important est encore ailleurs et nous fait revenir à ce simple prénom qui est un prénom simple. Mary symbolise la polarisation d’un film qui révèle le mythe porteur de notre temps : le culte de l’enfant parfait devant qui les adultes s’agenouillent. Une comparaison suffit à l’attester.

D’un côté, Frank demande platement pardon à Mary à deux reprises, alors que sa responsabilité est en grande partie excusable : la première fois, parce que sa fille a réellement transgressé une règle familiale souvent rappelée, de sorte que la faute de l’oncle réside non pas dans l’objet de sa colère (dont la légitimité n’est pas relevée par le film), mais seulement dans son excès (tout relatif) ; la seconde fois, parce qu’il doit obéissance à la sentence portée par le juge et que sa promesse de demeurer toujours avec sa nièce ne pouvait qu’être conditionnelle (ce que le film n’explique pas plus).

De l’autre, pas une seule fois, Mary n’exprime un pardon, une gratitude et, presque plus ennuyeux, une attitude d’humilité. Certes, elle montre et dit son amour à son entourage ; mais je parle ici de ces trois incarnations singulières et essentielles de l’amour. Ainsi, alors qu’elle a objectivement transgressé en agressant le jeune garçon (et avec quelle violence : elle lui a cassé le nez !), elle se justifie et efface l’acte très formel de pardon fait devant la classe (« Je peux dire ce que je pense maintenant ? »), de surcroît en suscitant l’applaudissement de celle-ci et non sans le soutien de l’institutrice. De plus, alors qu’elle ne cesse de manifester une intelligence là encore exceptionnelle des relations, voire un recul peu crédible pour son âge (nouvelle invraisemblance : avoir une forme de génie, en l’occurrence mathématique, n’est pas posséder tous les génies, en l’occurrence relationnel), elle accuse unilatéralement son oncle de l’avoir trahie et abandonnée, alors qu’il lui a déjà donné des signes de regret et a agi de manière juste.

 

Revenons au titre anglais, merveilleusement polysémique, perdu par la symptômatique (sic !) traduction française. Une étude américaine qui compare les génies et les faiseurs de génie (Genious’makers) montre que la plus grande générosité, c’est-à-dire le don de soi, est beaucoup plus présent chez les seconds que chez les premiers et que ceux-ci n’existeraient pas sans ceux-là (cf. Liz Wiseman & Greg McKeown, Multipliers. How the Best Leaders Make Everyone Smarter, New York, Harper Business, 2010). Le film l’atteste – et c’est même là son plus grand mérite –, les gifted existent seulement grâce aux gifts multipliés qui les ont fait fructifier. Il appartient au surdoué – toujours tenté par l’ingratitude de re- et dé-tourner narcissiquement à son service ce qui lui fut gratuitement octroyé – de mettre ses immenses talents au service des autres et d’ainsi joindre à ses dons, leur unique raison d’être : le don de soi.

Plutôt que Mary, n’aurait-il pas fallu titrer – et, pour notre culture cinématographique qui se souvient d’un beau film d’amitié, cela eût été plus transparent – Frank, Roberta, Bonnie et les autres… ?

Pascal Ide

C’est le jour de la rentrée des classes. Mary Adler (Mckenna Grace), âgée de sept ans, a toujours bénéficié de l’école à la maison et résiste à celui que l’on croit être son père, Frank (Chris Evans), et finit par accepter lorsque celui-ci lui montre habilement qu’elle ne connaît pas le sens de la formule « usque ad nauseam » et qu’elle pourra l’apprendre à l’école. La voisine, Roberta Taylor (Octavia Spencer), vient aussitôt reprocher à Frank sa décision, ce à quoi celui-ci rétorque : « Elle doit être un enfant ». Accueillie par une institutrice très attentive et même attentionnée, Bonnie Stevenson (Jenny Slate), Mary multiplie mentalement 57 par 135 puis extrait la racine carrée du résultat du produit… Une rapide recherche sur internet permet à Bonnie de découvrir que Mary est orpheline : Diane, sa mère, était une mathématicienne excessivement prometteuse qui avait dédié toute sa vie au problème de Navier-Stokes (l’un des sept problèmes non résolus du prix du millénaire) et s’était suicidée alors que sa fille n’avait que 6 mois. Elle découvre aussi que Frank, loin d’être l’époux de Diane, est son frère qui a abandonné son poste de maître-assistant en philosophie (spécialiste en logique) pour élever Mary et l’inscrire dans une école classique. Mais la grand-mère maternelle, Evelyn Adler (Lindsay Duncan), que Frank a tenté de fuir en Floride depuis la mort de Diane, retrouve son fils et sa petite-fille, et demande la garde, afin d’envoyer sa petite-fille dans une école pour génies. L’opposition irréductible des deux perspectives conduit à une bataille juridique pour le droit de garde. Qui l’emportera ?

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