L’Océan vu du cœur
Loading...
Pays:
Canadien
Thème (s):
Nature, Océan
Date de sortie:
13 septembre 2023
Durée:
1 heures 37 minutes
Évaluation:
****
Directeur:
Iolande Cadrin-Rossignol et Marie-Dominique Michaud
Age minimum:
Famille

L’Océan vu du cœur (Ocean Seen From the Heart), documentaire canadien de Iolande Cadrin-Rossignol et Marie-Dominique Michaud, 2023. Il est la suite du documentaire La Terre vue du cœur avec Hubert Reeves, 2018.

Thèmes

Océan, vision polysémique de la nature.

Sur la nature en général et sur l’océan en particulier, nous rencontrons trois sortes de documentaires : certains sont centrés sur l’explication ; d’autres invitent à une écoresponsabilisation ; d’autres, enfin, nous font vibrer d’admiration. Et, aujourd’hui, ils tressent volontiers deux perspectives. C’est ainsi que Océans (ou Ωcéans), le documentaire français de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (2009) croise des images somptueuses avec un appel à interroger l’empreinte anthropique et protéger les océans. Le film de Iolande Cadrin-Rossignol et Marie-Dominique Michaud, qui fait suite à La Terre vue du cœur réalisée par la première en 2018, réussit le rare tour de force d’harmoniser les trois perspectives – qui sont empruntées aux trois transcendantaux : le vrai, le bien et le beau.

 

L’émerveillement est souvent l’apanage d’images stupéfiantes. Ici, et c’est un deuxième mérite du long-métrage, cet engouement se traduit plus encore dans le discours que dans la photographie qui ne cherche ni le spectaculaire ni l’exceptionnel. Cette admiration est davantage centrée sur l’objet unique qu’est l’estuaire du fleuve Saint-Laurent dont on apprend qu’il représentant 25 % des réserves mondiales d’eau douce, et, plus globalement, sur cette perspective qu’est la bouleversante harmonie de l’univers.

 

Elle ouvre donc spontanément sur une explication d’un type particulier : une interprétation holistique centrée sur le quatrième transcendantal, celui qui précède les trois précédents, à savoir l’unité. Et tel est l’apport le plus original de ce documentaire : loin d’être un ensemble sinon chaotique, ou du moins un liquide dénué d’organisation, l’océan se comporte comme un tout dynamiquement unifié. Nous savons tous que la mer est connectée au cosmos, via les marées lunaires (et aussi solaires). Nous savons aujourd’hui presque tous que la Terre se comporte comme une unique organisation (plus qu’un unique organisme vivant) qui se conserve depuis plus de 4,5 milliards d’années, se renouvelle en permanence, se régule et se répare (l’hypothèse Gaïa). Nous savons moins que, dans ces immenses océans qui recouvrent 70 % de notre planète, « tout est lié ». Un tel énoncé paraît même contre-intuitif. Autant l’on comprend que tout soit maillé à la surface liquide grâce à la météorologie ou que tout communique dans les profondeurs solides de l’élément rocheux, autant cette coordination manque d’évidence dans les abysses fluides de l’élément aqueux.

Et telle est l’une des plus belles surprises du film : l’hypothèse Gaïa devrait se doubler d’une hypothèse Téthys. L’on y apprend par exemple que les baleines unissent l’océan grâce à la cellule de convection que ménageait le brassage de l’eau dûe à leur plongée et leur remontée. L’on y découvre aussi que, à leur mort, les rorquals qui sombrent au fond des océans deviennent le lieu d’un écosystème qui héberge pas moins de trente mille organimes pas moins d’un siècle. Et ces éclaircissements sont offerts avec cette pédagogie qui honore l’âme québécoise. Les chercheurs se succèdent – en particulier une Lyne Morissette souriante, dont la passion est contagieuse et la limpidité lumineuse.

 

Enfin, le discours éthique souvent pénible par la pullulation d’images de pollution destructrice et défigurante, culpabilisant par les exemples accablants de surpêche indigne, voire anthropophobe par la multiplication d’accusations chiffrées contre l’homo predator, bénéficie lui aussi de ce profond enracinement dans la fascination de la beauté et la contemplation de la vérité. Certes, nous aurons droit aux excès alarmistes d’un Hubert Reeves qui présente comme certaine la sixième extinction, et à l’idéologie d’une juriste affirmant de manière incantatoire la nécessité de faire de la nature un sujet de droit (alors qu’il suffit d’affirmer que l’homme est sujet de devoirs, sans avoir besoin de céder à la vulgate latouro-descolienne et de concéder au non-humain un statut ontologique équivalent à l’humain). Mais relevons plutôt l’appel heureux à l’espérance (mentionnant en passant l’écopsychologue Joanna Macy que je regrette de ne pas avoir vu filmée), lui-même fondé de manière réaliste sur la puissante résilience d’un élément plutôt connu pour ses longues durées (une génération vraiment respectueuse de la transition écologique, nous dit-on de manière stimulante, suffirait à rénover l’océan).

 

Je suis sorti de ce documentaire, à la fois transporté et énergétisé : comment l’enracinement dans la longue mémoire d’une histoire pleine de sagesse et dans la profondeur de l’émerveillement qui ouvre à la hauteur de l’enthousiasme – « Vous, océans et rivières, bénissez le Seigneur, baleines et bêtes de la mer, bénissez le Seigneur » (Dn 3,78-79) –, n’ouvriraient-ils pas, en avant, sur la largeur généreusement responsable d’écogestes lestés d’espérance ?

Pascal Ide

L’océan a longtemps paru inaltérable et inépuisable. Mais l’impact des actions humaines sur la biodiversité et la température de l’écosystème océanique, qui est pourtant à l’origine de tous les autres, est alarmant. Dans L’Océan vu du cœur, Hubert Reeves, entouré de scientifiques, d’explorateurs, ou de simples pêcheurs, fait redécouvrir « sa résilience phénoménale » et ce qui le menace. Pour ce faire, ils mettent toute leur énergie à aider à sa régénération. Ils interrogent notamment la directrice scientifique du programme Saint-Laurent chez ÉcoMaris Lyne Morissette, le philosophe Frédéric Lenoir, les militantes écologistes Claire Nouvian et Sheila Watt-Cloutier, les biologistes Daniel Pauly, Gilles Bœuf et Christian Sardet, l’éthologue Jonathan Balcombe, la spécialiste des coraux Laetitia Hédouin, le plongeur photographe Mario Cyr.

[/vc_c

Les commentaires sont fermés.