Les copains
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Pays:
Français
Thème (s):
Amitié
Date de sortie:
15 janvier 1965
Durée:
1 heures 35 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Yves Robert
Acteurs:
Philippe Noiret, Pierre Mondy, Claude Rich
Age minimum:
Adultes

Les copains, comédie dramatique française en noir et blanc réalisée et coscénarisée par Yves Robert, 1965. Inspirée du roman éponyme de Jules Romains, sur une musique elle-même éponyme de Georges Brassens. Avec Philippe Noiret, Guy Bedos, Michael Lonsdale, Christian Marin, Pierre Mondy, Jacques Balutin et Claude Rich.

Thèmes

Amitié.

C’est l’histoire de la naissance, de la croissance et du sommet de l’amitié de sept camarades inséparables, amateurs de beuveries autant que de canulars, qui vont semer une pagaille monstre dans deux paisibles sous-préfectures françaises.

1) Une amitié désirable

De prime abord, il s’agit d’un superbe film sur l’amitié et l’amitié entre hommes. On retrouvera sans difficulté les trois critères aristotéliciens de l’amitié : bienveillance (quelle attention à chacun), réciprocité (chacun est apprécié et respecté pour ce qu’il est, ce qu’il peut apporter ; on ne supporte pas de prendre un verre si l’un manque), convivialité (combien de temps passé ensemble !). Mais plus encore, c’est la mise en œuvre subjective, le retentissement affectif intense qui est ici mis en scène. L’émerveillement des sept pour leur amitié est communicatif. Combien on se surprend à s’identifier à ces héros, à se projeter dans leurs rêves. On a envie de partager avec le bien nommé Bénin son bonheur : « Roudier, je porte en moi deux certitudes : 1. Je suis éternel ; 2. Je suis heureux. – La seconde est irréfutable, répond Roudier ».

Certes, on ne peut s’empêcher de penser que l’on ne rencontre une telle amitié qu’entre adolescents : le nombre élevé (sept) des amis rappelle la bande ; ces adultes dans leur corps sont des adolescents dans leur tête, à en juger par ces blagues de potache, ce besoin de rêver à un autre monde plutôt que de s’engager dans celui où ils vivent ; une relative faiblesse d’identité de ces individus pris isolément, qui fait songer aux réflexions de Hegel sur l’amour romantique dans ses Cours d’esthétique (Bénin ne trouve l’inspiration que lorsqu’il voit ses amis répartis dans l’assemblée) ; les difficultés et différences de caractère semblent illusoirement passées sous silence : la très réelle admiration réciproque qui les anime suffit-elle à supporter si longtemps un tempérament narcissique comme celui de Bénin, monomane obsédé du Concerto pour flûte et harpe de Mozart comme celui de Huchon, inapte à l’expression et systématiquement décalé comme celui de Martin ?

Mais ne boudons pas cette amitié intense que souligne la double esthétique d’un texte unique et des décors splendides. Ici se conjuguent unité, bonté et beauté, même si la vérité semble tarder à venir. Et puis, cette amitié idéalisée n’est-elle pas un avant-goût de la Communion des Saints, dans les Cieux toujours nouveaux : « Regardez cet horizon, explique Bénin qui ne dédaigne pas la grandiloquence, nous le renouvelons à chaque tournant. Nous devrions toujours regarder tout dans le prisme de notre amitié ». Plus encore, cette amitié est un mystère qui symbolise la Communion par excellence de la vie intratrinitaire : « Au fond, dit toujours Bénin, nous ne savons pas ce qu’est l’amitié ».

2) Une amitié anarchiste ?

Mais on perçoit aussi que cette amitié n’est pas dénuée de toute charge idéologique. Elle se pose en s’opposant à l’institution qu’elle cherche de toute manière à disqualifier. Cela commence par leur étonnante intervention au cinéma. Mais bien vite, les cibles choisies seront les institutions emblématiques sinon de notre époque, du moins de la France de jadis : l’armée, l’Église, la nation et l’histoire (derrière l’administration) ; le sabre et le goupillon (« Nous entendons monter les lamentations des généraux, des évêques et des corps constitués »). Or, le fruit est, dans les premier et troisième cas, l’émeute sinon la guerre et la débandade ; dans le troisième cas, la vibrionnante libération des pulsions printanières. C’est donc que les copains ne cherchent en rien à construire du durable, mais plutôt à miner l’Esprit objectif.

Pour autant, l’amitié et sa jubilation semblent constituer une motivation à part entière. Cette amitié est à l’image du champagne qui jaillit spontanément, par débordement ; à l’image de ces repas festifs qui ponctuent le film ; surtout à l’image de cette rubescence qui, partie du simple murmure d’une source, envahit la Seine, traverse tout Paris. Voilà pourquoi, s’exaltant, Bénin en arrive à faire de l’amitié humaine le substitut de l’amitié divine (« Personne n’a eu entre les mains les pouvoirs de Dieu le Père »). Et si c’en était le gage et la parabole ? Il est vrai que, se laissant gagner par le climat enchanteur, on en arrive à croire au pouvoir créateur de cette amitié, de cette solidarité que rien ne peut rompre.

Le message est clair : la seule force vraiment novatrice et béatifiante est l’amitié. Mais cette amitié est-elle créatrice à raison de son anarchie ? Voilà la question qu’il faut maintenant se poser.

3) Une amitié secrètement portée par la dynamique du don

Il serait court d’objecter à cette amitié, matrice de tous les rêves, qu’elle n’étouffe pas l’amour, le besoin de fonder une famille, etc. Car cela demeure extérieur à l’amitié et ne réfute en rien sa suprématie. La vie s’accomode souvent d’une telle dichotomie où l’homme vit d’amour avec son épouse et d’amitié avec ses amis masculins, non sans courir le risque de réduire l’amour au sentiment voire au physique.

En fait, cette vision anarchiste de l’amitié est réfutée de l’intérieur par le film. Elle ne tient pas. Pour au moins trois raisons.

D’abord, l’amitié ne naît pas n’importe comment. Il est intéressant qu’elle soit apparue progressivement, par adjonction des amis à partir d’un noyau central. Or, quel est-il ? Les deux membres les plus actifs : Bénin et Broudier.

Ensuite, l’amitié a besoin d’un principe d’ordre. Les amis ne forment pas une démocratie. Ils ne peuvent pas non plus se retrouver pour célébrer les bons moments passés. Ils ont besoin d’un moteur, donateur de projet, qui oriente les énergies.

Voire, ils ne peuvent pas se regrouper sans un élément fédérateur. S’ils ne veulent pas se retrouver à tourner en rond sous les arcades de la mairie d’Issoire où le milieu est nulle part, et être voués à ne jamais se rencontrer, un signal connu de tous les réunira : ici la flûte. Ainsi donc, deux principes d’unifications, efficient et final, veillent, à l’intime de l’amitié, pour en contredire les forces de dispersion, nées de la juxtaposition des personnalités.

Enfin, cette amitié se nourrit de projets. Elle a besoin de se regrouper autour de réalisations. Certes, ceux-ci adoptent la voie facile de la déconstruction (« Châtier un sot n’est rien. Traquer la sottise est autre chose. Agissons fort ».). Mais, au-delà, c’est la jubilation de se retrouver et se dépasser qui anime les amis. Sinon, pourquoi élire ce lieu symbolique d’une montagne dominant le monde ? L’amitié est dépassement de soi et non pas abandon dans la déliaison.

Est-ce un hasard si on peut relire dans ces trois raisons la dynamique ternaire du don ? L’amitié qui se croit le plus déliée de règles se soumet, de l’intérieur, à la logique la plus élevée. Car, à ce niveau, la liberté s’identifie au don.

Pascal Ide

Sept amis inséparables décident de prendre quelques jours de vacances pour mettre au point trois énormes canulars destinés à bafouer les corps constitués : l’armée, l’Église et l’administration. Ils jettent leur dévolu de manière presque arbitraire sur deux paisibles sous-préfectures du Puy-de-Dôme en Auvergne : Ambert et Issoire, car celles-ci les lorgnaient d’un mauvais œil sur une carte de France. Broudier (Pierre Mondy), déguisé en ministre, débarque à la caserne d’Ambert et fait déclencher une manœuvre nocturne. Le lendemain, Bénin (Philippe Noiret), habillé en révérend père et éminent théologien romain, prononce dans l’église d’Ambert un sermon contraire aux préceptes de l’Église, notamment en matière de sixième commandement, tandis que Lesueur (Jacques Balutin), un peu plus tard dans la journée, perturbe l’inauguration par le député d’une (fausse) statue de Vercingétorix à Issoire. Pour clore les vacances, les trois joyeux drilles et leurs quatre autres copains, Martin (Guy Bedos), Lamendin (Michael Lonsdale), Omer (Christian Marin) et Huchon (Claude Rich), décident de teindre en rose la source de la Seine…

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