Le sens de la fête
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Pays:
France
Date de sortie:
4 octobre 2017
Durée:
1 heures 57 minutes
Directeur:
Eric Toledano, Olivier Nakache
Acteurs:
Jean-Pierre Bacri, Jean-Paul Rouve, Gilles Lellouche

 

Le Sens de la fête, comédie française d’Éric Toledano et Olivier Nakache, 2017. Avec Jean-Pierre Bacri, Jean-Paul Rouve, Gilles Lellouche, Benjamin Lavernhe, Eye Haïdara.

Thèmes

Fête, espérance.

Drolatique, Le sens de la fête secoue heureusement nos zygomatiques avec ses personnages un rien fantomatiques. Cela n’empêche pas les réalisateurs à succès, réunis pour un sixième long métrage, de faire rimer, sans hic, le psychosociologique et l’éthique, voire d’effleurer le pneumatique.

 

De Plaute à Goscinny, en passant par Molière, les auteurs de comédie le savent : celle-ci se nourrit de types qui sont nos caricatures à peine appuyées, à peine dissimulées. Ici, une maîtrise scénarique qui force l’admiration permet d’en décrire en détail pas moins d’une quinzaine et la règle des trois unités de les suivre avec grande homogénéité : le gentil chef un rien sauveteur et un rien dépressif, qui multiplie les échecs, sentimentaux et professionnels, une sorte de Woody Allen français, les colères en plus, Max l’organisateur de festivités nuptiales ; l’hédoniste (autant goinfre que luxurieux), donneur de leçons et victimaire, Guy le photographe ; la battante à la limite du caractériel, l’assistante Adèle ; un loser catastrophe ignare (de la polysémie hilarante de « loup » ou de « flûte ») et irresponsable (auteur du gag le plus dramatique : le débranchage du congélateur), Samy, l’ami d’Adèle (Alban Ivanov) ; un autre loser grand format lui aussi engagé comme serveur, paresseux et amoureux, Julien, ex-collègue de la fiancée et beau-frère de Max (Vincent Macaigne) ; le narcissique hypercontrôlant, Pierre le fiancé ; un autre narcissique en miroir, séducteur incontrôlable, James le DJ ; une nymphomane hystérique, la mère du marié (Hélène Vincent) ; une mal-aimée vengeresse, Josiane l’organisatrice (Suzanne Clément) ; un harmonisateur mutique, paradoxal porte-parole des serveurs, Henri (Antoine Chappey) ; un ravi serviable autant que serveur, Nabil (Khereddine Ennasri) ; sans rien dire de la paire de serveurs tamouls qui commentent l’événement en voix off pour notre plus grande joie, le Laurel décalé et le Hardy suradapté, voire profiteur, Roshan (Manmathan Basky).

 

À partir de ce tableau typologique qui, par définition, est fixé – et sur fond encore plus figé de ce quasi-seizième personnage qu’est le splendide château du Grand-Siècle –, le duo gagnant Tolédano-Nakache décrit quelques évolutions bienvenues, croisant ainsi les deux axes, synchronique et diachronique, et faisant passer des mœurs à la morale, donc la comédie de mœurs dans le champ éthique. La plus évidente de ces transformations, mais aussi la plus politiquement correcte, donc la plus discutable, est celle qui conduit au terme à ce brassage de classes, de races et de générations, que la mariée décrit avec émotion comme « harmonie ». Cette recette lorgne trop vers la comédie à succès Intouchables pour véritablement toucher. Il en est de même des réconciliations entre chien et chat, entendez entre James et Adèle (dont le rapprochement évoque, ici sans doute involontairement, quoique symboliquement, une céleste chute…). Plus subtil, en revanche, est le chemin ébauché par le Pierrot lunaire qui s’écoute parler en bâillonnant sa fiancée et faisant bailler toute l’assemblée. En effet, il est assez amoureux de sa Belle, toute de délicatesse gracile et attentive, pour que la gratitude émerveillée de celle-ci (l’un des beaux moments du film) se transmette à son époux et lui arrache un « merci » bafouillé, mais sincère. Surtout, c’est le parcours du héros qui étonne et qui charme.

Il étonne, car l’on est en droit de se demander pourquoi, après avoir répété qu’il raccrochait son tablier, Max déclare au terme reprendre du service. Plusieurs raisons peuvent être avancées à ce surprenant retournement : la réussite inattendue de la fête (qui lui arrache le seul sourire, d’ailleurs hésitant, de ces 24 heures) ; la sortie de son marasme sentimental ; la détente, suite à la résolution, là encore des plus improbables, à la plus prévisible des catastrophes ; la générosité d’un chef de petite entreprise, certes usé, mais heureux du bonheur qu’il procure et satisfait de satisfaire aux besoins des petites mains en créant des emplois, même précaires. Mais on peut aussi objecter à chacune de ces raisons. Par exemple, pour l’issue hors de son échec matrimonial, il est possible de faire valoir que Max en demeure le témoin passif plus que l’initiateur actif.

Mais il y va peut-être d’une autre raison, qui, elle, fait le charme, voire ébauche une profondeur à cette comédie sans prétention. Une logique secrète anime tout le film – comme Intouchables –, qui n’est pas sans rappeler notre maître ès comédies, Francis Veber. Lorsque, après avoir assisté, impuissant, à l’échec massif de la fête et passé un savon mémorable à tous et chacun des membres de son équipe, Max se retrouve, écrasé de fatigue, seul et dans l’obscurité. C’est alors qu’il apprend que sa femme le quitte avec et pour un autre homme. À la peine professionnelle s’ajoute, par impossible, encore une autre peine, matrimoniale. Désormais, son esseulement est maximal. Or, c’est au moment où tout semble perdu que le salut se manifeste. C’est lorsque la nuit privée d’étoiles s’épaissit jusqu’à l’étouffer que pointe l’aube. C’est lorsque le désespoir l’étreint qu’une espérance jaillit. De la manière la plus imprédictible, le plus narcissique de ses compères, le photographe pique-assiette rejoint Max, cadeau d’anniversaire à la main, et lui offre la chaleur d’une compassion maladroite ; puis, il le conduit jusqu’à l’étourdissant spectacle improvisé avec générosité par des serveurs aux talents cachés.

On pourra lire dans ce retournement, que d’aucuns jugeront trop hollywoodien qui fait surgir de la désorganisation jusqu’à la catastrophe un ordre inattendu, l’incarnation de ce nouveau paradigme scientifique étendu à la totalité du réel : order from noise cf. fiche. Il est aussi possible de l’interpréter de manière plus onirique, comme la loi du conte de fées par excellence, Cendrillon : la métamorphose de la citrouille en carrosse, de la servante malmenée en princesse de rêve. Sans oublier que cette transformation est aussi la récompense apportée par la médiation de la fée-marraine à la vertu de sa filleule.

Ce qui ouvre à la dernière interprétation, la plus pneumatique. Pourquoi ne pas oser employer cet adjectif ? L’un des moments de grâce du film ne réside-t-il pas dans l’envol éthéré du marié béat ? Alors que tout semble prédire le pire, jusque dans l’excès du ridicule, la fièvre du samedi soir s’arrête, le temps se suspend dans cet envol,invités et serveurs tournent un visage rêveur vers les lieux supérieurs. Alors que tout prophétise la plus irréparable des catastrophes, la disparition ou, pire, la mort, d’un des deux époux, la fête atteint son sommet – du moins le pense-t-on : l’un des deux Tamouls donne à l’histoire son titre : « Les Français ont le sens de la fête » ? Alors que tout annonce un irréparable narcissisme, les amoureux, Adèle et James, se trouvent enfin, et surtout nous est offert le symbole même de la fête qu’est l’amour : la vie à laquelle chacun aspire, légère, heureuse – la communion à l’autre et l’incarnation avec les autres en plus.

Le film ne toucherait pas si le miracle final n’était qu’un moderne avatar du deus ex machina, le fruit d’un hasard heureux, mais incrédible. La loi selon laquelle, lorsque tout est perdu, tout peut être sauvé, n’a rien de mécanique : lorsqu’on touche le fond de la piscine, on ne peut plus que remonter ; mais encore faut-il donner un solide coup de pied dans la bonne direction. Au total, cette loi ne peut se comprendre qu’à condition que l’abaissement soit celui de l’humble amour. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24). Or, non seulement Max, malgré et à travers ses multiples limites, est un homme bon et donné, au service tant de ses employés que de ses invités, mais aussi son altruisme finit par être contagieux et réveille en révélant celui de ses employés. La fête finale qu’ils improvisent est d’abord une réponse, c’est-à-dire une gratitude, envers l’employeur qui a couru tous les risques en les embauchant. Voilà peut-être la raison, d’autant plus efficace qu’elle est cryptée, qui conduit Max à se décider d’organiser de nouvelles fêtes. Cette joie du don que nul ne pourra enlever (cf. Jn 16,22), tel est le sens de la fête, promesse et parabole de l’unique Fête qui ne passera pas.

 

Pascal Ide

Avec leur organisateur de mariage (Jean-Pierre Bacri), deux fiancés discutent pour la énième fois chaque détail de leur mariage, afin d’économiser quelques centimes d’euro. Max les écoute patiemment jusqu’au moment où, les fiancés l’ayant injustement accusé de manquer de compassion et de créativité, il leur propose de se priver de plat de résistance et de demander des guirlandes à sa petite nièce … Max est un peu sur les nerfs, d’autant qu’il prépare la fête du sublime mariage de Pierre (Benjamin Lavernhe) et Héléna (Judith Chemla) dans un château du xviie siècle. À peine arrivé sur place, le wedding planner (en bon français) doit séparer son adjointe, Adèle (Eye Haïdara) et l’animateur, James (Gilles Lellouche), qui s’attrapent vertement. Mais, alors que Max a tout organisé avec la longue expérience qui est la sienne, les ennuis ne font que commencer, qui vont toucher toutes les catégories du personnel, du photographe à la brigade de serveurs, en passant par l’orchestre et son amante, Josiane (Suzanne Clément), qui le provoque pour sa lenteur à se séparer de son épouse – sans compter le fiancé qui se mêle de tout gérer avec une raideur méprisante. Lorsque le plat de résistance s’avèrera frelaté à cause d’une énigmatique panne de la chambre frigorifique, chacun s’interrogera de savoir s’il est encore possible que cette fête si attendue ne se transforme pas en un chaos irrémédiable ?

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