Le Règne animal
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Pays:
Français
Date de sortie:
4 octobre 2023
Durée:
2 heures 8 minutes
Évaluation:
*
Directeur:
Thomas Cailley
Acteurs:
Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos
Age minimum:
Adolescents et adultes

Le règne animal, science-fiction français co-scénarisé et réalisé par Thomas Cailley, 2023. Avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos.

Thèmes

Différence homme-animal.

Le deuxième long métrage de Thomas Cailley peut se voir comme un drame familial, une fable sociale ou, davantage, un manifeste idéologique.

 

  1. Le règne animal raconte d’abord l’histoire dramatique d’un homme déchiré entre une épouse qui meurt lentement d’une mutation (plus que d’une maladie) mystérieuse et un adolescent en pleine révolte qui vit lui aussi cette transformation de tout son corps – donc qui se comprend encore moins que son père ne le comprend.

Le cinéma actuel, comme le rappelle notre critique contemporaine de The Pod Generation, nous a habitués à préférer le lien parental au point de sembler suspecter le lien romantique. Ici, alors que tout invite à une ébauche d’idylle amoureuse entre le sergent en manque et cet homme en détresse, le film donne à voir la figure émouvante d’un Romain Duris qui déploie toute sa belle énergie dans la fidélité à son épouse et la protection de son fils.

 

  1. Si le drame touche, notamment grâce à la sensibilité et l’éprouvante implication des deux acteurs principaux, la fable convainc moins. Non point parce qu’il serine un air un peu trop rabâché (celui de la tolérance d’autrui, de l’accueil de l’étranger, de l’exclusion de l’exclu) – car, en ce domaine, la pédagogie de la répétition, telle que la pratique le pape François, concrétise l’insistance de l’amour –, mais parce qu’il est manichéen, donc simpliste. Le long-métrage oppose, en effet, les méchants Français (militaires ou non) qui diabolisent les bestioles pour mieux les infernaliser (les tuer ou les parquer), aux gentils Norvégiens qui, eux, inventent une cohabitation paradisiaque (nous y reviendrons).

Quand est-ce que les donneurs de leçon découvriront que la nuance inculpabilisante est plus respectueuse et donc plus fructueuse que les indignations-condamnations ?

 

  1. Mais c’est surtout la charge animaliste qui est franchement irrecevable. Le succès auprès des critiques et des spectateurs atteste de manière inquiétante la percée du courant anti-spéciste. Pire. La mutation de l’homme en animal apparaît comme une possibilité tellement plausible que le film ne prend même pas la peine de nous expliquer son apparition. Il n’y va pas que d’une divergence d’opinion ou d’une alternative, mais d’une absurdité biologique.

Rappelons d’abord que, dans l’immense majorité des cas, les mutations sont délétères et engendrent des monstres non-viables. Or, nous voyons ici des formes qui, pour être en devenir, s’acheminent vers un achèvement.

Ensuite, les variations génétiques sont présentées comme des victoires. Les morceaux de bravoure sont soulignés par une musique triomphale correspondant à des performances animales, comme le vol de l’homme oiseau. Or, imagine-t-on la taille des ailes qui seraient aptes à soulever un corps de 80 kilos aux os beaucoup trop lourds, et le développement des muscles pour les activer – sans rien dire de la capacité respiratoire ?

Par ailleurs, les changements sont présentés comme des améliorations : François s’émerveille de ce que le loup que deviendra Émile atteindra les 60 km/h. En réalité, ces progressions sont des régressions, ces avantages se paient de pertes bien plus considérables, comme celle de la parole, donc, de la communication, donc de la communion. Faut-il rappeler que si l’être humain est le seul animal néoténique, c’est parce que son indétermination lui permet de devenir toutes les déterminations, autrement dit, parce qu’il est spécialisé dans la généralité ? Et que, s’il est vulnérable, c’est parce qu’il est omni-capable. Son visage est toute-expression, sa main tout-outil, son pied tout-terrain. Pour ne prendre qu’un exemple, une main est assurément moins puissante qu’une griffe, mais « outil d’outils » (Aristote), peut être prolongée par la puissance de tous les instruments.

Au mieux, on verra dans les mutations une alternative. Mais là encore, quelle ingénuité ! Un seul exemple suffira à l’attester. Nous surprenons Émile en train de manger de la viandre crue ou de lécher son sang. Passons le spectacle peu ragoûtant. Nous avons oublié le progrès décisif que fut, par la maîtrise et la conservation du feu, la transformation du cru en cuit. Économisant les longues heures consacrées à la mastication (au minimum 6 heures par jour), la cuisson permet à l’homme de les consacrer à des activités autrement plus élaborées.

Dénonçons encore deux autres erreurs majeures qui sont autant de blessures de l’intelligence. La première est le primat d’un imaginaire déconnecté du réel qui dégrade le potentiel en possibilité. D’un mot, la génétique est devenu, avec l’intelligence artificielle, le lieu de tous les possibles. Or, les virtualités biologiques sont autrement plus contraintes que celles du monde numérique ! Voilà pourquoi le film ose nous présenter ces chimères (au double sens du terme) que sont ces hommes-oiseau, -mammifères, et même -arthropodes. Pourtant, dans l’évolution, très rares sont les entités biologiques intermédiaires entre espèces ou genres, a fortiori entre embranchements. L’un des grands mystères de la macro-évolution ne réside-t-il pas dans ces sauts qualitatifs ?

La seconde cécité de l’entendement, là encore due à l’imagination mythique, réside dans la fable finale d’un paradis terrestre mettant en scène une coexistence pacifique entre les espèces les plus diverses. A-t-on oublié que le règne animal, qui est l’objet même du film, est structuré par ces chaînes trophiques où le supérieur dévore l’inférieur, non pas au nom de quelque violence déréglée, mais au nom du cycle de la vie ? Le haut de la cascade alimentaire lui-même mourra un jour et rendra à la terre, c’est-à-dire aux multiples micro-organismes eux-mêmes animaux, tout ce qu’il leur a indirectement pris par l’entremise des bêtes intermédiaires.

 

Le titre est thématique autant qu’idéologique. En unifiant-uniformisant, Le règne animal montre que son intention secrète réside dans une totale résorption du règne humain. En critiquant à juste titre un règne (humain) identifié à une domination violente, il en vient à lui substituer un règne (animal) qui est un autre royaume… Décidément, le film est avant tout un ingénu manifeste anti-spéciste.

Pascal Ide

Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François (Romain Duris) doit déménager dans le Sud de la France pour se rapprocher de sa femme Lana, touchée par ce mal mystérieux et envoyée dans un centre spécialisé. Sur place, lui et son fils Émile (Paul Kircher) doivent se réinventer dans un monde qui se peuple de créatures que les militaires, comme Julia (Adèle Exarchopoulos), appellent « bestioles » pour mieux les éliminer.

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