Le genou de Claire
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Pays:
Français
Année:
1970
Thème (s):
Amitié, Amour
Date de sortie:
15 novembre 1970
Durée:
1 heures 50 minutes
Directeur:
Eric Rohmer
Acteurs:
Jean-Claude Brialy, Laurence de Monaghan, Aurora

 

 

Le genou de Claire, drame français d’Éric Rohmer, 1970. Avec Jean-Claude Brialy, Laurence de Monaghan, Aurora.

Thèmes

Amour, amitié.

Cinquième des Contes moraux d’Éric Rohmer, Le genou de Claire narre le passage de l’amour-sentiment à l’amour-décision.

Jérôme (Jean-Claude Brialy), attaché culturel, doit se marier dans un mois avec une Suédoise prénommée Lucinde (que nous ne verrons pas). Comme préparation au mariage (!), il décide de retourner pendant cette période sur les lieux de son enfance, au bord du lac d’Annecy. Il y retrouve une amie roumaine, romancière, rencontrée voici six ans, Aurora qui loge chez Madame W… ; il croise aussi les deux filles de celle-ci, Laura et Claire (seize ans). La première tombe follement amoureuse de lui, mais sans réciproque ; en revanche, Jérôme est fasciné par la seconde (ou plutôt par son genou), alors que celle-ci, entichée de Gilles, un garçon de son âge, n’est nullement intéressée. L’amour de Jérôme pour Lucinde résistera-t-il à cette double épreuve ?

Jérôme célèbre l’amour-sentiment et l’amour-expérience. Conséquent, il se refuse à y injecter le moindre acte et la moindre obligation : « Si je l’épouse, explique-t-il à Aurora à propos de Lucinde, c’est que je sais par expérience que je peux vivre avec elle. Je constate un fait, et je ne me dicte aucune obligation. Une chose qui est un plaisir, j’aime la faire par plaisir ».

La relation à la première jeune fille, Laura, montre le danger, voire le cynisme d’une attitude dictée par le seul principe de plaisir. Jérôme n’est pas véritablement amoureux mais il va faire « comme si », il se pique au jeu. Sans éprouver de réel sentiment, il va l’embrasser, « pour voir », par « curiosité », ainsi qu’il le dit. Mais Laura se refuse à être aimée par jeu. Quand Jérôme veut l’embrasser une seconde fois, elle s’écarte vivement : « Non ! J’aimerais être amoureuse pour de bon, amoureuse d’un garçon qui m’aime et que j’aime ». Or, ce dandysme qui joue de l’amour vient de sa passivité : « ma volonté n’entre en rien » dans cette relation, constate Jérôme.

La passivité que Laura a subie, Jérôme va la subir à son tour avec Claire, et en souffrir. Très vite, Jérôme est physiquement attiré par la jeune fille. Mais celle-ci réserve d’autant plus sa « ferveur idolâtre » à Gilles qu’elle perçoit le besoin qu’a Jérôme d’exercer son pouvoir de séduction : « elle me « trouble » », avoue-t-il à Aurora. Et ce trouble passe par cette obsession incontrôlable pour le genou de Claire.

Or, avec ce trouble, une lumière s’immisce : « Elle trouble mon personnage et peut-être un peu moi-même ». La personne décolle du personnage. Jérôme constate pour la première fois que sa passivité de dandy le leurre. De plus, ce sentiment immaîtrisable est une épreuve d’incarnation et de vulnérabilité pour celui qui, à trois reprises, se dit trop âgé et trop spirituel pour être attiré par le corps.

Néanmoins la conscience ne suffit pas. La volonté est nécessaire. Cette obsession que Jérôme ne veut pas, il appartient à sa liberté de la conjurer.

Aurora a vite compris que, pour son ami, la seule manière d’exorciser le désir et de voir clair sur lui est d’entrer en contact avec le genou de Claire. Encore faut-il que ce geste soit accepté : « Une caresse doit être consentie ». Et Jérôme précise : « Si elle allait à moi, je t’ai déjà dit, je la refuserais. Toutefois, j’aimerais pouvoir la refuser par libre décision ». Il commence donc à accepter que la volonté fasse partie, au moins négativement, de la relation.

Arrive le moment décisif. Une suite inattendue de circonstances (espionnage involontaire de Gilles, besoin de Claire d’emprunter le canot de Jérôme, orage, effondrement en pleurs de la jeune fille lorsqu’elle apprend la possible trahison de Gilles) favorise la confrontation ; il demeure que c’est Jérôme qui l’a provoquée. Avec la même volonté, d’un geste net et décidé, il pose sa main sur le genou de Claire et l’ôtera, sans que la jeune fille n’ait rien dit ni même manifesté.

Le soir même, Jérôme commente longuement son geste à Aurora, dans ce qu’en langage scénariste on appelle un « tunnel ». Il en souligne la volonté. Pour toucher le genou, il lui a fallu « du courage, beaucoup de courage ». Plus encore : « Dans ma vie, je n’ai jamais fait quelque chose d’aussi héroïque, du moins d’aussi volontaire. C’est même la seule fois que j’ai accompli un acte de volonté pure ».

Or, outre la paix intérieure, ce geste engendre deux « résultats » qui « sont tout ce qu’il y a de plus moraux ». Tout d’abord, son désir s’est dissipé. Désormais libre, Jérôme n’a plus besoin de chercher à séduire les autres femmes. Ensuite, il émerge du narcissisme qui l’a centré sur lui-même durant tout ce mois (et sans doute sa vie passée) : « j’ai fait une « bonne action », et la conscience de cette bonne action a été partie constitutive de mon plaisir : je l’ai détachée de ce garçon pour toujours ». À quoi il faut ajouter un troisième effet, décisif (au sens le plus étymologique) : « Tout désormais sera pour Lucinde ».

La parole de vérité viendra de celle qu’il aime et qui l’aime d’amitié, Aurora : « Dans tout amour, il y a forcément une part de volonté ».

Pascal Ide

Jérôme, trente-cinq ans, attaché d’ambassade, se rend près d’Annecy pour vendre la propriété familiale. Il y retrouve une ancienne amie, Aurora, romancière qui lui présente son hôtesse, Mme Walter, dont la fille Laura est une jeune lycéenne de seize ans. Après son départ Laura clame qu’elle est amoureuse de Jérôme, mais ce dernier va se laisser séduire par son amie Claire, dont il admire les genoux. Avant-dernière partie des six Contes moraux.

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