Le Corniaud
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Pays:
Français, Italien
Thème (s):
Double bind, Mafia, Manipulateur, Triangle dramatique de Karpman, Triangle maléfique
Date de sortie:
24 mars 1965
Durée:
1 heures 50 minutes
Évaluation:
*****
Directeur:
Gérard Oury
Acteurs:
Louis de Funès, Bourvil, Jacques Ary
Age minimum:
Tout public

Le Corniaud, comédie franco-italienne de Gérard Oury, 1965. Avec Louis de Funès, Bourvil, Jacques Ary.

Thèmes

Mafia, double bind, manipulateur, TDK, TM.

L’on trouve une illustration amusante et caricaturale de double bind au terme du Corniaud, la comédie de Gérard Oury qui fut le plus gros succès du box-office français de l’année 1965, en même temps que la première collaboration (en rôles titres) de Bourvil et Louis de Funès.

 

Au terme de l’histoire, Louis de Funès, qui joue le rôle d’un patron mafieux, est enfin coffré par celui qu’il a plumé, Bourvil. Par une coïncidence que seuls les besoins du scénario peuvent expliquer, Funès se retrouve, menotté, assis à côté de Bourvil dans le troisième acteur du film, la Cadillac dont le klaxon recelait le fameux Youkounkoun.

Le manipulateur se penche avec un air entendu vers Bourvil qui, après être devenu redoutablement intelligent (« Je ne suis pas si kounkoun que cela, finalement ! »), le temps de piéger son bourreau, redevient le « corniaud », c’est-à-dire la victime rêvée. Funès explique à Bourvil que celui-ci va désormais empocher l’assurance pour le Youkounkoun et gagner un pactole plus que conséquent de cent millions de francs. Or, Funès a un nouveau plan pour faire fructifier cet argent. Toutefois, avant de le proposer, le prédateur doit s’assurer de la fiabilité de sa prochaine proie : « Vous me faites confiance ? », lui demande-t-il. L’émule de François Pignon, pas totalement amnésique ni candide, opine, dubitatif. Funès réitère sa demande ; même réponse incertaine. Alors, Funès, superbe, montre ses menottes et répète sa question en finissant sa phrase de manière ascendante, comme si la réponse affirmative ne laissait aucun doute : « Vous me faites confiance ? », emportant paradoxalement l’adhésion de Bourvil. Alors, il révèle son plan tandis que le zoom arrière éloigne les deux protagonistes à nouveau complices et que le générique final les efface.

 

Sur mode humoristique, le manipulateur sans scrupule joué par Louis de Funès offre un exemple magistral et audacieux de double bind. L’on doit au psychologue américain, fondateur de l’école de Palo-Alto (ville située au sud du golfe de San Francisco), avec Jay Haley, John Weakland et Don Jackson, d’avoir découvert, au début des années 1950, ce mécanisme psychologique, aussi efficace que toxique (voire origine de nombreuses maladies mentales) [1]. Littéralement, l’expression signifie « double lien » ou « double contrainte ». Il s’agit d’un double message contemporain et pourtant contradictoire : le premier affirme A et le second son opposé. Ce peut être une contradiction dans la formulation même : « Je suis très content de votre travail. C’est pour cela que je vous licencie ».

Ici, au plan verbal, Funès demande la confiance, alors que le geste atteste qu’il n’est absolument pas digne de foi. Certes, l’effet attendu est d’abord comique. Mais, chez un esprit simple, autrement dit un « corniaud », la confusion ainsi créée par le paradoxe est tellement grande que la tension primitive pourrait se retourner en son contraire et conduire à l’adhésion. Le succès serait alors proportionnel à la contradiction performative.

Pascal Ide

[1] Cf. Gregory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, trad. Ferial Drosso et al., coll. « Point Essai », Paris, Seuil, tome 2, 2008 ; Jean-Jacques Wittezaele (éd.), La double contrainte. L’héritage des paradoxes de Bateson, Bruxelles, De Boeck Université, 2008.

Saroyan, un trafiquant, utilise un honnête commerçant, répondant au nom d’Antoine Maréchal, pour emmener de Naples à Bordeaux une Cadillac remplie d’héroïne.

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