Je verrai toujours vos visages
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Pays:
Français
Thème (s):
Amour, Justice restaurative ou réparatrice
Date de sortie:
29 mars 2023
Durée:
1 heures 58 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Jeanne Herry
Acteurs:
Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti
Age minimum:
Adolescents et adultes

Je verrai toujours vos visages, drame français de Jeanne Herry, 2023. Avec Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Élodie Bouchez, Suliane Brahim, Gilles Lellouche, Miou-Miou, Jean-Pierre Darroussin, Denis Podalydès, Fred Testot, Birane Ba.

Thèmes

Justice restaurative ou réparatrice, Amour.

Comment, en cette semaine pascale, ne pas chanter les louanges d’un film qui parle de cette promesse de réparation, voire de pardon, donc, de résurrection qu’est la justice restaurative ?

 

La transformation la moins étonnante n’est pas la moins heureuse : celle des délinquants qui ont été condamnés et sont actuellement incarcérés. Pire que la prison physique qui les retient et les détient, est la prison de l’évasion (Thomas, le « Mozart de la drogue », qui ne sait s’il aura la persévérance de s’en affranchir), du mensonge (Issa qui ne cesse de minimiser et de se victimiser) ou du désespoir (Nassim qui, libéré, craint fort de ne pas retrouver un travail et donc de succomber à la tentation de la récidive).

 

Une métamorphose plus inattendue est celle des victimes qui, précisons-le face au cadre habituel de la justice restaurative, ne sont pas confrontées aux auteurs d’infractions. Elles sont partagées entre la peur et la colère. Or, nous les verrons avancer vers une parole, une liberté et une ouverture qui, loin d’être seulement affective, sera aussi effective (Sabine, qui fut victime d’un vol à l’arraché, sortira de nouveau de chez elle), loin d’être seulement égocentrée, sera altruiste (Grégoire, qui fut victime d’un homejacking, consentira à donner ses coordonnées à Nassim), loin d’être unilatérale, sera réciproque (Nawelle, qui a été agressée dans une supérette et est devenue phobique, incapable de sortir de chez elle par peur d’être à nouveau agressée par les voleurs, apprendra par un des détenus qu’il regrette et que, lui aussi, après avoir commis un vol, était dévoré de la peur d’être pris).

 

Mais le plus surprenant est peut-être le chemin des médiateurs eux-mêmes qui, loin d’être surplombants, sont tout aussi pris dans le processus systémique de transformation. Deux scènes le montrent. Au tout début, alors que nous assistons à une scène de justice réparatrice plutôt intrusive, nous découvrons avec soulagement qu’il s’agit d’une mise en scène, c’est-à-dire d’un jeu de rôles visant à entraîner les futurs écoutants. Donc, eux aussi devront changer et devenir vertueux en pratiquant ce que, dans une parole inclusive, donc significative, ils appellent un « sport de combat », pour la vérité, mais aussi pour le pardon. Vers la fin, un échange entre le formateur des formateurs, Paul, et l’une des médiatrices, Judith, est tout aussi intructif. Alors que celui-là prône la prudence dans la pratique de cette forme de justice, afin d’éviter d’en compromettre la fragile introduction en France (attention de ne pas revictimiser les victimes et ainsi de doubler leur peine), cellle-ci lui rétorque que le sort des personnes compte plus que le devenir d’une réalité générale. Or, l’amour est l’acte par excellence de la personne [1]. La réponse de Judith atteste ainsi que c’est bien l’amour l’âme secrète de cette justice qui va au-delà de la justice.

 

Il ne s’agit pas d’absolutiser cette approche ni de canoniser les personnes qui la mettent en œuvre. Ainsi, Grégoire affirme qu’il ne pardonnera jamais aux braqueurs qui ont posé un pistolet armé sur la tête de son enfant. De même, Nassim qui, fraîchement libéré, arrive en retard au rendez-vous final, insulte copieusement les autres conducteurs qui n’y peuvent mais.

Il demeure que ce film qui est un quasi-documentaire, nous donne d’assister, plus, de participer à une émouvante métamorphose, un passage de la violence à l’amour, de la mort à la vie. Bref, à une parabole de la résurrection.

Un signe touchant. Le film parle beaucoup de nourriture et en montre encore davantage au cours de divers repas où cet humble don de l’aliment fait circuler la parole et briller les visages. Or, c’est autour d’un repas que, pour la première et seule fois, il a préparé, le Ressucité rassemble ses disciples (cf. Jn 21). Et c’était pendant une noce où il avait été invité qu’il les réunit pour la première fois (cf. Jn 2) ?

 

La résurrection est l’anti-répétition (cf. homélie de Pâques 2023). Or, à la question angoissée d’une des victimes : « Allez-vous recommencer ? », l’un des détenus répond : « Non, car je verrai toujours vos visages ». L’une des toutes dernières paroles de la Bible n’est-elle pas : « Dieu fera toutes choses nouvelles » (Ap 21,5) ?

Pascal Ide

[1] « Le don, c’est la personne qui aime. Le don, c’est l’amour personnel » ; « L’amour, c’est la personne qui se donne. L’amour, c’est un don personnel » ; « La personne, c’est l’amour qui se donne. La personne, c’est un don aimant » Alain Mattheeuws, Les « dons » du mariage. Recherche de théologie morale et sacramentelle, coll. « Ouvertures » n° 19, Bruxelles, Culture et vérité, 1996, p. 613, 617 et 618. Souligné dans le texte. Si cette circulation atteste heureusement la coextensivité des concepts, elle n’assigne pas assez clairement la distinction des contenus. Mais peu importe pour notre propos.

Depuis 2014, en France, la Justice restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles. Ici, nous retrouvons dans la salle d’une prison, en cercle, trois condamnés pour vols avec violence, Nassim (Dali Benssalah), Issa (Birane Ba) et Thomas (Fred Testot), trois victimes de ces vols, l’une de homejacking, Grégoire (Gilles Lellouche), l’autre de braquage, Nawelle (Leïla Bekhti), la troisième d’un vol à l’arraché, Sabine (Miou-Miou), et enfin, deux médiateurs, Michel (Jean-Pierre Darroussin) et Judith (Élodie Bouchez), supervisés par Paul (Denis Podalydès). Hors antenne, nous suivons Chloé Delarme (Adèle Exarchopoulos), victime de viols incestueux de la part de son frère Benjamin (Raphaël Quenard). Jusqu’où iront-ils sur ce chemin de réparation ?

Fanny (Suliane Brahim)

Anne Benoît : Yvette Sébastien Houbani : Mehdi Catherine Arditi : la grand-mère de Chloé

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