Fall, survival américano-britannique de Scott Mann, 2022. Avec Grace Caroline Currey, Virginia Gardner, Mason Gooding.
Thèmes
Vertige, deuil.
La promesse faite par la première partie de Fall n’est pas tenue par la seconde.
- Double est la promesse contenue dans le début du récit.
- La première concentre l’essence même de ce survival original. En effet, la majorité des films appartenant à ce genre est claustrophobe, qu’ils se déroulent dans un milieu artificiel (que l’on pourrait classer selon leur degré d’étroitesse, la palme devant être décernée au cercueil – où des scénarios astucieux ont réussi à enfermer le protagoniste, et les spectateurs, toute la durée d’un long-métrage !), ou naturel (comme la forêt sans issue du film d’Ishana Shyamalan, Les Guetteurs, 2024).
Or, qui l’aurait imaginé ?, Fall se déroule dans un environnement si ouvert qu’il en donne le plus nauséeux des vertiges et nous rendrait agoraphobes. Précisons comment, parce que, sur ce point, la première partie du film est particulièrement réussie, attestant que ce n’est pas le petit budget qui fabrique nécessairement le petit scénario. Triple est la cause du vertige. La première est la fluidité de l’image qui alterne plans larges et plans rapprochés, statiques et dynamiques, latéraux, ascendants et surtout descendats (contredisant la juste consigne de tous ceux dont les jambes se spaghettisent quand ils grimpent sur un tabouret : « Regarde en haut ! »). La deuxième est la multiplication des anticipations, type Final Destination (la série de 6 films), qui atteste la vulnérabilité catastrophique de cet édifice brinquebalant qui promet la rupture fatale, mais ne permet pas d’en pronostiquer le moment précis. La troisième dont nous verrons qu’elle est la plus décisive est subjective : les informations objectivement anxiogènes ne nous impacteraient pas si elles n’étaient intériorisées par une héroïne encore plus fragile que l’antenne depuis la perte traumatique de son époux.
De fait, la caméra est si efficace, les plans si habilement découpés, la crainte si expressivement montrée que, alors que je regardais ce film sur le petit écran de mon ordinateur, j’ai plus d’une fois détourné les yeux et accéléré le déroulé, tant je m’identifiais empathiquement à l’héroïne.
- L’autre promesse est psycho-éthique. Aujourd’hui, un survival ne se réduit plus au seul défi physique, mais se doit de comporter un enjeu intérieur. Cette nouveauté atteste l’enrichissement anthropologique significatif d’une époque qui ne peut plus se satisfaire du seul premier ordre de Pascal, les corps, mais confond plus souvent qu’avant le deuxième, l’esprit, avec le troisième, la charité. Or, ici, triple est le nœud dramatique. Le principal qui est aussi le plus évident réside dans le deuil de son mari que l’héroïne continue à retarder après presque une année. Le deuxième, qui est second sans être secondaire, est la conséquence de ce déni : il s’agit de l’ajustement de Becky avec son père. Le troisième n’apparaîtra qu’en cours d’histoire : la bonne amie qui ne semblait être que la médiatrice medicatrix de cette thérapie de choc, s’avèrera être en fait une rivale, pire encore, la traîtresse et donc l’adversaire. De fait, l’on peut distinguer les types de survival en fonction du nombre de protagonistes, soit superficiellement en trois – certains se déroulent en solo, d’autres en duo, d’autres enfin en groupe (l’exemple type étant la franchise des Cube ou des Escape game) – soit, plus profondément, en deux, selon que les participants sont amis ou ennemis.
- Malheureusement, aucune de ces promesses n’est tenue.
- Paradoxalement, le film de survie annule presque toute panique liée au vertige lorsque les jeunes femmes se trouvent confiné sur cette plateforme « grande comme une pizza », tant elles se rient du vide, jouent jusqu’à l’inconscience des 600 mètres de hauteur sous elles. La caméra virtuose a beau virevolter dans toutes les directions, Fall ne mérite plus son nom : il n’éveille plus d’émotion – ce qui montre à quel point le vécu subjectif de l’angoisse est infiniment plus déterminant que la monstration objective de sa cause.
Il reste alors au scénario à multiplier les essais et les échecs pour échapper à cette situation apparemment sans issue. Et il faut reconnaître que l’ingéniosité des deux amies système D n’a rien à envier à MacGyver. Mais, soyons bien clair, nous changeons alors radicalement de genre filmique, passant du survival au thriller. Ce que nous gagnons en raison (débrouillardise et même inventivité), nous le perdons en passion (agoraphobie). D’ailleurs, est-il crédible qu’aussi éprouvée physiquement (déshydratation, froid, vent, insomnie, blessure, agression des vautours), elles puissent demeurer aussi longtemps lucides et créatives ?
- Aussi déçues sont les attentes intérieures. En apprenant que son héros est un salaud, son sauveur un bourreau, son meilleur ami celui qui la trahit avec sa meilleure amie, l’héroïne voit le deuil se dissoudre d’un coup et se transformer dans un processus encore plus long et plus malaisé à traverser, mais dont il n’est rien dit : celui qui conduit au pardon. Par ailleurs, la relation avec Shiloh, la grande amie qui devient la pire ennemie, n’est pas mieux traitée : en injectant le plus téléphoné des twists, l’hallucination, et la plus anticipable des fins, son décès, le scénario cède à la plus insupportable des facilités. Enfin, le père est aussi gentil qu’inefficace – ce qui, avec l’époux adultère, ne va guère contribuer à revaloriser l’image masculine.
Pascal Ide
Becky Connor (Grace Caroline Currey), son époux Dan (Mason Gooding) et leur amie commune Shiloh Hunter (Virginia Gardner) escaladent une paroi rocheuse très dangereuse. Mais après avoir été surpris par un animal, Dan chute et est tué.
Près d’un an plus tard, Becky est toujours traumatisée par la mort de son mari. Elle ne voit plus personne et a totalement sombré, au grand désespoir de son père, James (Jeffrey Dean Morgan). Ce dernier fait alors appel à Hunter pour tenter de remotiver sa fille. La jeune femme, qui est entre-temps devenue une célèbre vidéaste web, lui propose d’escalader la B67, une ancienne tour de transmission, haute de plus de 600 mètres et aujourd’hui désaffectée (qui n’existe pas). Situé en plein désert, l’édifice est sur le point d’être démonté. Tout d’abord reticente, Becky finit par accepter.
Après l’ascension jusqu’au sommet, Becky disperse les cendres de Dan. Juste après ce moment d’émotion, les deux amies amorcent leur descente. Mais l’échelle métallique menant au sommet, toute rouillée, cède alors que Becky est dessus. Les deux jeunes femmes ne peuvent alors plus accéder à l’étage inférieur. Elles se retrouvent donc coincées en haut de la tour, sous un soleil écrasant, alors que leur sac, contenant les bouteilles d’eau, est tombé un peu plus bas. Par ailleurs, leurs téléphones ne captent pas en raison d’interférences électromagnétiques provoquées par l’antenne. De plus, Becky s’est blessée à la jambe lors de sa chute.
À la nuit tombée, elles tentent sans succès de prévenir les secours avec une fusée de détresse. En regardant une vidéo de son mariage sur son téléphone et en voyant un tatouage sur Hunter, Becky comprend que son amie était elle aussi amoureuse de Dan. Elle finit par lui avouer qu’ils ont eu une liaison pendant quatre mois.
Le lendemain, alors que Becky est au sommet, Hunter tente de descendre pour récupérer le sac. Elle y parvient, mais voit que l’échelle a été arrachée jusqu’en bas de l’étage intermédiaire. Avec la seule corde qu’il leur reste, Becky essaie de hisser Hunter jusqu’au sommet mais celle-ci glisse et se brûle fortement les mains. Le second essai est plus concluant. Dans le sac, elles trouvent de l’eau ainsi que le drone de Hunter. Elles décident de l’utiliser pour porter un message au motel proche de la tour. Mais l’appareil n’a plus beaucoup de batterie.
Les deux jeunes femmes passent leur deuxième nuit sur la tour. Au lever du jour, Becky tente de recharger le drone avec l’ampoule de signalisation située juste au dessus de la plateforme sur laquelle elles ont trouvé refuge. La batterie se remplit très lentement. Alors que Becky peine à rester au sommet pendant la charge, elle est attaquée par un vautour, attiré par sa jambe blessée. Elles décident ensuite d’attendre le bon moment pour envoyer le drone près du motel situé à quelques centaines de mètres de la tour. Mais l’appareil est heurté par un camion juste avant d’atteindre la « cible ». Alors qu’un orage arrive, Becky est de plus désespérée surtout quand elle comprend que son amie est morte depuis sa chute pour récupérer le sac et qu’elle hallucinait depuis ce temps. Au plus mal, Becky enregistre un message d’adieu pour son père alors que l’orage se rapproche.
Le lendemain, alors qu’elle dort, un vautour l’attaque. Becky parvient avec mal à le neutraliser. Affamée et désespérée, elle décide d’en manger un peu pour reprendre des forces. Elle parvient ensuite à atteindre le niveau inférieur où se trouve le corps de Hunter. Elle l’utilise pour amortir le choc et faire tomber son téléphone jusqu’en bas pour qu’il parvienne à envoyer un message.
James, le père de Becky, arrive précipitamment sur les lieux avec sa voiture. Les secours sont déjà là et il voit un corps au sol. Il croit que c’est celui de sa fille. Mais celle-ci l’appelle et le prend dans ses bras. Ils repartent ensemble.