Est-Ouest
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Pays:
Franco-bulgare, russe, ukrainien, espagnol
Année:
1999
Thème (s):
Amour, Don
Date de sortie:
1 septembre1999
Durée:
2 heures 0 minutes
Directeur:
Régis Wargnier
Acteurs:
Sandrine Bonnaire, Oleg Menchikov, Catherine Deneuve

 

 

Est-Ouest, drame Franco-bulgare, russe, ukrainien, espagnol de Régis Wargnier, 1999. Avec Sandrine Bonnaire, Oleg Menchikov, Catherine Deneuve.

Thèmes

Amour, don.

Pour terminer (mais non pour achever) ce thème inépuisable de l’amour au cinéma, je ferai appel à un des plus célèbres (et des plus beaux) films français d’amour de ces dernières années, Est-Ouest. Il reprend et dépasse bien des thèmes abordés.

En juin 1946, Staline offre l’amnistie aux Russes émigrés à l’Ouest. Parmi ceux-ci, le Docteur Alexei Golovine (Oleg Menchikov), sa femme Marie (Sandrine Bonnaire) et leur fils Serioja. Dès leur arrivée a Odessa, leurs compagnons, considérés comme traîtres à la patrie, sont exécutés ou déportés. En revanche, la famille Golovine est épargnée à cause du parti que les autorités pensent tirer du jeune médecin. Commence pour le couple une vie d’indigence et de souffrance, notamment la promiscuité avec un homme, Sacha, et une femme, Olga, qui va le mettre gravement en danger. Résistera-t-il ?

L’amour d’Alexei et de Marie présentent bien des traits de l’amour romantique : la passion jusqu’à la fusion (« Nous deux ensemble, seuls au monde »), la radicalité (le premier mot d’Alexei est un hommage vibrant à son épouse : « Tu as quitté ta famille, tes amis, ton pays sans hésiter. Pour cela je t’aime »), le sans limite (« Je t’aime, Marie, lui dit Alexei à son retour après six ans de camp de travail. – Non, c’est fini. – Non, ce ne sera jamais fini ») – le tout sur fond de tragédie, ici politique, qui, depuis Autant en emporte le vent et Le Docteur Jivago jusqu’à Titanic, dramatise le récit et lui octroie une résonance universelle.

Mais s’arrêter là passerait à côté de la plus grande originalité du film. Faut-il le rappeler, presque toutes les grandes histoires d’amour en Occident, depuis Tristant et Iseult jusqu’à Belle du Seigneur, se déroulent hors institution, hors fécondité, hors temps et hors changement (l’histoire s’achève toujours précocément par la mort de l’un ou des deux amants) ? Or, le film de Régis Warnier met en scène l’amour fou d’un couple marié (Alexei résistera toujours aux propositions et aux tentations multipliées de divorce offertes par le régime, comme Marie à celles de Sacha), ayant un enfant (fruit, témoin et médiateur de leur amour) et résistant aux pires épreuves sur une durée de 41 ans. Non sans des métamorphoses profondes, car la fidélité est créatrice, non pas momificatrice.

Très vite, en arrivant en Russie, Marie et Alexeïev vont entrer dans des logiques de plus en plus incommunicables. Avec la « ténacité » qui la caractérise, la jeune femme cherche la liberté, i.e. le retour en France, sans rien transiger, jusqu’à risquer sa vie et celle des siens. Avec son sens relationnel, Alexei multiplie les démarches diplomatiques, jusqu’à paraître se compromettre dans le mensonge. Ces voies divergentes les conduiront chacun vers un adultère sans amour et sans lendemain. Arrive la scène, splendide, de la réconciliation. On pourrait s’inquiéter de ce qu’elle ne s’accompagne d’aucun aveu ni de regret formulé. D’abord, il y a des sentiments et des gestes qui disent plus que bien des mots : d’un côté, le visage en pleurs de Marie, de l’autre, Alexei qui, dans un superbe effacement laissant toute sa place à sa femme, enfouit son visage dans le creux de son épaule et esquisse un merveilleux sourire. Ensuite, la scène n’est pas sans paroles. Elle les emprunte à un grand classique de l’amour romantique qui a connu l’adultère, Madame Bovary, et le passage lu exprime l’insondable béatitude d’être réuni, seuls au monde, comme cette datcha perdue dans les glaces : le génie de la littérature est de permettre au plus universel de rejoindre le plus singulier et d’en exprimer le cœur ; en communiant à la culture de son épouse, Alexei non seulement manifeste son plein retour vers elle, mais efface le pénible souvenir de leur enfant pris en ôtage entre un père exigeant qu’il parle russe et sa mère le français.

En réépousant en quelque sorte Alexeïev, Marie semble en épouser la prudence. Mais Sacha va réveiller en elle ses aspirations à la liberté. Elles la conduiront à un camp de travail dont elle sortira exsangue. Désormais, Marie renonce à ses projets insensés et, par amour, consent à entrer dans une communion en profondeur ; la réconciliation sera ici scellée dans un autre geste au-delà de tout mot, une superbe valse.

Mais, maintenant, c’est Alexei qui travaille activement quoique secrètement à la libération de Marie. Lui aussi a progressivement renoncé à sa logique propre pour rechercher le bien de l’autre. Le prix à payer, il le sait, est une probable séparation pour toujours de celle à qui il tient le plus au monde. Splendide scène finale où un travelling arrière précède Alexei encadré des deux soldats : le regard embué exprime d’abord l’infinie tristesse de la rupture ; puis, les toutes dernières secondes, ses yeux se déportent en bas à gauche (le passé) ; enfin, son visage s’empourpre et un sourire merveilleux l’ensoleille : ayant fait mémoire de l’alliance parfois interrompue mais jamais rompue avec sa femme, Alexei sait qu’il la reverra : « Je vous rejoindrai ; je te le promets ». Il devra attendre trente ans.

Offusquant (ou plutôt intégrant le meilleur de) la conception romantique, l’amour de Marie et Alexeïev rejoint, sans nul didactisme, l’agapè évangélique : l’affection mutuelle, le renoncement à soi, le don de soi jusqu’au pardon, et même jusqu’à la substitution. Alexei n’a pas seulement sauvé sa femme et leur enfant, il s’est substitué à eux. N’est-ce pas ainsi que Jésus nous a aimés : « Voici mon corps livré pour vous » ?

Pascal Ide

Quand, en juin 1946, Staline offre l’amnistie aux Russes émigrés a l’ouest et la possibilité de reconstruire le pays, Alexei Golovine, émigré en France, répond avec beaucoup d’autres à cet appel et décide de rejoindre avec sa jeune épouse francaise, Marie, et son fils Serioja sa terre natale. Dès leur arrivée a Odessa, ils font face a une terrible réalité. Beaucoup de leurs compagnons sont exécutés ou déportés. Alexei et sa famille ont leur vie sauve parce que les autorités ont compris le parti qu’elles pouvaient tirer de ce jeune médecin.

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