Designated survivor (Saison 1)
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Thème (s):
Vertu
Directeur:
David Guggenheim, Amy Harris
Acteurs:
Kiefer SUTHERLAND, Natasha MCELHONE, Adam Canto, Italia RICCI

 

 

Designated Survivor, série télévisée américaine, de Amy Harris et Jeff Melvoin, 2016 s. Deux saisons. Avec Kiefer Sutherland, Natascha McElhone.

Thèmes

Vertus cardinales.

La série à succès, entre drame politique et thriller, Designated Survivor, dont je n’ai visionné que la première saison, réjouit sans arrière-pensée, mais peut-être pas sans ingénuité.

 

  1. Le contentement éprouvé est le signe d’un bien présent, affirme saint Thomas. Lequel ou plutôt lesquels ?

Sans doute celui d’une action rondement menée, entre stress (intrigue à multiples rebondissements) et tresse (nombreux fils astucieusement tissés), d’un casting plutôt réussi (au premier rang desquels celui du couple présidentiel), de la reconstitution de la Maison Blanche, etc.

Au-delà de ces plaisirs esthétiques, la joie ressentie est surtout éthique.

Éthique singulière (monastique, aurait dit Aristote à partir du grec monos, « seul ») des vertus pratiquées. Et comment ne pas décliner une nouvelle fois (cf. ) les quatre vertus que l’on qualifie de cardinales et que l’on pourrait rendre par l’adjectif axiales (car elles sont le « gond », cardo en latin, autour duquel tourne la vie). Exercées de concert par les différents protagonistes, elles le sont à un haut degré d’excellence et donc d’exemplarité par le chef de gouvernement : la prudence, c’est-à-dire le sens de l’initiative et des responsabilités (en tant que chef d’État-major, Tom décide seul d’envoyer, après concertation et hésitation, ses soldats combattre au Maroc ; en tant que Président, il annonce lui-même le décès du Vice-Président, et s’expose contre l’avis de son porte-parole) ; la justice, c’est-à-dire l’obéissance à la loi (Tom oganise sa vie, y compris sa convalescence, prioritairement en fonction du service du bien immanent ultime qu’est le bien commun de son pays ; il collabore avec la sénatrice Kimble Hookstraken [Virginia Madsen] qui, survivante désignée du Congrès est donc la seule personne du précédent parlement américain) ; le courage, c’est-à-dire la stabilité dans le bien et le surmontement durable de la peur (Tom affronte lui-même la foule, sur les ruines du Capitole et persévère malgré un échec cuisant avec les Russes) ; la tempérance (un Président non seulement fidèle, mais heureux en amour, contredit le prétendu axiome du sexus politicus selon lequel la corruption croît avec le pouvoir).

Éthique familiale (économique, aurait aussi dit Aristote, à partir du grec oïkos, « maison »). Comment, là aussi, ne pas se réjouir d’une famille aimante, unie et joyeuse, avec une petite fille qui comble son papa de bisous et de dessins, un adolescent assez rebelle et pudique pour être crédible, et une femme assez indépendante pour pouvoir aider son mari de ses compétences juridiques ? Mais il y a plus. Tom sait hiérarchiser les biens, personnel, familial et politique. D’un côté, malgré son besoin de la présence affectueuse de ses enfants et de l’empathie pleine de confiance de son épouse, il consent à leur éloignement pour leur protection ; de l’autre, il apprend à taire des secrets pour lesquels Alex n’est pas habilitée. Inversement, il est heureux que Jason Atwood ressente de la culpabilité pour l’imprudence et l’injustice qui lui ont fait préférer le bien de sa famille à celui de son pays, lorsque son fils est enlevé. Alors qu’aujourd’hui, films (et séries télévisées) valorisent le plus souvent la motivation familiale et privée au point de dénier-dénigrer le bien commun politique, Designated Survivor ose à nouveau montrer que le bien plus universel du pays puisse parfois légitimer le sacrifice du bien particulier qu’est celui de la famille – ce qui ne signifie en rien, par exemple, une transgression de la fidélité et suppose que, en amont, la décision de la carrière politique ait été prise en couple sinon même en famille.

Éthique politique. Il vient d’en être question, mais il vaut la peine de préciser. Le Français pourra être agacé par les épilogues où il entend répété : « Notre pays est une grande nation », voire « le plus puissant pays du monde ». Le concile Vatican II parlait d’un « amour désordonné de soi » (Gaudium et spes, n. 37, § 4). De même que l’on doit distinguer entre juste estime de soi et égoïsme, voire narcissisme, de même doit-on opposer la vertu de patriotisme et le vice du nationalisme. D’ailleurs le même document conciliaire demande « que les citoyens cultivent avec magnanimité et loyauté l’amour de la patrie » (ibid., n. 76, § 4). Ou plutôt, comme toute vertu morale (la piété patriotique est une vertu annexe à la justice) est un juste milieu entre excès et défaut, le nationalisme qui est la caricature grimaçante du patriotisme en est aussi éloigné que la haine nationale sous toutes ses formes (l’internationalisme mondialiste ou autre, l’autoflagellation culpabilisée, etc.). Par ailleurs, selon la catégorisation de Carl Schmitt (cf. Hostiles), le politique ne va pas sans le couple ami-ennemi (celui-ci étant entendu au sens politique d’hostis, « adversaire » à combattre, et non pas au sens éthique de nemicus, méchant haïssable). De fait, la série désigne clairement l’autre à dominer et, si l’on peut craindre un moment une diabolisation unilatérale de l’islamisme et de ses complicités politiques, elle rassure en montrant que la distinction entre bien et mal passe non pas entre Occident et proche-Orient, mais au sein même de l’Occident.

 

Achevant de décliner les trois sphères d’existence, esthétique, éthique et religieuse, que Kierkegaard parcourt dans Étapes sur le chemin de ma vie, nous croisons la troisième source de joie suscitée par la série : le Bien par excellence qu’est Dieu (« Dieu seul est bon »). D’abord, parce que Dieu est explicitement nommé à de nombreuses reprises, sans complexe ni justification. Certes, dans une formule si souvent entendue qu’on pourrait oublier qu’elle est une prière de demande : « Que Dieu bénisse l’Amérique », mais aussi par quelque allusion à des offices religieux. Ensuite, parce que la nouveauté éthique de l’Évangile atteste implicitement la présence de sa grâce : la douceur patiente et l’humilité obéissante du Président ; le pardon (la journaliste interpelle Seth, le porte-parole : « Le Président m’a pardonné, pourquoi ne faites-vous pas de même ? ») ; etc.

 

  1. Mais ce tableau n’est-il pas idyllique, voire idéologique ? Sans sombrer dans le pessimisme, cette Petite maison (blanche) dans le pré-carré (politique) ne pèche-t-elle pas par excès d’irénisme ? La comparaison avec trois autres séries américaines qui sont, elles aussi à succès, ne sera pas inutile pour affiner le jugement.

 

L’on songe bien évidemment à l’anti-type le plus radical et le plus caricatural qu’est le thriller politique House of Cards (Beau Willimon, Frank Pugliese, Melissa James Gibson, Saisons 1 à 5, série en cours,2013 s). Cette série sulfureuse met en scène non seulement un président, Frank Underwood (Kevin Spacey, dont on craint aujourd’hui que la stupéfiante incarnation ne soit pas inspiré que par la fiction), qui est une personnalité narcissique jusqu’à la perversion sociopathe, mais, avec son épouse Claire (Robin Wright), un couple destructeur aux mœurs dissolues qui instrumentalise le bien le plus élevé au service de leur seule ambition démesurée et de leur ego surdimensionné.

Que le monde politique au plus haut niveau concentre des personnalités narcissiques en plus grand nombre, des études (américaines ; je ne sache pas que les Français aient osé s’affronter au sujet) le confirment et la raison l’explique : des trois concupiscences (cf. 1 Jn 2,16), la troisième, qui est spirituelle, est la plus jouissive parce qu’elle nourrit le plus l’ego. Toutefois, que l’entourage du couple Underwood se distribue entre arrivistes manipulateurs et pigeons certes généreux mais naïfs, finit par tout concéder à une vision unilatéralement sombre et manichéenne qui nie les nombreux et authentiques serviteurs de l’État.

 

Comparer Designated Survivor et 24 heures chrono (série américaine, thriller, Robert Cochran, Joel Surnow, 8 saisons, terminé, 2001-2014) n’est pas seulement justifié par la présence du même acteur charismatique omniprésent et le même timing pressé par l’urgence, c’est aussi corriger, j’allais dire racheter, la deuxième série télévisée par la première. Rappelons que 24 heures chrono la série policière (mais aussi politique, car elle se déroule souvent à la Maison Blanche) a d’abord séduit par son efficacité et un scénario fertile en coups de théâtre superbement orchestrés (de fait, à ce que je sache, c’est la seule série qui se déroule intégralement en temps réel), au risque d’être aussi irréaliste que les drames du Grand Siècle contraints par la règle draconienne de l’unité de temps, à savoir la norme-borne des 24 heures). Mais la série fut progressivement et heureusement critiquée pour son principe (pseudo-éthique) machiavélique : la fin justifie les moyens ; ici, la fin urgente qu’est le salut même du pays (le plus souvent une menace terroriste) justifie la torture en vue d’extorquer une information. La disproportion des biens en jeu (la vie de toute une population innocente versus l’intégrité physique d’un seul homme coupable) qu’acutise le facteur temps (un attentat à la bombe atomique vitrifierait le pays pour une durée interminable versus un acte ponctuel de torture), a pu masquer au début la perversion de la règle pratique d’action. Toutefois, sa mise en œuvre et répétée dans chaque saison a fini par éveiller le soupçon que l’exception, déjà en elle-même injustifiable, était devenue une règle (pour le détail, cf. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, 24 heures Chrono. Le choix du mal, Paris, p.u.f., 2012).

Si bien que, avec beaucoup d’astuce, au lieu de passer outre l’objection de plus en plus posée sur les réseaux sociaux, la septième (ou sixième, j’ai un doute) saison a si bien décidé de s’y affronter qu’elle l’a intégrée au scénario. C’est ainsi que le premier épisode s’ouvre d’emblée sur un Jack Bauer au tribunal mis en accusation pour actes de violences irrecevables. Malheureusement, la suite de la saison finira par lui donner raison, allant même jusqu’à entraîner dans son sillage et pour la première fois, le président des États-Unis… Preuve, s’il y en avait besoin, que l’attitude du héros, si elle n’est pas critiquée, transforme le témoin en complice et devient exemplaire.

Dans Designated Survivor, si le président récuse toute violence injuste, le scénario ne prône en rien un pacifisme aussi peu crédible que réactif à l’égard du scénario aussi efficace narrativement que moralement discutable de 24 heures chrono. Certes, Tom éprouve jusqu’au bout la voie de la diplomatie (par exemple, avec le Maroc), s’il cherche à sauvegarder les soldats innocents et même à protéger le plus possible la vie des coupables (par exemple, celui qui fut responsable de l’attentat contre sa propre personne). Toutefois, le Président sait se montrer fort et même intransigeant face au coupable. Tom n’hésite pas à révéler que, face au Vice-Président Peter MacLeish (Ashley Zukerman), il a éprouvé le désir de le tuer. Preuve que son refus d’employer immédiatement la force militaire n’est pas de la faiblesse ou de l’indécision. En revanche, le choix de ce Président indépendant est-il exempt de toute réaction à l’égard de l’attitude prônée par l’administration Bush après l’attentat du 11 septembre ?

 

Enfin, il est précieux d’introduire une comparaison avec Homeland (série américaine, drame, Alex Gansa, Gideon Raff, Howard Gordon, 7 saisons, en cours, 2011 s). House of Cards plaçait la perversion maligne sous toutes ses formes et au plus haut niveau du politique. 24 heures chrono introduisait la violence au cœur même de l’acte policier, voire politique, et suggérait que la compromission était inévitable entre le mal et le bien. Cette troisième série, elle, fait vaciller des frontières plus intimes. Elle rend poreuse des différences apparemment plus sécurisées et plus sécurisantes. La première, avec l’héroïne, est celle du sain et du malade. L’agent du FBI Carrie Mathison (excellemment jouée par Claire Danes) est atteint d’un trouble psychiatrique bipolaire qui resurgit régulièrement et, malgré une compétence indéniable, altère son jugement de manière inquiétante. La deuxième, avec le héros (du moins des deux premières saisons), le sergent Nicholas Brody (Damian Lewis), est celle du bon et du méchant : non seulement sa longue présence en pays ennemi fait douter ce qu’il ne soit pas revenu-devenu agent double, mais son appartenance religieuse semble le faire passer dans le camp ennemi, selon un processus finement analysé par Volkoff, mais dans l’autre sens : le retournement de l’espion irait ici de pair avec sa conversion à l’Islam. Homeland introduit ainsi une complexité qui perméabilise les séparations simplistes trop naïvement tranchées entre bon Américain et mauvais islamiste – thème que les saisons subséquentes continueront à déployer avec rigueur et créativité.

 

Autant j’agrée au refus de toute compromission avec la perversion (House of Cards) et d’un machiavélisme prétendument inévitable (24 heures chono), autant je regrette que Designated Survivor ne lorgne pas du côté de la complexité mouvante honorée par Homeland. Mais attendons la suite…

 

Pascal Ide

Au cours du discours sur l’état de l’Union, un attentat frappe le Capitole. Le président des États-Unis et le vice-président périssent avec l’ensemble du cabinet, ainsi que la totalité des membres du Congrès et de la Chambre des représentants. Est épargné le secrétaire au Logement et au Développement urbain, Tom Kirkman (Kiefer Sutherland), car il fut choisi comme étant le « survivant désigné » (Designated Survivor). Il est alors investi président. Avec sa femme, Alex (Natascha McElhone), qui devient la première dame, et leurs deux enfants, Leo (Tanner Buchanan) et Penny (Mckenna Grace), ils viennent vivre à la Maison Blanche. Entouré par le chef de cabinet Aaron Shore (Adan Canto), sa conseillère spéciale Emily Rhodes (Italia Ricci), le porte-parole Seth Wright (Kal Penn), il découvre la vie au quotidien du président du plus puissant pays du monde. Le tout dans une situation de crise où Jason Atwood (Malik Yoba), le numéro 2 du FBI, l’agent spécial du FBI Hannah Wells (Maggie Q), voire avec l’aide de l’agent du Secret Service, Mike Ritter (LaMonica Garrett), où il doit s’efforcer de trouver l’origine de l’attentat qui ne semble en être qu’à sa première étape…

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