Le Diable s’habille en Prada
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Date de sortie:
27.09.2006
Durée:
1 heures 50 minutes
Directeur:
David Frankel
Acteurs:
Meryl Streep, Anne Hathaway, Emily Blunt

 

 

 

Le diable s’habille en Prada, drame américain de David Frankel, 2005. Avec Meryl Streep, Anne Hathaway et Emily Blunt.

Les scènes (à la suite : chap. 31 puis 32) se déroulent de 1 h. 32 mn. 47 sec. (Miranda : « Je dois dire que je suis très impressionnée ») à 1 h. 35 mn. 18 sec. (fin du chap. 31), puis de 1 h. 37 mn. 24 sec. à 1 h. 40 mn. 35 sec. (un peu avant la fin du film).

Thèmes

Sourire, joie, gratitude.

Ces scènes sont un festival de sourires, spontanés ou contraints, ébauchés (lunaires) ou éclatants (solaires) ; or, le sourire est par excellence le signe du plaisir ou de la joie – surtout, lorsqu’il est arboré par une admirable actrice.

Tout d’abord, lorsque, sincère, Miranda complimente Andy, celle-ci ne sourit pas. Elle est peut-être touchée, mais elle ne se sent pas flattée ; surtout, elle a trop besoin de souligner la différence entre elle et son vampire de patronne.

Puis, apparaît le premier sourire d’Andy lorsqu’elle ose ne pas céder à son chantage et, plus encore, à la séduction. Elle ne vient pas seulement de ce qu’elle déchiffre la nouvelle manipulation. En effet, elle pourrait librement s’adonner à la vision de Miranda. Or, justement, elle refuse d’y céder au nom de sa vision des choses : non pas le narcissisme qui fait grimper au plus haut niveau de la reconnaissance en sacrifiant toute autre personne de manière machiavélique, voire diabolique, sur l’autel de sa propre gloire.

Le deuxième sourire de Miranda est plus marqué : il naît lorsqu’Andy refuse de répondre à l’appel de Miranda, jette le portable dans la fontaine de la Place de la Concorde, et ainsi quitte le monde de sa patronne, Runway et la mode, pour enfin redevenir fidèle à ce qu’elle porte en elle.

Un troisième sourire illumine Andréa lorsque Greg Hill, le directeur de The New York Mirror, lui dit que son papier est excellent.

Mais son plus beau sourire surviendra lorsqu’elle appellera Emily, lui fera don des vêtements parisiens (qui faisaient rêver cette dernière) et ne tiendra pas compte de son ingratitude. Redonnant le fruit de sa compromission, elle rompt tout pacte avec le diable habillé en Prada. Plus, ayant réparé le préjudice envers sa collègue, elle pose un acte de demande de pardon et goûte la paix de sa conscience réconciliée. Plus encore, en agissant avec générosité et douceur, sans attente de retour, elle pose un acte de don désintéressé à l’égard de Miranda et d’Emily.

Ainsi, quatre sourires se dessinent sur le visage expressif de cette actrice si sensible qu’est Anne Hathaway. Quatre sourires, quatre joies. Et comme la joie est le sentiment éprouvé en présence du bien, ces sourires expriment autant de biens. De même que ces sourires vont s’élargissant, les joies sont graduées et les biens qu’elles célèbrent hiérarchisés : la joie de la libération chèrement conquise hors de l’emprise, d’abord décidée, puis scellée dans un geste définitif ; la joie plus grande d’avoir reçu ; la joie maximale de demander pardon et de donner. Or, la logique de la gratitude les corrèle sans doute, au moins partiellement : Andréa puise dans la reconnaissance du directeur de The New York Mirror l’énergie de poser, à son tour, un acte généreux.

 

Notons en contrepoint, trois autres sourires. Le premier, au tout début, est celui de Miranda tentant de complimenter Andréa qui, on l’a vu, est demeurée neutre. En retour, la directrice de Runway arbore un sourire satisfait qui s’avère être un faux sourire. En effet, le sourire mobilise deux sortes de muscles, volontaires, autour des lèvres, involontaires, à l’extérieur des yeux (les fameuses pattes d’oie, à un certain âge…). Or, un sourire hypocrite est un sourire forcé. Pour un observateur attentif, il se caractérise donc par le seul plissement de la moitié inférieure du visage, et se paie d’une dysharmonie du visage qui ne devient pas tout entier sourire.

Les deux autres sourires surviennent au terme : celui d’Emily qui est touchée du geste d’Andy, mais sans pouvoir le dire ; celui de Miranda qui, enfin, est vrai, non seulement parce que ses yeux aussi sourient, mais parce qu’elle est émue. Toutefois, ces deux émotions sont passagères : d’abord, elles naissent d’un bien reçu, pas d’un bien accompli ; ensuite, elles sont narcissiques : Emily ne remercie pas pour le don d’Andy ; Miranda ne rend pas non plus le salut et garde pour elle son sourire, quand elle se trouve dans la voiture ; enfin, ces joies n’induisent aucun changement : Emily l’accompagne d’une remarque aigre à l’encontre de la nouvelle assistante en second et Miranda à l’égard du chauffeur. Nulle gratitude, en effet, ne vient pérenniser leur sourire.

 

Le sourire véritable ou plutôt véridique est le sceau lumineux autant que le don généreux d’une âme débordant de gratitude.

 

Pascal Ide

À la recherche d’un emploi, Andréa Sachs (Anne Hathaway) accepte d’entrer dans le grand magazine de mode Runway, dirigé par une personnalité fascinante, aussi douée que narcissique, Miranda Priestly (Meryl Streep) qui recherche une seconde assistante. Journaliste dans l’âme, Andy se rend vite compte que ce travail ne lui convient pas. Viennent s’ajouter le mépris de la première assistante, Emily (Emily Blunt), pour son manque total de style vestimentaire, et surtout l’atmosphère de stress et de terreur que Miranda fait régner. Mais, contre toute attente, celle-ci est séduite par la prestance intellectuelle, la liberté et le professionnalisme d’Andréa et se décide à l’embaucher. Contre toute attente aussi, Andréa se pique au jeu : certes, elle doit accepter les incessantes moqueries d’Emily, les colères de sa patronne et les innombrables missions impossibles qu’elle lui confie. Mais elle apprend vite son métier et, avec son passage par Runway, elle s’offre un CV en or pour la suite de sa carrière, alors qu’il est si difficile de trouver un emploi dans son secteur.

Toutefois, quelque chose en elle dit à la jeune New Yorkaise qu’elle est en train de perdre tout ce à quoi elle tient : sa passion du journalisme, son petit ami, Nate (Adrian Grenier), et même sa conscience (elle a accepté d’aller à Paris, alors que ce devait être sa collègue Emily ; ce faisant, elle est entrée dans le jeu manipulateur de Miranda et s’est compromise). Ne finirait-elle pas par ressembler à cette Miranda à la fois si admirée et si détestée ? Nous voici arrivés aux scènes finales (j’ai seulement coupé la rencontre avec Nate).

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