Coupez !
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Pays:
Français
Thème (s):
Absurde, Comique, Mort-vivant
Date de sortie:
18 mai 2022
Durée:
1 heures 50 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Michel Hazanavicius
Acteurs:
Romain Duris, Bérénice Bejo, Grégory Gadebois
Age minimum:
Adolescents et adultes

Coupez !, comédie horrifique française écrite, produite et réalisée par Michel Hazanavicius, 2022. Remake du film japonais de Shin’ichirō Ueda, Ne coupez pas !, 2017. Avec Romain Duris, Bérénice Bejo, Grégory Gadebois.

Thèmes

Absurde, comique, mort-vivant.

Par la magie de l’humour, cette comédie réussit à transformer un nanar de zombies en un film sur le film, ou plutôt le tournage d’un film. Et, plus profondément, sur la vie de ce tournage.

 

Drôle de film qu’un film drôle (on rit aux éclats) sur un thème tout autre que drolatique : des morts-vivants qui ne survivent qu’à tuer les vivants. Le comique réussi est toujours de l’éthique qui s’avance masquée. Aussi le vrai thème n’est-il assurément pas les zombies. D’ailleurs, le film se met lui-même en abîme, en commençant par une scène qui s’avère astucieusement être la dernière scène d’un film en train d’être filmé ! Au point que celui qui lit le résumé du film (une invasion de vrais morts-vivants vient perturber un film de faux morts-vivants) peut croire qu’on lui a spoilé ce qui fait l’originalité du film : l’interférence du réel et de la fiction.

 

Suit un long plan séquence de 32 minutes qui multiplie les scènes absurdes. En réalité, ce sont trois niveaux d’absurdité qui vont progressivement se révéler.

Au premier degré, l’absurdité du thème imaginaire (croisant la science-fiction dystopique et le fantastique intermonde) du zombie qui fait pourtant le régal de nombreux films et séries à succès (que l’on songe aux onze saisons de Walking dead !). En effet, les discours internes au court métrage attestent l’incohérence ontologique du mort-vivant (parlant ou seulement grognant ? ; doué d’initiative ou définitivement automate ? ; marchant ou courant ?) et les commentaires externes du film sa surdétermination par les thèses les plus loufoques, comme la récupération anticapitaliste.

Au deuxième degré, c’est-à-dire le film même. Peut-être pour la première fois, est révélées sur mode comique la complexité, voire la tourmente du réalisateur qui doit cumuler non seulement toutes les fonctions, mais toutes les compétences, techniques, éthiques et quasi-théologales (aimer ses acteurs, espérer contre toute espérance dans son film, et croire que chaque malheureux incident peut se transformer en heureux accident).

Au troisième degré, et c’est le plus original, Coupez ! dénonce la complicité du spectateur. Dans la première partie, il se surprend à chercher, voire à donner du sens à des scènes ou à des plans, certes, inattendus, mais dont la troisième partie découvrira qu’ils sont des ratages rattrapés à l’ultime moment ! Si la scène finale tente de nous faire croire que la plus grande joie de l’équipe réside dans la communion ascendante de tous les participants en une pyramide improvisée qui est la répétition créative d’une épisode familial et aimant, là encore, ne nous laissons pas abuser : ce qui devrait être une création est reconduit à une grande autocélébration narcissique. D’ailleurs ce sommet (en son contenu comme en sa place symbolique) improvisé arrive après un film très maîtrisé à la structure rigoureusement tripartite : narration fictive ; préparation affective ; réalisation effective.

 

De même que la polysémie du titre joue sur le premier et le second degré, de même le film porte (un peu) sur les zombies, (beaucoup) sur le film et (peut-être beaucoup plus) sur la vie. Décidément, nous sommes à l’époque du storytelling généralisé. Paul Ricœur avait déjà adressé une critique profonde à cette mode héritée du linguistic turn : si tout est récit, où se trouve le réel que le récit raconte ? En regard, il n’y a un monde du texte que parce qu’il y a un monde qui précède le texte, monde qui est plus qu’un prétexte… [1]

 

Pascal Ide

[1] Rappelons aussi que, à ce monde en amont et au monde du texte, il adjoignait un troisième monde, en aval, qui est celui du lecteur.

Dans un grand bâtiment désaffecté, un zombie (Grégory Gadebois) attaque une jeune femme craintive (Matilda Lutz). En réalité, il s’agit du tournage d’un film de série Z (comme zombie), interrompu par un réalisateur autoritaire. Lors d’une pause, de véritables morts-vivants apparaissent. Une femme (Bérénice Bejo) explique qu’ils proviennent d’une ancienne malédiction que le réalisateur a réveillée afin d’obtenir de ses acteurs l’émotion qu’il recherche. Tous sont finalement contaminés, à l’exception de la jeune femme craintive qui demeure la seule survivante.

En même temps, le spectateur n’a pas pu ne pas se rendre compte que les raccords sont incompréhensibles, les trucages grossiers, les acteurs épisodiques, les plans mal stabilisés. C’est alors qu’une nouvelle partie commence et le spectateur comprend que le film de zombie qu’il vient de voir n’est pas le film lui-même, mais un film dans le film. Et que les acteurs du court-métrage de zombies deviennent les personnes évoluant dans la vie réelle désormais mise en scène : Rémi Bouillon, réalisateur modeste de films « rapides, pas cher et dans la moyenne », qui a accepté d’adapter un film d’horreur japonais à succès devant être diffusé en direct sur une plateforme de streaming ; sa femme, Nadia (Bérénice Bejo), qui est maquilleuse et, mystérieusement, est embarquée comme actrice ; l’acteur principal recruté pour le projet, Philippe (Grégory Gadebois), qui ne cesse de changer le scénario et qu’admire Romy (Simone Hazanavicius), la fille de Rémi, qui rêve d’être une grande réalisatrice. Mais, le jour du tournage, les acteurs qui devaient incarner le réalisateur et son assistante ont un accident. Comment faire ? C’est ici que débute la troisième partie du film : les coulisses du tournage diffusé en direct.

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