Chien 51, dystopie franco-belge co-écrit et réalisé par Cédric Jimenez, 2025. Adapté du roman éponyme de Laurent Gaudé (Arles, Actes Sud, 2022. Avec Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Louis Garrel, Romain Duris, Valeria Bruni Tedeschi.
Thèmes
Intelligence artificielle, suspense.
Chic, le cinéma français s’essaie à la science-fiction dystopique. Bof, il y a encore du métier à acquérir…
- Avec le budget astronomique de 42,01 millions €, le cinéaste de BAC Nord (2022), qui regroupait aussi Adèle Exarchopoulos et Gilles Lellouche, a créé un univers dystopique, un Paris entre Metropolis (pour le découpage topographique excluant) et Minority Report (pour l’obsidionalité ultra-sécuritaire).
On croit à l’univers créé par Cédric Jimenez qui a co-écrit le scénario, depuis le détail anodin et cocasse des packs de lait qui, s’accumulant sans limitation, jouent à l’apprenti sorcier, jusqu’au tout de la reconstitution soignée d’un parcage numérique, inquiétant et oppressant, à échelle de la capitale, en passant par la jolie trouvaille d’un logiciel qui ne se contente pas de profiler les criminels ou d’évaluer les probabilités de ses hypothèses, mais reconstitue les scènes de crime en 3D à partir des données récoltées.
On y croit encore lorsque, ne se contentant pas de copier le modèle américain du héros-chamane qui ne peut s’affronter aux traumatismes extérieurs qu’en révélant-traitant les siens ou celui des couples de protagonistes qui ne se repoussent par leur appartenance sociale que pour finalement s’attirer au nom de leur affinité névrotique, le script se refuse au manichéisme diabolisant. Certes, on pourra regretter la dépolitisation induite par le pitch final ; mais ce que l’on perd en critique (passablement victimaire et inoriginale) des dérives inégalitaires et des violences d’État, on le gagne en questionnement sur l’autonomisation paranoïaque d’une intelligence artificielle générative s’inventant les pires scénarios assassins.
- On y croit un peu moins lorsque le gouvernement se réduit à un ministre de l’intérieur qui est si impuissant qu’il doit se déplacer en personne pour menacer un protagoniste et surtout lorsque l’histoire ne prend même pas le soin d’expliquer cette dérive totalitaire (si, le récent confinement l’a montré, les Français succomberaient à la servitude volontaire, ils résisteraient beaucoup plus à un quadrillage social ou il faudrait en attester les antécédents).
Mais pourquoi le film ne marche-t-il pas, en définitive ?
D’abord, un critère ne trompe pas : l’émotion que l’on invite au forceps joue à l’Arlésienne, notamment dans la scène finale où, pourtant, dans un parallèle qui aurait dû être touchant, voire hautement signifiant dans sa synchronicité, Zem meurt de donner sa vie, pendant que Salia revient à la sienne.
Ensuite, la relation amoureuse s’ébauche sans se conclure, comme si le cinéaste n’y croyait pas et trouvait prétexte dans la traditionnelle tension entre action et passion. Mais surtout comme si une inhibition plus profonde provenait de la différence d’âge. Ces mêmes cheveux blancs semblent d’ailleurs difficiles à assumer : la caméra semble si peu croire à ce combat ultime entre Gilles Lellouche et Romain Duris qu’on a l’impression qu’elle s’ingénie à le camoufler…
Enfin et surtout, il manque ce sens du suspense qui seul nous sauve du spectaculaire tapageur. Deux exemples emblématiques : la scène originale où Salia est attaquée par les drones ne fonctionne pas, tout simplement parce qu’il manque un plan d’ensemble qui nous aurait montré la place respective des protagonistes et donc, visionnant une héroïne acculée, nous aurait fait trembler à son probable assassinat et applaudir à son improbable ingéniosité. Il suffit de la comparer avec la même scène de chasse claustrophobique, dans la cuisine de Jurassik Park I, pour voir ce qu’un grand maître de l’écriture, Steven Spielberg, arrive à susciter chez le spectateur. La scène finale s’avère être un pétard mouillé pour la même raison. En effet, à aucun moment nous ne bénéficions d’une explication (avant !) sur la manière d’entrer dans la zone 1 en général et dans le domicile d’un ministre en particulier. D’une manière qui me consterne encore plus qu’elle ne m’étonne, le scénariste n’a pas compris que la découverte largement téléphonée de l’identité du domicile est narrativement beaucoup moins gratifiante qu’une préparation dévoilant l’objectif en insistant sur les difficultés de sa réalisation.
Pascal Ide
En 2045, Paris est divisée en zones correspondant aux classes sociales : la zone 1 (qui équivaut à Paris Centre) est réservée à l’élite, la zone 2 (le reste de Paris) abrite les classes plutôt aisées tandis que la zone 3 (limites non précisées mais hors de Paris) héberge les plus pauvres. La population est surveillée par une intelligence artificielle nommée Alma, qui assiste les forces de l’ordre dans leurs enquêtes.
Lorsque Georges Kessel (Thomas Bangalter), l’inventeur d’Alma, est assassiné en zone 1, les soupçons se portent sur Jon Mafram (Louis Garrel), fervent opposant à Alma, leader du groupe anarchiste Breakwalls. Salia Malberg (Adèle Exarchopoulos), une inspectrice d’élite de la zone 2, et Zem Brecht (Gilles Lellouche), un policier désillusionné de la zone 3, doivent travailler ensemble pour trouver le coupable. Malgré leurs différences, ils vont peu à peu s’apprécier. Leur enquête va vite dévoiler qu’Alma trafique les informations. Mais Théo Rimarval (Romain Duris), le ministre de l’intérieur, est-il véritablement la cause du chaos qui s’installe ?