Carbone
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Pays:
Français
Durée:
1 heures 44 minutes
Directeur:
Olivier Marchal
Acteurs:
Benoît Magimel, Michaël Youn, Gringe, Gérard Depardieu, Idir Chender, Laura Smet

 

 

Carbone, film d’action français d’Olivier Marchal, 2017. Avec Benoît Magimel, Michaël Youn, Gringe, Gérard Depardieu, Idir Chender, Laura Smet.

Thèmes

Cupidité.

Tout en menant avec rythme et efficacité une intrigue d’autant plus prenante qu’elle s’enracine dans la toute récente actualité, ce mini-Scarface à la française présente le mérite d’être une fable morale sur la cupidité, que la Bible appelle « la concupiscence [ou convoitise] des yeux » (1 Jn 2,16). Par une caméra qui filme au plus près, souvent en plans serrés, Carbone épouse chaque état d’âme et, plus encore, de conscience de son « héros », sans compromis ni complaisance. Il se déploie en deux volets qui sont autant de dénonciations courageuses.

 

Le premier refuse et réfute l’excuse psycho-sociologique de la déchéance délictogène. Certes, Antoine est triplement humilié : professionnellement (il gère avec générosité et sans paternalisme la petite entreprise), familialement (Aron le rabaisse non sans sadisme autant face à son épouse que face à son fils unique et bien-aimé) et socialement (on peut supposer qu’Antoine n’était pas indifférent au milieu friqué que représente son beau-père). Mais, quelle que soit la violence de la chute et la radicalité de l’exclusion, sa responsabilité morale n’est en rien occultée ni même amoindrie.

Cette responsabilité est singulièrement incarnée dans ce que je trouve être la plus belle scène du film : la rencontre d’Antoine avec et chez sa mère (Catherine Arditi). Alors qu’il lui offre une grosse enveloppe pour remplacer son lave-vaisselle défaillant, cherchant à réparer ses multiples torts, se racheter à bon compte une conscience et donc au fond à instrumentaliser sa mère, celle-ci débusque la forfaiture, déjoue chaque stratagème et, avec une exemplaire dignité, écarte toute compromission et donc toute corruption. Bref, face à son fils, elle symbolise la voix de la conscience : madame veuve Roca exprime au dehors ce qu’il cherche désespérément à faire taire au-dedans de lui. D’ailleurs, cette censure est si peu efficace et la précédente vie d’Antoine suffisamment droite, qu’il reconnaîtra auprès de sa compagne, Noa Van Strecht (Laura Smet), que, bien qu’il ait assez gagné d’argent pour renflouer l’entreprise et arrêter d’arnaquer, il est pris par (et prisonnier de) la fièvre de l’or. De fait, le scénario laisse entendre que c’est l’audacieux montage d’Antoine qui a dérobé la somme faramineuse de 1 milliard et demi d’euros qu’a coûté l’arnaque du carbone.

 

De même que le premier volet rejette le scénario victimaire, le deuxième récuse la fin heureuse qu’attend l’empathie éprouvée par le héros et qui, dans tant de films, couronne l’astuce contre la vertu, consacre Arsène Lupin contre Emmanuel Kant.

Certes, Antoine est triplement victime : d’un beau-père venimeux et dédaigneux qui se prend pour le Napoléon de la finance, de son banquier aussi vorace que dénué de scrupule, et de coéquipiers décidément incompétents, intempérants autant qu’incontrôlables. Certes aussi, Antoine témoigne de la droiture de sa conscience, en se battant pour la garde de son fils, en se refusant aux deux autres concupiscences auxquelles l’argent facile donne accès (ce que justement Scarface met en scène) et en conjurant le piège de la violence (engager un tueur l’aurait débarrassé de Kamel).

Mais, encore une fois, la faute, immense, d’Antoine, n’est en rien minimisée, bien qu’on eût aimé que le film le rappelle plus explicitement : le vol, même anonyme (et doublement par la médiation du numérique), demeure un vol, celui de myriades et de myriades de petits épargnants ; la vengeance qui va pousser Antoine à assassiner de sang-froid son ex-beau-père, n’est en rien de la justice. On s’étonnera d’ailleurs qu’un homme ordinaire, honnête chef d’entreprise, finisse si vite par se comporter comme un gangster. Il appartient au moraliste d’expliquer sans excuser cette transgression assassine et gravissime, contre l’avis de Noa qui admire la droiture d’Antoine et pourrait emporter la conviction de spectateurs : à partir du moment où l’on se place au-dessus de la loi morale dans un domaine (voler), l’on s’autorise tôt ou tard à le faire dans un autre domaine (tuer).

À nouveau, de manière symbolique, c’est par une femme (qui est une mère) que la sanction radicale, tombera. De même que la mère d’Antoine lui a dit tout haut ce qu’il ne voulait pas entendre tout bas, de même, ce sera Dani, dont il a entraîné les deux fils dans sa chute, qui appliquera la peine que la justice fut impuissante à exercer.

 

Ainsi ce petit film contient une grande leçon, qui fut formulée de tous temps et de toutes manières : « Auri sacra fames : exécrable faim de l’or », disait le poète latin Virgile (avant Astérix !) ; « L’amour de l’argent est la racine de tous les maux », écrit la Bible (1 Tm 6,10) ; « Un linceul n’a pas de poches », titrait un roman de Horace McCoy (là encore, avant le film éponyme de Jean-Pierre Mocky). En optant pour ce titre énigmatique, Olivier Marchal centre sur l’actualité, mais aussi sur l’objectivité, du délit commis. Dans le même registre sibyllin, une autre suggestion, pointant en direction tant de la table de Mendéléïev que d’un autre film français : Le sixième élément

Pascal Ide

Antoine Roca (Benoît Magimel) est chef d’une petite entreprise acculée au dépôt de bilan.À cette épreuve s’ajoute la haine de son beau-père, le milliardaire juif peu scrupuleux Aron Goldstein (Gérard Depardieu), et le mépris de son épouse (Carole Brana qui est significativement dénuée de prénom) qui, non contente de soutenir son père, renvoie Antoine de chez lui. Les deux compères avec qui il joue au poker, Simon (Gringe) et Éric Wizman (Idir Chender), l’invitent à vivre sur leur péniche, avec Dolly leur mère, qui s’avère être une maîtresse-femme (Dani). S’inspirant d’une suggestion de son ami et collègue, Laurent Melki (Michaël Youn), Antoine décide alors de sauver la société familiale en infiltrant le marché de quotas de CO2. Rapidement, l’affaire s’avère juteuse, extrêmement juteuse. Mais, quand il devra emprunter beaucoup d’argent à un chef de bande sans scrupule, Kamel Dafri (Moussa Maaskri), Antoine jouera beaucoup plus que des millions d’euros : sa propre vie et celle de ses proches. Or, rien ne l’y préparait…

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