Bienvenue à Suburbicon
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Thème (s):
Violence
Date de sortie:
6 décembre 2017
Durée:
1 heures 44 minutes
Directeur:
George Clooney
Acteurs:
Matt Damon, Julianne Moore, Noah Jupe
Age minimum:
à éviter

 

 

 

Bienvenue à Suburbicon (Suburbicon), drame américain de George Clooney, 2017. Avec Matt Damon, Julianne Moore, Oscar Isaac, Noah Jupe.

Thèmes

Violence.

Bien entendu, l’on est tenté d’aller voir un film au nom de sa brochette d’acteurs aussi renommés que talentueux, de son scénario signé (notamment) par les frères Joel et Ethan Coen, voire, pour certains, de son réalisateur. De fait, tout cherche à le rendre accrocheur, comme la publicité pour Suburbicon… Pourtant, s’il ne vaut assurément pas le « Deux étoiles » (« Mérite un détour ») du Guide Vert Michelin du cinéma, je ne lui donnerai même pas la mention « À voir éventuellement », au nom de sa perversion morale que nulle légèreté comique ne vient atténuer ou justifier.

Le film pèche par incohérence : les deux histoires, celle des Mayers et celle des Lodge, ne se touchent que très accidentellement, au point que l’on finit par croire que l’on nous raconte deux récits juxtaposés.

Surtout, il pèche par outrance, et gravement. Expliquer n’est pas excuser ; or, à aucun moment, la violence raciste contre les Mayers ou la violence intrafamiliale des Lodge ne bénéficient d’un minimum d’explication.

Les conséquences sont terribles. Hyperbolique, le film ne peut même plus prétendre être comique. Illogique au sens propre de dénué de logos, de « raison » (qui peut croire à un père employé modèle qui, pour sauver sa peau, serait prêt à tuer son fils, pire, à sadiquement lui proposer de choisir entre la lâcheté et son homicide ?), il ne peut être cathartique : le spectateur encaisse la violence gratuite sans pouvoir la métaboliser et s’identifier à ces antihéros. Enfin, anti-éthique (qui pourrait se retrouver dans ces caricatures extrêmes de racistes et de parents ?), il nous accule à diaboliser l’autre en nous dédouanant. Plus la charge est sévère et moins elle porte. Qu’est donc Molière devenu, dont on disait : castigat ridendo mores (« il châtie les mœurs en riant ») ?

Mais comment le réalisateur susciterait-il le moindre sentiment positif, lui qui, au fond, déteste tous ses protagonistes, les deux jeunes garçons exceptés… ? Or, justement, quelle naïveté de faire de ces deux enfants innocents les seuls êtres indemnes du péché irrémissible d’hypocrisie suburbaine ! En effet, témoins et victimes de cette violence, ils ne survivent qu’en se clivant : le lendemain matin de ces épisodes délirants jusqu’à l’hallucination, ils se retrouvent ensemble à jouer au baseball. Apparemment indifférents. Jusqu’au jour où le refoulé surgira, dans un déferlement multiplié de sauvagerie.

En fait, le titre disait tout. En son préfixe sub, il ne désigne pas une ville de rang inférieur, mais bien ce qui se trouve « en dessous », au sens où, soulevant une dalle, vous vous attendez à la trouver grouillante d’asticots ou, pire, vous dérangez une vipère. Et si, par consonance, le suffixe en on renvoyait en grec à un substantif neutre, il désignerait une essence. Ainsi, pour le réalisateur qui est aussi co-scénariste, le film prétend dépeindre l’essence de la société américaine des Trente Glorieuses, voire de l’ère Trump, comme une sous-ville violente, raciste, menteuse, assassine. Et surtout, hypocrite : l’urbain se cache derrière son urbanité (prétendue).

Pascal Ide

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