Ben is back
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Pays:
Américain
Thème (s):
Amour maternel, Drogue
Date de sortie:
16 janvier 2019
Durée:
1 heures 42 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Peter Hedges
Acteurs:
Julia Roberts, Lucas Hedges, Courtney B. Vance
Age minimum:
Adolescents et adultes

 

Ben is back, drame américain écrit et réalisé par Peter Hedges, 2018. Avec Lucas Hedges, Julia Roberts et Courtney B. Vance.

Thèmes

Drogue, amour maternel.

Beaucoup de films – et même maintenant des séries télévisées – parlent de drogue, et en parlent avec autant de réalisme que d’espérance. Ce qui fait l’originalité de ce film profondément juste et émouvant qu’est Ben is back est de voir en vérité ses ravages à travers le regard, le cœur et l’esprit de la mère du junkie (et quelle mère ! quelle actrice !).

 

Holly est un regard. « Je ne te quitterai pas des yeux, c’est clair ? » Autrement dit, elle scrute la vérité, sans illusion, sans concession mais aussi sans déformation. C’est le témoignage que lui rend Spencer : « Toujours aussi franche, Mrs Burns ! ». C’est cette vérité qui rime avec probité qui lui fait accepter que Ben se rende en ville pour acheter des cadeaux qui viennent de lui, et donc lui fait accepter de courir le risque de le confronter avec la ville, lieu de toutes les tentations et du retour du passé.

Et cette vérité est vitalement nécessaire parce que le monde que s’est construit le drogué n’est que mensonge : certes, mensonge aux autres, mais aussi mensonge à soi et d’abord mensonge qu’est la drogue qui promet un bonheur qu’elle ne donnera jamais. C’est tout le mérite de Ben que d’avoir arpenté le chemin qui le conduit à cette lucidité. Et cette longue nuit de Noël, qui donne au film son cadre et son unité (de temps et d’action, voire de lieu, si on accepte de l’étendre à la ville de Philadelphie) sera celle de la lucidité partagée, c’est-à-dire du passage de l’ignorance (« Non, non, Maman, tu ne me connais pas ») à la vérité. Voilà pourquoi Ben prendra cette dose qu’il croit être la dernière : certes, parce qu’il est trop faible pour résister à la diabolique tentation de son chef qui compte sur ce dealer-addict expert, mais aussi parce qu’il est trop haineux de lui-même pour se pardonner tout le mal fait à sa famille.

Pourtant, ce sens de la vérité n’est ni infaillible (Holly se dupera elle-même, au point que sa fille devra lui ouvrir les yeux) ni, surtout, toute-puissante. Comment une telle lucidité ne conduirait-elle pas à la plus insupportable des vérités ? Ben l’avouera : « J’ai tué Maggie » – même s’il ne l’a pas immédiatement assassinée et ne peut se substituer à la responsabilité de la jeune fille. Mais il pourrait aussi ajouter Cara dont il fut le dealer amnésique et qu’il rencontre à la réunion des Drogués anonymes. Et la liste de ses victimes ne cessera de s’allonger au fur et à mesure où la nuit s’avancera et s’épaissira. Reprenons donc notre question. Comment le tox’ n’aboutira-t-il pas, tôt ou tard, à ce constat désespérant, deux fois formulé : « Je ne vaux rien » ?

 

« La vérité sans l’amour durcit, l’amour sans la vérité pourrit », dit un proverbe. Plus encore qu’un regard perçant, Holly est un cœur aimant. Si elle aime Ben comme sa vie, elle aime son fils plus que sa vie. C’est cet amour qui lui fait aussitôt accueillir le prodigue : s’il n’est pas sans condition – et la vérité est la condition même de l’accueil –, il est toutefois sans retard. C’est cet amour qui lui donne la force surhumaine de se rendre dans la zone de tous les dangers, près du fleuve, où se retrouvent, de nuit et dans la nuit, les drogués ; c’est encore l’amour qui la pousse à montrer le visage du fils chéri à des personnes sans domicile ; c’est toujours l’amour qui lui fait trouver la solution à l’un des multiples dilemmes émaillant le film (vers qui se tourner une fois que Ben a volé sa voiture ?) et se tourner vers la personne dont elle sait qu’elle pourra la comprendre sans la juger ni la décourager, la mère de Maggie ; c’est enfin ce même amour qui lui fait aller jusqu’au bout de la nuit et tout donner, y compris ce qui lui est le plus cher, cette médaille symbolique. les yeux de l’amour

La radicalité de cet amour maternel apparaît aussi par contraste lors des retrouvailles. La première réaction de sa sœur Ivy qui l’aime comme son frère, est la rétraction – même si, ultérieurement, elle emploiera toute son intelligence et déploiera toute son énergie pour le retrouver et débusquera chaque dissimulation de sa mère. Celle de Sean son époux est le non-lieu pur et simple. Cette incapacité d’accueillir Ben ne signifie surtout pas qu’il ne l’aime pas : il a montré son affection en acte, lorsqu’il a racheté l’hypothèque. Mais aujourd’hui, ce lien rentre en conflit avec d’autres attachements : hiérarchisant les biens, il opte d’abord pour la protection des siens.

 

Néanmoins, cet amour non plus n’est pas omnipotent. Il bute sur le troisième pôle : la liberté. C’est ce libre arbitre qu’atteste Beth (Rachel Bay Jones), la mère de Maggie, lorsqu’elle exhorte Holly à tout tenter pour retrouver Ben : « Nous ne pouvons pas les sauver, mais tu t’en voudras toute ta vie, si tu ne le fais pas ». Est-ce à dire que l’amour peut échouer ? Le film serait-il désespéré ?

Déjà, le témoignage de la même Beth permet de répondre négativement : l’aide inattendue, immédiate et inconditionnelle, qu’elle offre à Holly montre que non seulement l’amour – « La charité est serviable » (1 Co 13,4) – n’est pas éteint en son âme, mais qu’elle a secrètement pardonné à celle qu’elle serait en droit de haïr – « La charité pardonne tout » (ibid., v. 7) –. Selon moi, la discrète Beth, est la véritable héroïne du film, ainsi que l’atteste le contrepoint du mari détruit et destructeur, et, a minima, de Holly, vomissant toute sa détestation sur le médecin responsable de l’addiction.

Surtout, citons une troisième fois l’hymne paulinien à la charité : « L’amour espère tout » (1 Co 13,7). Si Dieu s’arrête sur le seuil de la liberté de l’autre – « Voici que je suis à la porte et que je frappe » (Ap 3,20) –, paradoxalement, il cède devant l’intercession insistante et aimante (que l’on songe aux splendides supplications d’Abraham ou de Moïse). N’est-ce pas cet amour infusé par l’Esprit (cf. Rm 5,5) dans l’esprit de Beth, plus qu’une concession à la fameuse happy (and easy) end hollywoodienne, qui explique la « résurrection » finale si improbable de Ben ?

Enfin, ne faudrait-il pas faire intervenir ce que j’oserais appeler un personnage à part entière : le chien de la famille Burns. Ben ne le suggère-t-il pas quand il affirme que non seulement il fait partie de la famille, mais qu’il vaut double ? Si ce chien vagabond est une métaphore de Ben en son errance, il est plus encore comme le médiateur omniprésent du bon Berger, lui qui, au début, accueille joyeusement Ben sans jugement ni réserve, tel qu’il est à l’instant présent, lui qui, reconnaissant et vulnérable, reçoit la nourriture de l’attention de Ben, lui qui, enlevé, subit injustement la violence, lui qui, indéfectiblement fidèle, attend dans la voiture tout tourné vers la grange et permettra à Holly de le sauver.

De toutes les créatures non humaines, le chien est la seule qui le regarde en face et la seule qui soit douée d’une véritable empathie (instinctive) pour l’homme. Même domestiqué, le chat reste un fauve, ainsi que les études l’attestent. Seul le chien est pleinement humanisé et abandonne toute attitude sauvage. Et comme un médiateur de la tendresse de Dieu pour les hommes. Jusque dans l’anagramme suggéré par son nom anglais, God

 

Le titre Ben is back – « Ben est de retour » – renvoie à l’inclusion qui structure le film en son entier. Le premier retour de Ben, qui semble être une initiative de sa part, est en réalité passif : l’on découvrira plus tard que c’est l’amour de Holly qui l’a appelé. Le second retour redouble cette passivité : il est comme réenfanté, recevant son souffle et, par lui, sa vie, de l’amour d’une mère donnée jusqu’au dernier souffle.

 

Pascal Ide

Revenant, avec ses trois enfants, de la veillée de Noël à la paroisse chez elle, Holly Burns (Julia Roberts) tombe sur son fils Ben (Lucas Hedges) avec bonheur mais non sans surprise. Parti pendant plusieurs mois et sensé revenir plus tard, Ben qui se droguait explique que son parrain lui a conseillé un bref retour en famille. Bien que circonspecte et contre l’avis de Neal (Courtney B. Vance), son mari, et le désaveu d’Ivy (Kathryn Newton), la sœur de Ben, Holly consent à ce qu’il demeure 24 heures à la maison, à condition qu’il ne soit jamais hors de sa vue.

Afin que Ben puisse offrir lui-même des cadeaux de Noël, Holly accepte d’accompagner Ben faire des courses en ville à Philadelphie. Elle rencontre alors l’ancien médecin de Ben, devenu un vieil homme dément qui ne la reconnaît pas. Alors que Ben ne peut l’entendre et répond à un mystérieux correspondant, elle reproche très amèrement au médecin d’avoir donné à son fils qui avait eu un accident de skateboard des doses d’antalgiques supérieures à celles qui étaient indiquées et d’ainsi l’avoir précipité dans l’addiction.

Ben demande alors à sa mère de se rendre au groupe de drogués anonymes de la paroisse. Celle-ci accepte sous condition de l’accompagner. Au terme de la réunion, il est abordé par Cara K (Alexandra Park), une jeune femme qu’il ne reconnaît pas, mais qui lui apprend qu’il fut son dealer et l’a faite plonger dans la drogue. Alors que Ben l’exhorte à ne pas retomber, celle-ci lui révèle qu’elle a une dose et qu’elle en prendrait bien une dernière fois avec lui. Ben pourra-t-il résister ? Quelle est donc la personne à qui il téléphonait ?

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