Avengers : Endgame
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Pays:
Américain
Thème (s):
Fécondité, Guérison, Mission, Orgueil, Travail de Pâques
Date de sortie:
24 avril 2019
Durée:
3 heures 1 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Joe Russo, Anthony Russo
Acteurs:
Robert Downey Jr., Chris Evans, Mark Ruffalo ...
Age minimum:
Adolescents et adultes

Avengers: Endgame, fantastique américain d’Anthony et Joe Russo, 2019. Inspiré des comics Marvel, les Avengers. Avec Robert Downey Jr., Chris Hemsworth, Mark Ruffalo, Chris Evans, Scarlett Johansson, Jeremy Renner,etc., etc.

Thèmes

Mission, guérison, fécondité, travail de Pâques, orgueil.

Cet Endgame finit en beauté et avec un succès mérité (meilleur démarrage au box office de tous les temps avec plus d’un milliard de dollars de recettes mondiales en cinq jours et une vingtaine d’autres records !) un long chapitre de la franchise super-héroïque Avenger. Il le finit au double sens : il le termine et l’accomplit – non sans quelques questions, voire déceptions.

Il le finit, puisqu’il s’agit du 22e film de l’univers cinématographique Marvel, débuté en 2008, et le 10e de la phase III (à vrai dire, celle-ci s’achève par Spider-Man : Far From Home, qui sort le 3 juillet 2019). Mais surtout, il l’accomplit, en évitant tous les pièges : la répétition par intensification (trois heures de combats contre l’invulnérable super-scélérat) ; l’achèvement par l’achèvement attendu (fin de cachets oblige !) de Captain America et autres IronMan ; inversement, l’innovation totale et improbable par intervention d’autres super-héros ou d’autres super-aventures. Bref, se présentant comme une fin, donc comme le terme d’une série, le scénario devait résoudre l’éternel problème de toute intrigue digne de ce nom : comment conjuguer même et autre, continuité et nouveauté ? La solution ici trouvée semble se concentrer dans la mort, totalement inattendue, du grand méchant vers la fin de la première des six demi-heures. Mais celle-ci n’est que le symbole d’une autre mort, beaucoup moins apparente et beaucoup plus importante : à soi-même.

En effet, tout chemin digne de ce nom passe de l’extérieur à l’intérieur, du singulier à l’universel. Or, quelle est la trame commune à tous les Marvels ? La lutte apocalyptique entre le bien et le mal. Donc, le dernier épisode de la saga se devait de montrer l’intériorisation de ce combat et le rayonnement de sa victoire.

 

  1. Prenons, comme souvent, le tout début et la toute fin du film.

Dans un climat idyllique, la scène inaugurale nous montre l’archer surdoué Clint Barton en train de transmettre son savoir-faire à sa fille, et le faire avec fruit (elle plante la flèche en plein cœur de la cible) – juste avant que son adolescente, puis ses deux autres enfants et son épouse soient annihilés d’un claquement de doigts. À la plus pure des joies, celle de la paternité féconde sur fond de communion idéale parents-enfants et famille-nature, succède la plus abyssale et la plus injuste des peines.

Dans la dernière scène – je dis bien dans la dernière, parce que, très intentionnellement, pour bien marquer la fin d’un cycle, le spectateur n’a droit à aucune scène à moitié ou fin de générique, comme c’était de tradition dans les vingt-et-un films précédents –, Steve Rogers, après avoir replacé les pierres et Mjöllnir dans leur ligne temporelle, et surtout après avoir vécu une heureuse existence avec sa bien-aimée Peggy Carter (Hayley Atwell), revient du passé dans le présent. Chargé d’années, mais allégé, le visage ridé, mais rayonnant du bonheur vécu, il peut faire rimer béatitude et gratitude, en transmettant le bouclier de Captain America à Sam Wilson.

 

  1. Entre les deux, chaque super-héros a dû étreindre et éteindre son « Thanos intérieur ». Et n’est sorti heureusement vainqueur de ce combat intérieur qu’en revisitant douloureusement son histoire passée, et le plus souvent en sacrifiant coûteusement ce qui lui était le plus cher.

 

Certes, nous aurons droit à un affrontement final exceptionnellement prolongé et spectaculaire où, à la joie de revoir une trentaine de super-héros combattre une armée de monstres anonymes convoqués par Thanos, se joint celle de voir renaître tous les héros morts au précédent épisode, de Stephen Strange / Dr Strange (Benedict Cumberbatch) et Peter Parker / Spider-Man (Tom Holland) à T’Challa / Black Panther (Chadwick Boseman), en passant par Groot l’arbuste (voix : Vin Diesel) et tout un regroupement féminin qui conduit un très réjouissant assaut : Gamora (Zoe Saldana), Hope van Dyne / la Guêpe (Evangeline Lilly), Wanda Maximoff (Elizabeth Olsen), Valkyrie (Tessa Thompson) et Okoye (Danai Gurira).

Certes aussi, le grand ennemi, Thanos revient plus manipulateur et philosophe que jamais, avec un discours hautement convainquant qui a su tirer les leçons de son propre échec : abolissons le passé pour créer un avenir véritablement nouveau ; damnons la mémoire pour laisser place à une histoire sans vengeance – oubliant simplement de s’inclure dans cette extermination généralisée.

Toutefois, l’essentiel est ailleurs : être sauvé-guéri, pour pouvoir à son tour et à nouveau sauver et guérir le monde. Deux exemples parmi beaucoup.

Thor, fils du roi des Asgardiens Odin, dieu de la foudre, grâce à son marteau Mjöllnir et superhéros surpuissant (excusez du peu !), régresse lamentablement en ado alcoolique, geek et addict du jeu vidéo Fortnite, bedonnant et benêt. Il est à ce point dépendant que Rocket réussit à le convaincre de venir simplement en lui révélant : « J’ai de la bière dans le vaisseau ». En se rendant à Asgard pour récupérer la Pierre de la Réalité, Thor retrouve sa mère mourante. Il ne se relèvera de cette chute addictive, il n’accèdera au salut personnel, pour redevenir l’un des « sauveurs » du monde qu’en renonçant à sauver sa mère qui, en retour, lui demande de la laisser mourir. Autrement dit, il ne sortira de l’échec subi qu’en entrant dans un nouvel échec, mais consenti.

De même, Tony Stark qui croit faussement avoir trouvé la paix en vivant avec sa famille et un sens en se donnant à elle, ne fait que fuir par peur de la perdre et se chercher en se déculpabilisant. Il consentira à quitter épouse et enfant en pensant à la disparition de Peter Parker dans ses bras, donc en s’ouvrant à autrui par compassion – non sans un nouveau mensonge à lui-même, par lequel il se rassure et les assure qu’il les reverra. Mais l’on saura qu’il n’a pleinement accédé à la vérité de son être et donc de sa mission qu’en accomplissant ce que personne ne lui a demandé et ne pouvait lui demander : enfiler le Gant qui lui coûtera la vie et claquer alors des doigts, pour réduire en poussière l’armée et son chef lui-même. Beaucoup plus qu’un destin fatalement imposé, cette mission est un dessein librement choisi. Et si le prix à payer est cher, il n’est pas excessif, ainsi que l’attestent les paisibles et émouvantes funérailles qui, dans un long plan séquence, unissent la quasi totalité des personnages de l’Univers cinématographique Marvel présents dans les trois phases.

 

  1. Bien sûr, toutes les transformations vers une plus grande humanité ne feront pas l’unanimité. Que penser de la métamorphose d’un Hulk épisodique, mutique et colérique en un Banner-Hulk permanent, parlant et souriant ?… Est-il crédible que la surpuissante Captain Marvel, peut-être la plus proche de Superman, s’éloigne aussi longtemps d’une menace aussi puissante que Thanos et que, revenant, elle ne puisse le terrasser ?

Quoi qu’il en soit, chaque super-héros ne passera de la démission à sa mission que par la soumission à la loi sans rémission de fécondité, souvent citée en ces critiques : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24).

Deux faits le confirment. Au lieu de multiplier les scènes d’action tant attendues, l’intrigue se donne le droit de longuement montrer la dépression, les fuites et les dénis des différents super-héros. Et la lente durée de ce qui est beaucoup plus qu’une mise en situation ne pourra sembler lassante que parce que, justement, les scénarios de refus sont eux-mêmes répétitifs et terriblement entropiques, c’est-à-dire désénergétisants.

Le second fait est encore plus étonnant : au moment de mourir, loin de se révolter ou de tenter un ultime assaut, Thanos s’asseoit, apaisé plus que vaincu, comme heureux d’être délivré du pesant fardeau de libérer l’univers de ce qu’il a toujours cru être sa malédiction. Sa seule faute – mais elle est abyssale – ne serait pas d’avoir servi sa gloire, mais de se l’être donnée à lui-même – et ainsi d’avoir cru qu’il pouvait tout sacrifier à sa mission, y compris la moitié, puis la totalité des vies de l’univers. On l’oublie souvent, double est la figure de l’orgueilleux : celui qui ne vit que pour lui (et oublie de donner) ; celui qui ne vit que par lui (et oublie de recevoir). Si tant de tyrans participent de la première, le Titan, lui, relève de la seconde. Est ainsi confirmé en creux que l’Avenger ne se définit pas d’abord par sa puissance, mais par l’humilité avec laquelle il se reçoit.

 

  1. L’incontestable réussite du scénario, porté par des plans somptueux et des acteurs talentueux, ne va pas sans quelques regrets qui sont de l’ordre du rêve, plus que de la critique. Notamment de deux ordres.

Avec l’ami fidèle qui accompagne le visionnement des Comics, nous nous sommes pris à songer à ce qu’un Christopher Nolan (celui de la trilogie Batman, notamment) aurait su tirer des tensions dramatiques d’un Thanos encore plus dangereusement manipulateur que dans le précédent opus. Il aurait ainsi pu incurver la trajectoire d’un des super-héros qui, tel le plus ambigu et, par certains côtés, le plus riche et le plus passionnant de l’univers Marvel – j’ai bien sûr nommé Loki (Tom Hiddleston), frère adoptif de Thor, dieu de la tromperie et anti-héros –, se serait laissé séduire par son discours au point de trahir les Avengers, avant de les rejoindre, en transformant la pire défaite dans la plus totale victoire.Ce que les scénaristes ont gagné en allégeant la sombre atmosphère de dépression post-catastrophique, voire post-apocalyptique, par quelques touches comiques (qui, pour certaines, sont loin d’être innocentes et tout-public), ils l’ont perdu en profondeur de tension et donc en joie de résolution.

Nous nous sommes aussi pris et surpris à imaginer ce que ce prince des émotions en attente et de leur actualisation éclatante qu’est Steven Spielberg, aurait mis en scène pour nous faire vibrer et même pleurer au départ des deux super-héros parmi les plus attachants. Par exemple, pour Tony Stark, au lieu de l’insipide échange sur le cheeseburger avec une jeune actrice mal dirigée, s’offrait la chance de filmer le déchirement sur le visage si expressif de la fidèle depuis l’origine, Gwyneth Paltrow.

 

Ces questions et suppositions ne doivent pas détourner de ce bon film familial. Comment, pendant cette octave pascale – en synchronisation avec la sortie, l’an passé, d’Avengers: Infinity War –, ne pas se réjouir de ce qu’on pourrait relire comme un scénario de mort et de résurrection ? Plus encore, une histoire qui révèle le sens du travail de Pâques : mourir à soi-même pour renaître à la vie nouvelle donnée à tous ?

Pascal Ide

Clint Barton / Hawkeye-Œil-de-Faucon (Jeremy Renner), entouré de sa famille en pleine partie de campagne, apprend à tirer à l’arc à sa fille, lorsque, soudain, celle-ci, sa femme et ses trois enfants disparaissent. Le claquement de doigts de Thanos (voix et capture de mouvement : Josh Brolin) ayant enfilé le Gant de l’infini armé de ses six Pierres, sur lequel s’achevait Avengers: Infinity War (mêmes réalisateurs, 2018), vient de faire disparaître la moitié de tous les êtres vivants de l’univers – et donc des personnages de l’univers Marvel.

Trois semaines plus tard. Les deux survivants de l’affrontement sur Titan, Tony Stark / Iron Man (Robert Downey Jr.) et la cyborg luphomoïde Nébula (Karen Gillan), dérivent dans l’espace près du satellite de Saturne, à bord du Benatar, le vaisseau des Gardiens de la Galaxie. À cours d’oxygène et de carburant, éloignés de tout, ils sont soudain secourus par Carol Danvers / Captain Marvel (Brie Larson). Elle les ramène sur Terre au QG des Avengers où les attendent l’épouse de Stark, Pepper Potts (Gwyneth Paltrow), Natasha Romanoff / Veuve Noire-Black Widow (Scarlett Johansson), Steve Rogers / Captain America (Chris Evans), Bruce Banner / Hulk (Mark Ruffalo), Thor (Chris Hemsworth), James « Rhodey » Rhodes / War Machine (Don Cheadle) et Rocket (voix : Bradley Cooper). Très affaibli et rempli d’amertume, Tony Stark agresse verbalement Steve Rodgers avant de s’écrouler.

Le groupe souhaite retrouver Thanos, certes, pour le neutraliser, mais d’abord pour récupérer les Pierres d’infinité, notamment la Pierre du Temps, qui permettraient de revenir dans le passé et ainsi d’annuler la destruction massive des vies. Connaissant son père adoptif, Nébula permet aux Avengers de localiser la planète. En l’absence de Stark, ils retrouvent le Titan qui s’occupe tranquillement de son jardin et, contre toute attente, Captain Marvel le maîtrise sans difficulté. En fait, son corps fut abimé par son claquement de doigts et, surtout, il a détruites toutes les Pierres afin qu’elles ne puissent plus être utilisées. Dans un mouvement de rage, Thor décapite Thanos.

Cinq ans plus tard, la Terre est donc toujours en deuil de la moitié de sa population, et les Avengers ne vengent plus grand chose. C’est alors que Scott Lang / Ant-Man (Paul Rudd) parvient à s’extraire du monde quantique où il est resté enfermé (au terme d’Ant-Man et la Guêpe), ce qui l’a protégé de la destruction de Thanos (du moins l’on imagine). Apprenant ce qui s’est passé et rejoignant le QG des Avengers, il prend conscience qu’il n’est resté que cinq heures dans son univers subparticulaire alors que cinq années se sont déroulées à échelle humaine. Ne serait-il pas possible de voyager dans le temps, donc, de revenir dans le passé avant même la destruction opérée par le Gant d’infinité ? Mais un tel projet nécessiterait de réunir tous les Avengers survivants. Est-ce possible ? Pour canaliser son amertume, l’archer d’élite Clint Barton est devenu une sorte de justicier incontrôlable, voire de serial killer de méchants. Ne pouvant se résoudre à abandonner Pepper et leur fille de cinq ans, Tony Stark décline l’offre. Pour fuir son échec cuisant, Thor est devenu un ivrogne obèse régnant sur son pack de bière plus que sur les survivants d’Asgard réfugiés dans un coin reculé de Norvège. Pour sortir de son identité schizoïde, Bruce Banner a définitivement fusionné avec Hulk, en faveur de celui-ci. Tout espoir de récupérer les Pierres serait-il perdu ?

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