« Ce geste m’a converti »

(Lundi Saint, 26 mars 2018)

Nous sommes à Rome, en juin 1999, durant la procession de la Fête-Dieu, après la messe célébrée par Saint Jean-Paul II. La procession du Saint Sacrement s’organise : fidèles laïcs, religieux, prêtres, évêques, cardinaux et, fermant la marche, le pape tenant le Seigneur. « Alors que la procession est en place et a déjà commencé son parcours, une religieuse s’introduit dans les rangs des cardinaux. Elle porte avec elle un grand panier de fleurs fraîches. Dérangeant l’ordre établi, elle s’avance jusqu’au Saint Sacrement et jette toutes les fleurs ».

Un cardinal de la Curie romaine se trouve présent et voit la religieuse bousculer tout le monde, braver la police, arriver à accéder au premier rang… et jeter sa brassée de fleurs devant les roues de la papamobile. Sa première réflexion est la suivante : « En plus, c’était des fleurs fraîches ! » Suit une seconde réflexion qu’il n’hésite pas à faire à un groupe d’évêques de passage dans la Ville Éternelle : « Elle m’a converti ».

Lucienne Sallé qui rapporte ce geste et ces paroles conclut : cette religieuse « renouvel[le] d’instinct le geste de la femme de l’Évangile [1] ». Hier, une femme dont on ignore le nom brisa « un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur » pour le verser sur la tête de Jésus (Mc 14,3). Aujourd’hui, une femme prénommée Marie oint les pieds de Jésus avec « une livre d’un parfum de nard pur de grand prix » (Jn 12,3).

La femme de l’Évangile pose un acte de don sans retour, c’est-à-dire désintéressé (son inutilité apparente offusque Judas), sans restriction, c’est-à-dire total (la quantité, comme la qualité, du parfum est « de grand prix ») et sans retard, c’est-à-dire immédiatement fécond (« la maison fut remplie de l’odeur du parfum »). De même, la religieuse accomplit une action de totale gratuité, puisque les fleurs vont être piétinées dans un instant. Ces gestes symboliques, plus forts que toute parole, touchent et même convertissent.

Surtout, ces actes sont adressés à Jésus qui, le premier (cf. 1 Jn 4,10), nous a follement aimés.

Par quel acte – peut-être fou – d’amour Lui répondrons-nous ?

Pascal Ide

[1] Lucienne Sallé, Femmes pour L’aimer, Laval-Nantes, Siloë, 2000, p. 267-268.

27.3.2018
 

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