Caro veritatis cardo (recension)

Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 137 (2015) n° 2, p.340.

Manuel Belli, Caro veritatis cardo. L’interesse della fenomenologia francese per la teologia dei sacramenti, pref. A. Grillo, coll. Dissertatio -Series Romana 51, Milano, Glossa, 2013.

Ce gros ouvrage, passionné et érudit, est le fruit d’une thèse soutenue à l’Athénée Saint-Anselme, à Rome, par un prêtre de Bergame, actuellement prof. de théol. sacramentaire dans le séminaire de son diocèse. L’intuition est originale : surmonter la crise de la théologie des sacrements et assumer toutes les conséquences du Mouvement liturgique, en interrogeant ses présupposés épistémologiques et en proposant un changement de paradigme philosophique, la phénoménologie française. L’ennemi est clairement désigné : le formalisme néoscolastique – qui a fait disparaître l’historicité et l’événement et a trop séparé la raison de la foi. La 1re partie de l’ouvrage parcourt les différents acteurs de la réforme liturgique et du renouveau sacramentaire (Casel, Guardini, Rahner, Marsili, Vagaggini, Schillebeeckx, Chauvet, Jüngel). La 2de partie évalue les propositions de trois phénoménologues français (Marion, Henry et Falque) presque exclusivement en théologie eucharistique.

Les spécialistes en liturgie et en sacramentaire qui sont aussi fins connaisseurs de la philosophie (l’A. a soutenu une licence sur la relation entre théologie et phénoménologie chez Klaus Hemmerle et Bernhard Welte) sont suffisamment rares pour ne pas s’en réjouir, surtout lorsqu’ils rédigent un ouvrage militant et riche en propositions (toutefois plus théoriques que pratiques, il faut le dire!). Mais il nous semble possible de ne pas céder à une herméneutique de la discontinuité et d’éviter l’option fortement anti-métaphysique de cette relecture phénoménologique qui sacrifie les catégories classiques de signe et cause sur l’autel de l’événement, en convoquant l’épistémologie d’un Blondel qui, faisant battre la pensée au rythme du pneumatique et du noétique, conjure le risque de formalisme sans sacrifier le concept, et une métaphysique de l’être comme amour, donc du signe amatif, telle qu’elle est ébauchée par Siewerth et d’autres. Une telle ontodologie, apte à héberger le meilleur de l’actuelle phénoménologie du don, fonderait une théologie sacramentaire comme celle qui est ébauchée par le Card. Marc Ouellet dans le passionnant cours qu’il vient de publier (Mystère et sacrement de l’amour. Théologie du mariage et de la famille en vue de la nouvelle évangélisation, Paris, Cerf, 2014 ; cf. NRT 137, 2015, p. 347-348).

Pascal Ide

8.8.2018
 

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